Expérience, symboles et une couche d’euroscepticisme

La politique européenne du nouveau gouvernement allemand

, par Frank Stadelmaier

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Expérience, symboles et une couche d'euroscepticisme

Le 28 octobre 2009, le nouveau gouvernement d’Angela Merkel (CDU) a pris ses fonctions : sept ministres de la CDU, cinq ministres libéraux de la FDP et trois ministres de la CSU bavaroise. Quel est son programme pour l’Europe ?

L’accord de coalition entre les trois partis stipule que l’avenir de l’Allemagne est inextricablement lié au développement politique de l’Europe. Une évidence. Y sont ensuite évoquées des initiatives concrètes au niveau européen, à savoir en politique de l’énergie, en supervision bancaire et en politique de sécurité et de défense. Enfin les relations franco-allemandes sont saluées, de même que celles avec les petits et moyens États membres, et en particulier les relations avec la Pologne ; on veut ranimer le Triangle de Weimar.

Mise en valeur symbolique de la Pologne et des « petits »

On retrouve alors les idées de Guido Westerwelle, leader de la FDP et nouveau ministre des Affaires étrangères. Il a fait de la réconciliation avec l’Europe centrale et de l’est un projet personnel, afin de finalement surmonter la division de l’Europe. M. Westerwelle a fait de ses premiers déplacements un symbole de sa volonté de changement : d’abord, contrairement à la tradition, il s’est rendu à Varsovie, puis à La Haye, ensuite seulement à Paris. Avant de se rendre à Washington, il s’est encore arrêté à Bruxelles et au Luxembourg. Si ce voyage reflète des intentions sincères, il donne l’espoir d’une vraie volonté politique pour prendre en compte les sensibilités de la Pologne, ainsi que les intérêts des petits pays membres de l’Union européenne.

L’accord de coalition : une fête pour les eurosceptiques

Retour à l’accord de coalition : en ce qui concerne l’Europe, il y est surtout question de suppression de la bureaucratie, du strict respect du principe de subsidiarité, ainsi que de la réduction substantielle des exigences de rapport pour les entreprises. Il y est souligné l’importance de respecter les délais de la mise en œuvre des directives, mais sans aller au-delà de l’initiative européenne en question. Les exigences de la FDP, toujours obligeante envers les entreprises, et des souverainistes de la CSU se font nettement sentir. Le gouvernement veut aussi qu’une législation européenne proposée, qui n’a pas pu être adoptée pendant le mandat d’une Commission, soit abandonnée. C’est une atteinte à la méthode communautaire, qui privilégie une évolution progressive, mais constante. En outre, les ressources financières de l’UE devraient être limitées : pas plus d’un pour cent du revenu national brut à titre de contribution, tout en excluant simultanément des taxes propres à l’UE, ainsi que des activités d’emprunt de l’UE. La Commission européenne, si elle se veut communautaire, devrait savoir prendre les précautions nécessaires face à de tels propos...

Des projets de prestige national pour la politique étrangère commune ?

Par ailleurs, l’accord de coalition aspire à un siège permanent européen au Conseil de sécurité de l’ONU : il s’agit de toute évidence d’un projet de longue haleine. D’ici là le gouvernement se dit toujours prêt à y prendre une place permanente lui-même... En ce qui concerne la politique européenne de voisinage, la coopération avec les pays du Partenariat oriental devrait s’intensifier. En revanche d’autres régions, comme les pays de la Méditerranée, n’apparaissent absolument pas dans ce chapitre.

La chancelière : une Européenne convaincue ?

Quant à Angela Merkel elle-même, elle n’a pas encore fait preuve d’ambition européenne depuis sa réélection. Elle devrait pourtant apporter de l’expérience et de la stabilité dans la politique européenne de l’Allemagne. Cependant, elle a commencé par irriter, notamment par sa décision de nommer comme candidat allemand à la Commission Günther Oettinger (CDU) : un homme politique qui en tant que Premier ministre du Bade-Wurtemberg apporte un certain poids politique, mais qui a fait peu de preuve d’engagement européen dans le passé. Sa mutation à Bruxelles a amené l’ensemble des commentateurs politiques à conclure qu’on voulait se débarrasser de lui... À la première réunion du Conseil après le changement de gouvernement, Mme Merkel s’est ensuite fait remarquer par son refus d’engagement financier par rapport à l’aide aux pays en développement dans la lutte contre le changement climatique : plutôt peu prometteur comme nouveau début sur la scène européenne.

Un gouvernement pour l’économie allemande

On peut sans doute s’attendre, de la part du nouveau gouvernement allemand, à un engagement européen guidé par l’expérience. Cependant, il n’aura pas seulement les intérêts européens à l’esprit, mais surtout ceux de l’économie allemande, ainsi que les sensibilités des électeurs eurosceptiques. Il s’agit bien d’un gouvernement libéral-conservateur, avec un penchant économique : il apprécie l’Europe économique, mais semble sceptique, sinon hostile, à davantage d’intégration politique.

Ses prochains pas dépendront des équilibres au sein de la coalition, entre - par exemple - une CSU eurosceptique par souci d’élection, une FDP économiste, un ministre des Affaires étrangères de bonne volonté, mais inexpérimenté, une CDU avec des courants différents... et surtout une chancelière comme toujours attentiste.

Traduit de l’allemand.

Illustration : Signataires de l’accord de coalition le 26.10.2009. Source : Flickr.

Vos commentaires
  • Le 12 décembre 2009 à 16:20, par Cédric En réponse à : Expérience, symboles et une couche d’euroscepticisme

    Tout à fait d’accord avec cette analyse.

    La posture actuelle de Berlin est inquiétante. Vous avez évoqués quelques exemples de ses nombreux refus de principes. Moi, j’ai l’impression d’en rencontrer quotidiennement dans la presse. Par exemple :
     refus du statut de société privée européenne (SPE) en arguant de détails
     blocages sur la compétence industrielle
     blocages sur la compétence « cohésion territoriale » et « mobilité urbaine »
     refus de toute coordination des programmes de recherche ... etc.

    L’inquiétant, c’est qu’il s’agit bien souvent de refus de principe, pas d’opposition sur les modalités.

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