Royaume-Uni

Départ de Tony Blair : la fin d’un engagement européen très… britannique

Un bilan mitigé

, par Arnaud Favry

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Départ de Tony Blair : la fin d'un engagement européen très… britannique

Tony Blair quitte officiellement ses fonctions de Premier Ministre aujourd’hui. Tony Blair avait déjà précisé qu’il ne briguerait pas de troisième mandat à la tête du parti travailliste britannique.

Les changements sont d’actualité. Après la fin de l’ère Chirac en France, le glas a en effet également sonné pour la période Blair. On ne l’attendait plus. Les modalités du départ du Premier Ministre britannique, annoncé depuis pourtant quelques mois, sont restées en effet inconnues, tel un secret devant être gardé, jusqu’il y a quelques temps.

Une longévité proche de celle de Thatcher

La période Blair s’achève donc aujourd’hui, cédant la place à Gordon Brown, actuel chancelier de l’Echiquier. Après bientôt dix années passées à la tête du Royaume-Uni – soit une longévité proche de Margaret Thatcher-, l’heure est au bilan dans ce qui est l’un des pays les plus importants de l’Union Européenne, mais historiquement l’un des pays les moins européistes.

Tony Blair a toujours été reconnu comme un des hommes politiques les plus pro-européens, sinon, historiquement, le dirigeant britannique le plus enclin à œuvrer en faveur de la construction européenne.

Cependant, a-t-il réussi à faire du Royaume-Uni un pays à forte vocation européenne ?

Le départ d’un européen dans un pays isolationniste

Le représentant travailliste était plus européen de son prédécesseur John Major. En effet, à l’inverse du gouvernement Major, les gouvernements Blair ont participé pleinement à toutes les commissions, participé aux débats, pris part au vote et même avancé des propositions. Lorsqu’on étudie les relations entre la Grande-Bretagne et l’Europe, on peut déceler, depuis l’arrivée de Tony Blair au pouvoir en 1997, un tournant dans l’évolution de la politique européenne britannique. Promu au poste de Premier ministre, Tony Blair allait en effet témoigner d’un fort enthousiasme sur la question européenne.

Sa position très favorable à l’Europe est apparue d’emblée quasi volontariste et marque une rupture nette avec la politique des Tories, tout comme elle ne correspond pas à la tradition travailliste dans ce domaine. Encore dans l’opposition, le New Labour avait annoncé son intention de rompre avec la politique européenne de John Major, qu’il n’hésitait pas à accuser d’avoir en quelque sorte marginalisé le Royaume-Uni au sein de l’Union européenne et d’avoir renoncé, sous la pression des eurosceptiques de son parti, à jouer un rôle actif dans la construction européenne.

Comme l’écrivait Marie-Claire Considère-Charon, pour la Fondation Schuman : « Sans doute chagrin de voir le couple franco-allemand occuper le devant de la scène européenne, Tony Blair s’affirmait à plusieurs reprises déterminé à attribuer à son pays un rôle central dans la poursuite de la construction européenne, au même titre que la France et l’Allemagne, au lieu d’être toujours un peu à la traîne. C’est ainsi qu’il affirmait que la Grande-Bretagne était destinée à »emmener l’Europe de l’avant« , ou devait être au »centre de l’Europe".

Lorsqu’il s’est adressé aux eurodéputés, réunis pour l’occasion à Bruxelles, et leur a présenté la vision de l’Europe qu’il allait essayer de promouvoir pendant les six mois de la présidence britannique de l’Union, le Premier ministre britannique a prononcé un discours volontaire où il a réaffirmé son ambition de « moderniser » le fonctionnement de l’Union, mais où il a aussi manifesté un désir d’apaisement, et pourquoi pas de compromis, avec les partenaires européens qui ne sont pas forcément d’accord avec sa méthode. Il a ainsi expliqué : « Aujourd’hui presque 50 ans après [la création], il nous faut nous renouveler, ce qui n’a rien de honteux ». Et en affirmant cela, le Premier ministre britannique n’a pas l’impression de trahir « l’idéal européen », ni de couper le cou à « l’Europe sociale ». Et en guise de réponse aux accusations de ses adversaires sur ce thème, il a affirmé : « Je crois en l’Europe en tant que projet politique. Je crois en une Europe avec une dimension sociale forte. Je n’accepterai jamais de réduire l’Europe à un simple marché économique ».

