Élections au Royaume Uni : que proposent les trois principaux partis pour l’UE ?

, par Benoît Pélerin

Élections au Royaume Uni : que proposent les trois principaux partis pour l'UE ?

L’Union Européenne ne sera malheureusement pas un enjeu majeur des débats dans la campagne pour les élections du 6 mai au Royaume-Uni. Cependant les trois principaux partis (travaillistes, conservateurs et libéraux-démocrates) ont tous publiés leurs programmes électoraux, l’occasion de regarder d’un peu plus près ce que prévoient David Cameron, Gordon Brown et Nick Clegg pour leur pays et l’UE.

Le degré d’intégration dans l’UE

Les conservateurs, une fois venté les vertus de l’UE (c’est de rigueur) promettent à leurs électeurs un gouvernement souverainiste, ils parlent de promotion des intérêts nationaux, refusent que l’Europe « glisse » vers une forme fédérale, proposent un « bouclier référendaire », inscrit dans la loi pour tout nouveau transfert de compétence national vers l’UE (en amendant pour cela le European Communities Act de 1972 qui scella l’union avec l’Europe), de faire passer une loi sur la souveraineté nationale affirmant l’autorité du parlement britannique en dernier ressors et de négocier avec l’UE pour refaire passer certains domaines de compétence sous contrôle britannique, notamment dans le domaine judiciaire. Selon les conservateurs « l’intrusion constante de l’UE dans presque tous les aspects de notre vie est allée trop loin ».

Les travaillistes voient eux dans une Union Européenne forte un moyen de peser sur la scène internationale et veulent d’un Royaume-Uni qui soit une force de proposition au sein de l’UE.

Les libéraux-démocrates, traditionnellement pro-européens, propose une solution radicale aux hésitations historiques du Royaume-Uni dans leur implication européenne : soumettre l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE à un référendum lors de la prochaine décision majeure concernant les relations britanico-européennes.

L’économie

Sur ce sujet les trois partis se différencient assez peu. Les conservateurs appellent à « encourager la croissance, combattre la pauvreté et protéger l’environnement » mais déçoivent sur les moyens pour y arriver en se contentant d’affirmer qu’ils défendront l’ouverture des marchés tandis que les travaillistes font de l’amélioration de la compétitivité européenne la priorité, prône une économie du savoir, avec pour cela universités d’excellence, veulent un encouragement des nouvelles entreprises, le tout soutenu par des infrastructures et des réseaux de communication modernes. Enfin les libéraux-démocrates mettent l’accent sur la création d’emplois verts et la suppression des barrières au commerce international. Fidèles à leurs idéaux sociaux, les travaillistes soulignent que la croissance ne doit pas se faire au détriment des droits de travailleurs britanniques, les deux devant aller de paire.

Concernant le budget de l’UE, les libéraux-démocrates veulent une réforme de la PAC pour la rendre plus juste pour tous et plus respectueuse de l’environnement, les travaillistes souhaitent également une réforme, afin de mettre fin aux subventions à l’exportation. Ceux-ci affirment aussi que les transferts entre membres doivent avant tout bénéficier aux régions les moins favorisées. Les libéraux-démocrates militent pour un budget européen efficace, où chaque Euro est utilisé à bonne escient, allant même jusqu’à proposer d’économiser 200 millions d’Euros par an en arrêtant d’envoyer les parlementaires siéger à Bruxelles.

Travaillistes et libéraux-démocrates se distinguent en voulant une certaine forme de régulation : une meilleure législation européenne pour protéger les PME du côté travailliste tandis que les libéraux-démocrates comptent s’appuyer sur l’UE pour réguler les marchés financiers et le secteur bancaire international.

L’Euro

Les trois partis s’accordent sur le principe d’un référendum avant une entrée dans la zone euro, les conservateurs préviennent que celle-ci ne se fera jamais sous un gouvernement conservateur. Les libéraux-démocrates aux contraires, conscient de l’intérêt britannique à long terme, se prononcent pour une entrée de leur pays dans la zone euro si la situation économique est propice et sous réserve de l’approbation populaire par référendum. Les travaillistes au pouvoir depuis 1997 ont réussi à mettre la question sous le tapis, n’excluant pas une adoption mais ne se prononçant jamais en sa faveur pour autant.

Les futurs élargissements

Seuls les travaillistes abordent ce thème en se déclarant pour l’intégration de la Croatie dans l’UE et l’ouverture de négociations d’adhésions avec l’ensemble des pays des Balkans occidentaux d’ici à 2014. Ils souhaitent par ailleurs que des avancées soient faites dans les négociations avec la Turquie.

Les relations extérieures

Les conservateurs se démarquent en ne cachant pas leur souhait d’une Europe atlantiste qui établirait des relations fortes et ouvertes avec les puissances émergeantes comme l’Inde ou la Chine. De leur côté les travaillistes parlent plus volontiers d’une Europe qui s’engage dans la résolution des conflits internationaux et pour la sécurité par le biais de relations bilatérales. Ils souhaitent aussi que l’Europe continue à jouer son rôle dans le combat contre la pauvreté dans le monde. Quant aux libéraux-démocrates, ils comptent sur le poids de l’Europe pour peser dans les affaires internationales arguant du fait que la voix de la Grande-Bretagne est plus forte quand elle se conjugue avec celle de ses partenaires européens dans ses relations avec la Chine, la Russie, l’Iran et dans le processus de paix au Moyen-Orient.

