Election en Grande-Bretagne : témoignage d’un scrutin historique

, par Romain Bail

Election en Grande-Bretagne : témoignage d'un scrutin historique

Le 6 mai dernier, les électeurs britanniques ont été amenés à se prononcer pour élire de nouveaux députés, membres de la Chambre des Communes. Après une semaine de suspens, mêlant intrigues de courtisans, négociations féroces et cabales partisanes, un nouveau gouvernement vient de naître avec à sa tête David Cameron, sorti vainqueur de la dernière élection face à l’ancien premier ministre Gordon Brown.

Pour autant, ce gouvernement est la marque des tractations de la semaine écoulée avec une coalition Conservateurs – Libéraux Démocrates de Nick Clegg. Ce dernier est perçu comme l’élément modérateur et utile à la politique de Cameron.

Clegg a obtenu une réforme électorale qui devrait l’avantager dans les années à venir, mais surtout plusieurs postes de ministres pour les siens et le poste rare et convoité pourtant de vice premier ministre, ce qui ne s’était pas vu en Grande-Bretagne depuis la Seconde Guerre Mondiale. Il faut encore recueillir le soutien du Parlement. Tout cela présage de nombreux épisodes politiques épiques dans les mois à venir.

Ce qui restera de Gordon Brown

Quelques jours avant la date fatidique de l’élection générale, le premier ministre poursuit sa campagne, sûr de ses bons résultats – malgré des sondages peu favorables et des interventions télévisées remarquées par une présence médiocre. Suivi de prêt par les tabloïdes de tous bords, il omet alors d’éteindre le micro portatif qu’il revêt et commet l’irréparable. Après avoir rencontré une femme auprès de laquelle il n’a pas réellement réussi à faire passer son discours, il la critique librement et assez violemment dans la voiture qui le ramène à Londres. Les journaux et toute la presse internationale en feront gorge chaude… quelques heures plus tard, il réapparaît à la porte de cette brave dame en pénitent. Le mal est fait semble-t-il : il a perdu de manière quasi-définitive les élections.

L’arrivée au gouvernement du conservateur David Cameron est vécue comme un événement majeur, une nouvelle page qui se tourne pour le Royaume, un fait historique majeur, disent certains. Cela est-il dû à la coalition envisagée ? ou bien encore à la campagne active et massive qu’a vécu le pays ?

En effet, pour la première fois, les trois principaux leaders ont été conviés à échanger – dans un cadre assez strict, pré-défini et convenu, plusieurs soirs de suite sur un plateau de télévision, le tout en direct et en présence d’un public alerte et sélectionné au préalable. Tour à tour, Brown, Cameron et Clegg ont pu prendre la parole sur des sujets aussi divers que les politiques nationales, les affaires étrangères et européennes – restant en marge du débat, les questions sociales, l’éducation, l’environnement,…

Il semblerait que les Britanniques aient suivi ces débats surfaits, de manière assidue et attentive. Des jeunes aux retraités, des enseignants aux infirmières, mais aussi des artisans aux ingénieurs : tout le monde en parle. Une véritable émulation s’est emparée du pays aux dires des anciens qui n’ont jamais vu cela auparavant. Chacun a son avis et veut le donner. Il n’est pas une maison, un coin de rue, un quartier qui n’affiche ses couleurs et autres pancartes en faveur de tel ou tel parti.

Et pourtant, des gens sont restés dehors. L’engouement pour cette élection – à la hauteur des défis que le pays doit relever, a été calmé par le manque d’organisation des autorités locales. De très nombreuses personnes, essentiellement en ville, n’ont pu voter. L’administration en charge des élections localement n’avait pas toujours prévu l’afflux massif que certains bureaux ont connu. Les bureaux de vote sont ouverts de 7h00 à 22h00 en Grande-Bretagne, laissant un panel horaire assez large aux votants. Cela n’a pas suffit, compte tenu des queues impressionnantes de citoyens, patientant parfois quatre à cinq heures sur le trottoir avant de pouvoir peut-être passer les portes du bureau pour voter, comme à Manchester. Est-ce là le signe d’une démocratie retrouvée ?

Annonce, respect et tolérance

Une annonce de la presse nationale télévisée surprend les Britanniques assis confortablement dans leur fauteuil le jour de l’élection. Le leader du parti UKIP (United Kingdom Independant Party) classé à l’extrême droite et étiqueté de raciste, est victime d’un accident. Ce dernier menait campagne dans les terres du Sud-Ouest depuis son avion biplace auquel était accroché une banderole. Sans grandes explications toujours à l’heure actuelle, il est victime d’un crash aérien. Le plus choquant demeure – en tant que spectateur, de voir les journalistes présenter le fait en riant ! « Le leader du parti UKIP, gravement blessé, aura tout le loisir de découvrir les résultats de l’élection depuis son lit d’hôpital… », pouvait-on entendre à la télévision britannique.

Tirant souvent sur les travers des élections à l’américaine, assez innovante pour cette fois, remplie de temps forts et partagées par une population intéressée, les élections générales de 2010 ont suscité un véritable raz de marée démocratique, tout en laissant présager d’une situation politique complexe et indécise dans le choix des urnes.

La coalition gouvernementale aura-t-elle raison ou tort dans les mois à venir ? Il ne nous revient pas d’en juger pour le moment, mais seulement d’apprécier à quel point la politique est revenue au cœur des préoccupations des britanniques… puisse la question européenne en être une composante.

Illustrations : David Cameron et Nick Clegg

 Dans l’article : en se rendant à leur première conférence de presse commune, le 12/05/10
 Photo-titre : lors de la première conférence commune, le 12/05/10

Source : Flickr, page officielle du Premier Ministre, Crown Copyright

Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom