Economie

Flexicurité : modes d’emplois ?

Un modèle social européen ?

, par Vincent Meunier

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Flexicurité : modes d'emplois ?

Comme tente de le démontrer la tribune ci-dessous, seul le féderalisme politique peut permettre a l’Europe de sortir de l’impasse economique et sociale dans laquelle elle s’est fourvoyée en lançant des projets justes (euro, convergence du droit de la production économique et du travail, etc), mais qui ont l’inconvénient majeur d’être à « géometrie variable » et d’aggraver le sentiment d’incoherence et d’incomprehension des citoyens devant la « machine » communautaire.

Érigé au rang de priorité de la Présidence allemande de l’Union Européenne, le concept de « flexicurité » s’inspire des choix effectués de longue date par le Danemark en matière de droit du travail : la facilite de licenciement (« flexibility ») accordée aux entreprises est « amortie » par de généreuses, mais brèves, indemnités de chômage (« security »).

Affichant une santé économique insolente, tout en restant hors de la zone euro, le royaume a procédé au cours des dernières années à de vigoureuses réformes : relèvement de l’âge de la retraite, restructuration administrative, réduction des prestations, lutte contre l’immigration « éco- humanitaire », soutien aux nouvelles technologies.

Conformément aux engagements de la Stratégie de Lisbonne, l’Allemagne a décidé de porter le débat sur la scène europénne. Après le « Livre Vert » de la Commission du 22 novembre dernier, Berlin explique que seule la coopération intergouvernementale permettra de « developper le modèle social » européen.

Balivernes ! Il n’existe pas plus de « modèle social européen » que de « modèle économique » ou « politique » - c’est d’ailleurs sans doute là un des problèmes majeurs du grand marché communautaire. Comment croire a un tel « modèle », alors que la durée du travail, le droit syndical, le statut des entreprises, la fiscalité des revenus, l’âge de la retraite, l’organisation et le financement de systèmes de santé, etc, sont aussi disparates ?

La « flexicurité » pourrait devenir « le » modèle social européen, si tel est effectivement l’objectif – mais il ne s’agira alors sans doute que du « plus petit dénominateur » acceptable par chacun, en fonction d’enjeux nationaux variables.

Les points d’équilibre entre « flexibilite » et « sécurité » seront vraisemblablement différents selon les Etats, aboutissant à un résultat plus proche du kaléidoscope que de la mosaïque, en l’absence d’une harmonisation imposée pour tous les Vingt-Sept (sans « opting-out »).

Ce futur « Code du travail et de l’économie » de l’UE devrait repondre aux questions suivantes :
 quelles règles observer en cas de rupture du contrat de travail ?
 Acceptons-nous un secteur à rémunération réduite (le cas échéant, aidée par l’Etat sous forme de « crédit d’impôt » ou de « salaire combiné ») ?
 Quelles incitations à la création d’entreprise, sans distorsion de concurrence entre les Etats ou regions ?
 Comment préserver la compétitivité des biens et services européens dans une économie de libre-échange ?

Une « flexicurité » européenne est possible, mais elle réclame des décisions cohérentes à l’echelle de l’Union : la protection des Hommes avant celle des postes de travail, l’encouragement à la mobilité spatiale et professionnelle, la libéralisation des niveaux de salaires et la responsabilisation accrue de chacun.

Une telle modernisation exigera d’intenses négociations – elles ne seront pas suffisantes face au poids des groupes d’influence, si l’opinion civique ne s’empare pas du débat, au sein du Conseil économique et social comme au Parlement européen et ailleurs. Il en va de la crebilite de la « flexicurité » comme « nouvelle frontiere socio-economique » de la démocratie politique européenne.

Vos commentaires
  • Le 25 janvier 2007 à 17:28, par Fabien Cazenave En réponse à : Flexicurité : modes d’emplois ?

    Tu as le lien sur le Livre Vert qui date déjà de quelques temps... La démocratie, c’est aussi réagir à ce que l’on nous dit. Les consultations d’ailleurs continuent : regarde le lien à la fin de l’article vers le site de la Confédération Européenne des Syndicats (CES), syndicat réformiste qui représente 60 millions de travailleurs en Europe.

