Cet objectif s’est rapidement matérialisé, de 6 lors du traité fondateur de Rome en 1957, l’Union Européenne (anciennement la Communauté Economique Européenne) compte aujourd’hui 27 membres. En 2004, 10 nouveaux pays de l’ancien bloc de l’Est nous ont rejoints. N’importe quel Européen sincère ne peut que se réjouir que le continent s’est enfin unifié pacifiquement et que la phrase célèbre de Victor Hugo « Un jour viendra où toutes les nations du continent, sans perdre leur qualité distincte et leur glorieuse individualité, se fondront étroitement dans une unité supérieure et constitueront la fraternité européenne », prenne enfin forme. Mais quel sens voulons nous donner à ce continent enfin réunifié, un simple espace économique intégré garant de certains principes (liberté, démocratie, droit de l’homme) ou voulons nous voir émerger une réelle puissance politique et stratégique ?
La question de l’élargissement incarne plus que tout autre l’avenir institutionnel de l’Europe, les choix qui ont été fait et qui se poursuivent, à savoir un élargissement sans approfondissement et renforcement des structures ainsi qu’une omission volontaire d’une concertation populaire pourtant nécessaire, ont rendu le projet Européen insoluble, incompris, abstrait et sans vision politique viable.
Des critères de Copenhague devenus insuffisants
Selon le Conseil européen de Copenhague des 21 et 22 juin 1993 : « L’adhésion aura lieu dès que le pays associé sera en mesure de remplir les obligations qui en découlent, en remplissant les conditions économiques et politiques requises…, et notamment à souscrire aux objectifs de l’Union politique, économique et monétaire. » (Conclusion de la Présidence du Conseil européen de Copenhague des 21 et 22 juin 1993, Bull. CE 6/93 p. 13).
En résumé l’Europe est ouverte à tous les pays qui sont démocratiques, respectueux des droits de l’homme, qui ont une économie de marché et qui sont capables d’intégrer dans leur législation tout le droit communautaire. Autant dire que ce sont essentiellement des critères politiques (au sens libéral du terme) et de bonnes gestions.
Il est évident que ces critères sont suffisants pour une Europe qui souhaite être un grand ensemble économique garantissant certains principes, mais ces critères le sont bien moins pour permettre l’émergence d’une puissance politique digne de ce nom.
Il convient donc de les compléter par des critères plus politique (comme la volonté de déléguer à une autorité supérieure une part importante de ses fonctions régaliennes), stratégique (partager une vision commune des réponses à apporter aux grands enjeux économique et militaire), géographique et culturel (c’est-à-dire appartenir à la sphère culturel de l’Europe et prendre en compte la conception subjective de l’Etat-Nation c’est-à-dire la volonté de vivre ensemble).
La question des limites de l’Europe
La question des limites de l’Europe ne se pose pas de la même manière selon l’idée que l’on se fait de la finalité du projet européen. La question Turque est révélatrice plus que tout autre adhésion des clivages qui existe en Europe. Entre des États favorable à l’adhésion Turque et qui sont viscéralement contre une Europe politique et de l’autre des États opposés au nom de principes parfois douteux, le contraste est grand…
Pour certains l’Europe et est doit rester un grand marché économique garants de certains principes et de la paix sur le continent. Dans cette hypothèse l’intégration Turque ne pose aucun problème tant qu’elle remplit les fameux critères de Copenhague et les chapitres ouvert par la commission européenne. La définition du projet européen et de ses frontières sont à redéfinir avant tout nouvel élargissement.
L’autre vision est celle d’une Europe politique, dans ce cas de figure l’intégration Turque pose des problèmes non pas parce que c’est un pays musulman, bien que la majorité des pays européens soit de confessions chrétiennes, d’autres pays qui ont vocation à intégrer l’UE comme le Kosovo ou l’Albanie ont une population à majorité musulmane. Mais bien parce que si l’on accepte la Turquie, le nom même d’Europe perdra son sens, pourquoi refuser à ce moment là aux pays du Mashrek ou d’Asie centrale le statut de membre ?
Si l’Europe veut devenir une entité politique crédible et viable, elle doit être homogène dans toute sa composante. Comment voulons nous développer une politique extérieur ou de défense réellement européenne avec des points de vue aussi diamétralement opposés qu’entre une Angleterre qui préférera toujours le grand large au continent pour reprendre les termes de Churchill, de certains pays nordiques et de l’Est pour qui leur relation avec les USA est primordiale et certains pays comme la France et le Benelux ou l’idée d’indépendance stratégique européenne existe réellement.
Il existe donc bien un choix à faire entre un élargissement sans limite et un approfondissement structurel. Un choix politique entre un ensemble hétérogène dirigé par la règle de l’unanimité dans un système intergouvernemental et où les égoïsmes nationaux trônent, ou une entité politique unie respectant les particularismes et la singularité des États la composant.
L’avenir passe donc par des choix clairs et rapides si l’on ne veut pas voir l’Europe rester un grand ensemble économique sans unité politique crédible et donc voir cette entité sortir de l’histoire en tant qu’acteur majeur des relations internationales.
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