Tony Blair a également mis fin au rabais budgétaire britannique. De nombreux Etats membres, à commencer par la France, étaient parvenus à remettre en question le principe du « rabais » obtenu en 1984 par Margaret Thatcher, et Tony Blair avait fini par accepter de « rendre » au budget global 10,5 milliards sur plus de 50 milliards d’euros que la Grande-Bretagne continuera de recevoir de l’Union au cours des sept prochaines années. En contrepartie, le Premier ministre britannique avait obtenu que l’ensemble des politiques communes, y compris la politique agricole, soient « réexaminées » en 2008-2009.

Cependant, Un Tony Blair affaibli par la durée de sa présence au pouvoir ne peut plus influer sur la diplomatie britannique traditionnelle.

Une diplomatie dans la lignée de la tradition britannique.

Trois éléments majeurs permettent de nuancer le bilan européen de Tony Blair.

 Tout d’abord, son choix de la participation de la guerre en Irak, en soutien aux Etats Unis. Rappelons que ce soutien fut apporté alors que la population britannique y était hostile, et que la majorité des Etats membres de l’Union Européen manifestaient leur méfiance quant à cette « guerre de libération ».

 De même, on ne peut que déplorer le refus de Tony Blair d’accepter le vote à majorité qualifiée dans le domaine fiscal, lors de la Conférence Intergouvernementale qui a suivi la Convention sur l’avenir de l’Union Européenne. Ce refus empêche un fonctionnement optimal de l’UE sur un sujet pourtant capital.

 Enfin, le choix de reporter la décision d’organiser un référendum sur le Traité Constitutionnel Européen est certes un acte bien pratique pour éviter d’aborder un sujet si sensible au Royaume-Uni, mais bloque l’avancée de la ratification de la Constitution. "Fédérosceptique", il continue à considérer que le pouvoir doit rester avant tout aux mains des Etats, lieux de la légitimité et de l’identité démocratiques. Le référendum sur la Constitution européenne faisait peser un risque certain sur l’avenir européen de la Grande-Bretagne tout comme sur l’avenir politique du Premier ministre.

Une vision britannique de l’Europe toujours libre-échangiste.

En conclusion, Tony Blair n’a pas réussi à changer la diplomatie britannique, qui est toujours favorable à une grande zone de libre-échange. C’est un point négatif d’un bilan politique plutôt honorable. Cependant, Gordon Brown, son probable successeur, aura mis quinze mois à accepter la mise en oeuvre du compromis conclu par son Premier ministre, Tony Blair, au sommet de Bruxelles de décembre 2005, prévoyant la réduction du « chèque britannique ».

A l’époque, le très eurosceptique gardien du Trésor avait très mal accueilli l’accord péniblement négocié par les Vingt-Sept dans le cadre des « perspectives financières 2007-2013 » de l’Union européenne. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres…

Ne va-t-on tout de même pas regretter Tony Blair ?

Illustration : photographie de Tony Blair issue du site de la présidence britannique de l’Union européenne fin 2005

A lire : présentation de la vie de Tony Blair par Touteleurope.fr

NDLR : Nous rappelons à nos lecteurs que cet article avait été publié en mai 2007.

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Vos commentaires
  • Le 30 juin 2007 à 10:23, par Toni Giugliano En réponse à : Départ de Tony Blair : la fin d’un engagement européen très… britannique

    Hey Arnaud, I think the last line of your article is perhaps a good indication of what is to come. Ideologically, it is important to recognise Blair’s pro European efforts. Compared to his predecessors, Blair caused very little disruption at the European bargain table and did try to change attitudes towards the EU in the UK (with marginal success). Blair was pro Euro, pro Constitution (in 2004)and had many interesting ideas for European institutional reform - such as the creation of a European senate. The problem was, that everyone around Blair - Brown included, the British press, and the vast majority of the English population were not as passionate.

    So actually, we shouldn’t really complain about Blair at all when we think of Major, Thatcher and the rest. And the future remains uncertain, since Brown does not hold strong opinions on Europe and tends to lead a European policy of indifference. It is unlikely that Brown will be particularly hostile towards Europe, but eqaully, he will not go to Brussels with open arms. So to be honest, I think we’ll miss him !

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