    Ton point de vue n’est pas forcément objectif d’ailleurs si nous nous référons au lien que tu as mis... L’idée de la photo est de mettre en avant une autre vision de ce que nous avons l’habitude de voir en France, tout en mettant nos lecteurs face à une réalité si par exemple nous repoussons l’âge de la retraite.

    Ce n’est pas ce que la Commission nous promet. En revanche, nous devrions avoir un plus grand dialogue avec les syndicats européens (via la CES) et le patronnat européen (via l’Unice) en plus de nos politiciens.

    J’ai trouvé en tous les cas intéressant dans cet article de montrer qu’il y avait un mouvement de fond quant à la relation entre modèle social européen et flexicurité. Comme le dit l’auteur de cet article, il me semble que nous pourrions avoir une base commune avec des différences suivant les pays à l’intérieur d’un ensemble commun.

    Mais pour cela, il faudrait qu’il n’y ait plus cette règle de l’unanimité au Conseil et que le Parlement européen ait plus de pouvoirs...

    L’Europe politique, nous en avons besoin !

  • Le 25 janvier 2007 à 17:47, par rameau En réponse à : Flexicurité : modes d’emplois ?

    Cet article est très intéressant.Cependant, j’ai quelques remarques à faire. Pourquoi avoir choisi de mettre une photo représentant des personnes agées travaillant dans un phone center ? Doit-on y voir une préfiguration de ce que nous réserve la Commission européenne dans son Livre vert ? Par ailleurs, le Livre vert est censé être une consultation des différents intervenants dans le débat sur la réforme du marché du travail. Dans ce cas, pourquoi la Commission nous annonce-t-elle déjà qu’elle publiera une communication sur la flexicurité avant même d’avoir recueilli l’ensemble des réactions au Livre vert ? Il s’agit d’une méthode pour le moins peu démocratique. Enfin, tu discutes assez peu dans ton article du contenu du Livre vert.Or, celui est à certains égards, assez inquiétant... Sur ce point, un ami m’a envoyé un article très intéressant :

  • Le 26 janvier 2007 à 18:57, par rameau En réponse à : Flexicurité : modes d’emplois ?

    Je suis d’accord avec toi sur l’Europe politique. Concernant l’article, tout le monde sait qu’il y a un « lien » entre flexicurité et modèle social européen, c’est précisément ce que la Commission essaie de nous faire avaler. Ce n’est donc pas une découverte ! Cet article est très intéressant ; il n’apporte toutefois pas grand chose au débat. En particulier, il ne s’interroge pas suffisamment sur le concept de flexicurité, on aimerait en savoir plus.

    Quant à l’autre article dont je t’ai envoyé le lien, il n’est certes pas objectif, mais crois-tu vraiment qu’un débat politique doive être objectif ? Il n’y a pas une vérité qui se cache derrière toute chose, sinon ce ne serait pas la peine d’être en démocratie, il suffirait de désigner un groupe d’experts bien formés (n’est-ce pas le cas de la Commission ?) pour prendre des décisions à notre place et nous montrer la voie de la Lumière. Enfin, je n’ai pas compris ta première remarque, elle est contradictoire : pourquoi faudrait-il s’interdire de parler du livre vert puisque c’est précisément dans la période de consultation qu’elle a ouverte que s’inscrit le débat actuel sur la flexicurité ? Cordialement.

  • Le 26 janvier 2007 à 19:49, par Fabien Cazenave En réponse à : Flexicurité : modes d’emplois ?

    Pour ma première remarque : c’était pour te dire que les consultations ont déjà commencé. Pas plus.  ;-)

    Le lien entre flexicurité et modèle social européen existe => mais comme dit dans l’article, cela ne doit pas forcément donner un même modèle pour tout le monde, mais il doit y avoir des bases communes.

    Je ne crois pas que nous puissions faire adopter notre régime social à tous les pays européens. Cependant, si nous voulons sauver notre régime de retraite par répartition, c’est à nous de nous inspirer de ce qu’il se fait ailleurs. Notre solidarité nationale me semble un bon principe, mais avec l’augmentation des retraités et la baisse du nombre de cotisants, il va bien falloir faire quelque chose.

    Pour l’instant, la Commission européenne n’a pas grand chose à proposer puisque c’est un sujet de ocmpétence nationale aujourd’hui.

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