Pourquoi unie ? Et pourquoi unie dans le fédéralisme, donc ? Précisément parce que c’est là, en fait, très probablement le seul moyen de conjurer cette maladie à l’origine décidément (et malheureusement) bien européenne : le nationalisme...
L’Europe est le continent où historiquement, aux Temps modernes (i. e : aux XVIe, XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles), est ’’né’’ et s’est ’’imposé’’ le concept de l’Etat-nation [1]. Or on en a vu les bien tristes résultats.
1618-1948 : la ’’guerre-de-plus-de-Trente-ans’’, ou le Martyrologue européen
Depuis les Traités de Westphalie (1648), l’Europe a, au nom du principe de la ’’souveraineté absolue’’ des Etats et au nom des ’’Etats dynastiques’’ devenus ’’Etat-nations’’ en gestation, connu au moins trois grandes guerres continentales [2] et donné naissance à au moins deux guerres d’ampleurs mondiales [3] [4], et causant alors à la seule Europe, à force de meurtres de masse, environ soixante millions de morts (soldats et civils compris).
Bien sur, le nationalisme n’est pas la seule et unique cause de nos guerres européennes où jouent aussi de nombreux facteurs et paramètres de nature idéologiques, politiques (dynastiques) et économiques (par exemple), mais force est néanmoins de constater que les ’’passions nationales’’ et ’’nationalistes’’ ont (avec, secondairement, la Religion) néanmoins été les meilleurs moyens d’instrumentaliser les masses pour les envoyer au combat et les faire s’entretuer, qu’elles qu’en soient les raisons profondes, parfois effectivement tout autres.
Egoïsme national et Nationalisme, causes de tous nos malheurs :
Ainsi, comme l’a très bien dit en son temps le dramaturge autrichien Franz Grillparzer (1791-1872), héritier des lumières qui vécut au temps du réveil des nationalismes européens : on peut très bien ’’aller de l’Humanité à la bestialité en passant par la nationalité’’... (une phrase ’’clef’’ que l’on trouve en exergue sur la page de ’’une’’ de la revue autrichienne intellectuelle et europhile ’’Europaïsche Rundschau’’ ; - )) ...
Par ailleurs, on voudra bien admettre que jusqu’aux prémices du processus de construction européenne et de la recherche d’un ’’vouloir-vivre-ensemble’’ européen, l’ordre international (européen comme mondial) n’était fondé que sur des rapports de force dictés par la prédominance hégémonique et unilatérale (mais temporaire) des uns sur les autres.
Ainsi, le Congrès de Vienne nous a apporté les explosions nationales du XIXème siècle, destabilisatrices pour tout le continent à partir de 1848. La ’’paix’’ franco-allemande de Francfort (1871) et les Congrès ’’européens’’ de Berlin (mars 1878 et novembre 1884) nous ont apporté la Première guerre mondiale. Le Traité de Versailles (1919) nous a apporté la seconde guerre mondiale. Et si Yalta (1945) ne nous a pas apporté la guerre sur notre continent, c’est parce que nous n’en parlons qu’au singulier et en considérant guère que la seule Europe... (et encore...) [6].
Le projet d’une Europe unie, dans le fédéralisme, pour la paix :
D’où l’intérêt de chercher à établir en Europe une véritable paix fondée non pas sur quelque hégémonie temporaire, sur quelque domination unilatérale ni la victoire précaire des uns sur les autres, mais sur la mise en place d’une véritable volonté de ’’vivre ensemble’’ dans le ’’dépassement des frontières’’, dans le respect de chacun et selon des modalités où la Démocratie et l’Etat de Droit se conjugueraient avec un véritable désir de vivre ensemble ’’unis dans la diversité’’ et dans un désir de Paix véritable, paix européenne et paix universelle.
Car ces siècles de fer ont aussi été ceux du rêve d’une Europe et d’un monde sans guerre : ’’Projet de paix perpétuelle’’ de l’Abbé de Saint-Pierre (en 1713), ’’Projet philosophique de paix perpétuelle’’ d’Emmanuel Kant (en 1793), ’’Appel pour les Etats-Unis d’Europe’’ de Victor Hugo (en août 1849), etc.
Jusqu’aux divers projets que présentèrent dans l’entre-deux guerres le comte Richard Coudenhove-Kalergi (en 1923), Edouard Herriot (en 1925), le Comte italien Sforza (en 1929), Bertrand de Jouvenel (en 1930) et Aristide Briand (en septembre 1929, devant la SDN) ou des intellectuels anglo-saxons et/ou britanniques comme Lord Lothian, Lionel Robbins, Lionel Curtis ou William Beveridge. [6] Avant que ces idées ne retrouvent des échos prometteurs au sein des résistances européennes, durant la seconde guerre mondiale avec -notamment- le ’’Ventotene Manifesto’’ d’Altiero Spinelli et Ernesto Rossi (1941).
Il faut donc considérer le processus de construction européenne, ce processus de construction politique original, dans la perspective fédéraliste ’’de l’union sans cesse plus étroite’’. Afin de rendre enfin possible une paix qui soit autre chose que la seule absence temporaire (mais précaire) de guerre. Et pour surmonter les frontières qui divisent l’humanité ; pour rendre enfin possible la paix véritable entre européens, voire au-delà...
Ici il s’agit donc bien, non d’examiner la seule lente mise en place (principalement durant la cette seconde moitié du XXème siècle...) d’un ’’vouloir-vivre-ensemble’’ européen aux finalités pacifistes (dans ses strictes modalités techniques d’intégration politique...) mais aussi de voir dans quelle mesure les fédéralistes européens ont effectivement joué un rôle historique indéniable et décisif dans la mise en place de ces processus...
1. Le 4 juin 2007 à 15:13, par calvinus En réponse à : Des Nations à la construction communautaire
Merci, Ronan, de mettre les poings (ce n’est pas une faute d’orthographe !) sur les i. L’état-nation, voilà l’ennemi pour le fédéralisme européen.
Avec tout le respect dû à Delors pour ce qu’il a su faire au sein de la technocratie communautaire, cessons de parler d’ « unir des peuples et des états-nations ».
La plupart des états-nations d’Europe sont des structures où une nation en a opprimé une ou plusieurs autres et continue, plus ou moins, de le faire. Quant aux « peuples », de quoi sont-ils faits ? De citoyens, qui, collectivement, détiennent la souveraineté.
Pour nous préserver d’une continuation du « martyrologue européen », ce sont les citoyens qu’il faut appeler à se fédérer en déléguant à l’état fédéral européen les compétences qui lui permettra d’assurer leur protection et leur prospérité, tout en laissant aux vieilles structures étatiques ce qu’elles peuvent encore faire pour les « nations » en leur sein.
Quant à la « construction communautaire », n’est-ce pas le fédéralisme enseigné aux citoyens à la manière dont on enseignait les langues ? « Répétez après moi... ». Mais on voit des élèves se rebeller. Autant les convaincre de l’utilité du langage, leur exposer la gramaire et la syntaxe, les initier au vocabulaire et... les appeler à prendre la parole !
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