La protection de l’environnement

Les conservateurs restent muets sur ce sujet en relation avec l’UE. Les travaillistes réaffirment le rôle déterminant de l’UE en tant que meneur dans ce domaine grâce à l’accord l’engageant à réduire ses émissions de gaz carbonique de 30% par rapport à 1990. Les libéraux-démocrates veulent s’appuyer sur l’UE pour assurer la prise en compte des questions environnementales dans les institutions internationales comme la Banque Mondiale, le FMI ou l’OMC.

Les questions de sécurité

Les travaillistes souhaitent renforcer la collaboration avec les autres pays européens dans le combat contre la criminalité et le terrorisme. Sur ce point, les libéraux-démocrates préfèrent s’appuyer sur ce qui existe déjà en réaffirmant l’engagement britannique dans des structures comme Europol, Eurojust ou le système européen d’information sur les casiers judiciaires.

En matière de défense européenne, les travaillistes se déclarent en faveur d’une plus grande co-opération, en parallèle avec l’OTAN, et suggèrent la création d’une force européenne d’intervention pour la paix.

Que faut-il en retenir ?

La majorité des électeurs britanniques se préoccupent plus de la crise, du chômage, des hausses d’impôt, des coupes dans le budget national et de l’engagement en Afghanistan que d’Europe, les Britanniques restent parmi les 27 ceux qui font le moins confiance à l’UE (23% contre 48% en moyenne sur les 27), rien d’étonnant donc à ce que l’Europe ne soit pas au cœur des débats, dommage puisque c’est un marqueur fort de différenciation entre les trois principaux partis. Les conservateurs semblent s’enfermer dans une logique souverainiste, prêtant le flanc aux critiques travaillistes qui se fendent d’une petite pique à leur opposant principal en fustigeant leur attitude de « résistance maussade » à l’UE et leur « désengagement stérile ». Cela vire, à la fin du chapitre sur l’UE, à une critique en règle : « La pauvreté de la vision des Tories se résume à un choix fallacieux entre une alliance avec les États-Unis et une alliance avec l’UE.

En Europe, ils ne sont pas seulement isolés, mais marginalisés dans un groupuscule de partis d’extrême droite », allusion à la décision des conservateurs en 2009 de quitter le groupe PPE au parlement européen pour s’allier avec des partis plus ou moins fréquentables, avant de conclure : « ailleurs dans le monde, leur attitude anti-européenne est perçue comme minant l’influence Britannique ». Enfin les libéraux-démocrates se réaffirment comme partisans de l’UE, « même si elle n’est pas parfaite », s’il en fallait une preuve de plus, leur président et candidat Nick Clegg est aussi le président du Mouvement Européen en Grande-Bretagne. Autre point mis en avant par son parti, la protection de l’environnement et l’économie verte, un de leur cheval de bataille depuis quelques années.

Ajoutons que du côté conservateur, David Cameron a pris le parti de ne pas parler d’Europe pour ne pas exciter les divisions internes à son parti et taire les opinions les plus extrêmes sur le sujet. Sans doute le leader conservateur le plus centriste depuis 30 ans et déjà en porte-à-faux avec son parti sur des sujets comme les services publiques ou les droits des homosexuels, il n’est pas très enclin à ajouter à la discorde. Paul James Bennett, un juriste londonien de 31 ans, commente : « depuis Maastricht, l’Union Européenne fait partie du paysage, personne ne veut la quitter, mais personne ne veut vraiment s’y engager d’avantage non plus ! » et de poursuivre, « il y a un courant anti-européen latent dans le pays en général, à mon avis à cause du sentiment historique de la population, et aussi des médias, surtout certains journaux. Les hommes politiques en sont parfaitement conscients et éprouvent donc une certaine réticence à s’engager ouvertement en faveur de l’UE, ce qui ne fait qu’empirer le problème ». Seule vertu possible à ce silence, le nouveau parti d’extrême droite UKIP (parti pour l’indépendance du Royaume-Uni), farouchement anti-européen et xénophobe, n’aura peut-être pas la tribune qu’il espère.

Mais tôt ou tard, la question européenne devra être mise sur la table. Nous pensons, en tout cas, en tant que Jeunes Européens, que la meilleure victoire pour l’UE et pour le Royaume-Uni serait celle des libéraux-démocrates, à défaut les travaillistes restent sans aucun doute possible le meilleur second choix face aux conservateurs.

Le détails des programmes : Les travaillistes Les conservateurs Les libéraux-démocrates

Illustration :) Gordon Brown at a press conference with President George Bush, 16 June 2008 ; Crown copyright.

(Source : Flickr

Vos commentaires
  • Le 17 avril 2010 à 13:56, par vida18 En réponse à : Britanniques europhobes ?

    Il est temps que les Britanniques comprennent : « L’Europe, aimez-la et contribuez à son amélioration ou quittez-la ! »

    On en a marre de spectateurs.

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