Europe et 14 juillet

, par Robert Toulemon

Europe et 14 juillet

La célébration de la fête nationale au moment où la France exerce la présidence de l’Union européenne offre une nouvelle occasion de poser la question des symboles.

S’il est un domaine qui fût négligé par les Pères de l’Europe, c’est bien celui des symboles. Il fallut plus de dix ans pour que le Parlement européen s’appropriât le drapeau bleu à douze étoiles du Conseil de l’Europe, signe d’harmonie et non représentation des douze États qui composaient alors la Communauté. Le principal progrès, en ce domaine, a été accompli quand François Mitterrand a décidé que le drapeau européen serait arboré aux côtés du tricolore lors de ses interventions à la télévision.

La suppression de toute référence aux symboles, qui bien entendu n’en subsistent pas moins, a été ressenti comme une gifle et comme un contre-sens par les militants européens. Le président Nicolas Sarkozy a fait figurer le drapeau européen sur sa photo officielle. Mais beaucoup reste à faire pour en généraliser la présence sur les édifices publics ainsi que sur les panneaux d’information, trop rares en France, où sont signalés les concours de l’Union à tel ou tel équipement d’intérêt public.

Européaniser les commémorations guerrières

La présidence française de l’Union européenne pourrait donner à notre pays l’occasion d’avancer deux propositions qui compenseraient, dans une certaine mesure, le signe négatif donné par l’élimination des symboles du nouveau traité européen.

 L’une consisterait à joindre en une seule célébration l’effondrement du nazisme, le 8 mai 1945, et l’appel de Robert Schuman qui, le 9 mai 1950, proposait la première communauté européenne comme promesse de paix et de réconciliation, première pierre de la fédération européenne. Sans la chute du nazisme, qui fut pour l’Allemagne autant une libération qu’une défaite, le démarrage de la construction européenne n’aurait pas été possible.
 L’autre proposition serait de faire du 11 novembre une fête de la réconciliation, toutes les victimes étant honorées sans distinction de nationalité, voire d’associer dans une commémoration unique, le 9 ou le 11 novembre, le souvenir des morts de la première guerre mondiale et la chute du mur de Berlin, point de départ de la libération des nations devenues captives à l’issue de la deuxième.

Ces deux propositions devraient faire l’objet d’un accord franco-allemand avant d’être officialisées, notamment l’accord pour une célébration commune en novembre, qui ne se conçoit que dans le contexte d’une démarche à fort contenu européen. Les diverses associations européennes pourraient s’unir pour promouvoir cette démarche dans les deux pays, puis dans l’ensemble de l’Union européenne. Elles contribueraient à rajeunir des commémorations qui risquent de perdre toute signification pour les générations à venir. On a trop attendu pour faire du 9 mai, anniversaire de la déclaration fondatrice de Robert Schuman, un jour férié commun à tous les États membres au cours duquel seraient exaltés les sentiments de solidarité entre peuples européens, de fierté pour le travail de réconciliation accompli et de soutien aux valeurs universelles qui sont celles de l’Europe.

Billets de banque, timbres, téléphonie mobile

Une occasion d’identifier l’Europe à travers ses héros a été manquée lorsque les responsables politiques ont laissé aux experts le soin de concevoir les nouveaux billets libellés en euros. Qu’attend le Parlement européen pour dresser la liste des grandes personnalités, hommes ou femmes d’État, écrivains, artistes appelés à figurer, à tour de rôle, sur les nouveaux billets qui devront un jour ou l’autre remplacer ceux d’aujourd’hui ?

Une autre erreur a été de laisser, à la faveur de la libération des services postaux, briser le signe d’unité que représentait le tarif unique d’affranchissement des lettres destinées aux membres de l’Union. De même, les entreprises de télécommunication auraient dû se voir interdire, pour les nouveaux services de téléphonie mobile, toute discrimination en fonction des espaces nationaux.

Une identité se construit

L’identité d’un groupe humain, a fortiori celle d’un groupe d’États et de citoyens, n’est pas une donnée intangible. Elle doit disposer, au départ, de bases communes préexistantes. Pour l’Union européenne, sa Charte des droits fondamentaux, sa contribution à la paix et à la démocratie, en Europe et hors d’Europe, constituent ce socle, mais un socle à partir duquel il faut construire. La grande erreur des élites européennes a été de croire que ce qu’elles ressentaient comme une évidence l’était aussi ou le deviendrait peu à peu pour la masse des citoyens.

La crise ouverte par le rejet du projet de constitution, à laquelle il n’est pas sûr, après le vote des Irlandais, que mette fin le traité de Lisbonne, est en grande partie la conséquence de l’absence d’une grande politique de l’identité européenne.

Illustration : photographie du défilé du 14 juillet 2007 avec la participation de personnel militaire des 26 autres pays de l’Union européenne. Source : Diplomatie.gouv.fr.

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Vos commentaires
  • Le 13 juillet 2008 à 12:11, par Valéry En réponse à : Europe et 14 juillet

    Merci pour cet article très pertinent.

    On regrettera à nouveau le chaud et le froid du gouvernement français en la matière avec le refus réitéré de signer la déclaration sur les symboles que de nombreux Etats membres ont souhaités joindre au traité de Lisbonne, restant ainsi dans le camp des gouvernements eurosceptiques.

    En outre après un premier 14 juillet européen, célébrant l’union entre les peuples de notre continent, tous démocratiques, cette année voit notre pays couvert de honte, voire notre Union entière puisque pour une fois Sarko a sollicité l’avis de nos partenaires semble-t-il, en invitant à ses côté toute une série de dictateurs et de dirigeants de régimes autoritaire.

    Travailler en liaison avec ces pays, pourquoi pas, cela peut être utile, toutefois inviter des dictateurs à une cérémonie qui célèbre la liberté est parfaitement minable.

    J’aurais tendance à dire vivement 2012 que l’on se débarasse de ce type mais ce serait oublier que Mitterrand avit lui même commis des fautes du même ordre en recevant Jaruselski ou en reconnaissant les auteurs du coup d’Etat russe de 1991 avant même la fin de celui-ci... En toute hypothèse quand on est conseillé par des individus peu recommandables comme Védrine ou Guaino on ne peut que commettre ce genre d’impairs.

  • Le 15 juillet 2008 à 16:19, par Nicolas En réponse à : Europe et 14 juillet

    En quoi Védrine ou Guaino sont « peu recommandables » ? sont-ils proxénètes, mafieux ? Font-ils du trafic de drogue, d’armes ?

  • Le 15 juillet 2008 à 17:25, par Fabien Cazenave En réponse à : Europe et 14 juillet

    Ils sont peu recommandables dans le sens où ils se disent européens alors que ce qu’ils visent, c’est le maintien pure et simple de la Nation... Cela vous choque-t-il qu’on soit capable de dire ce genre de choses ?

    Ils ne sont pas recommandables politiquement en terme européen, ça c’est clair.

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