De la nécessité des crises dans la construction européenne

, par Arnaud Huc

De la nécessité des crises dans la construction européenne
Dessinateur : Frep http://www.crayondenuit.com/

L’Union européenne, depuis 60 ans, se construit par à-coups. Elle n’a pas suivi un développement rectiligne et continu mais a bien vu ses différentes phases de création être ponctuées de crises, de moments d’essor du fédéralisme et d’autres de stagnation. Les crises qu’elles furent diplomatiques (comme la politique de la chaise vide), économiques (comme la crise pétrolière de 1973 ou la crise économique de 2008), ont toujours induit une décision de la part des États et des dirigeants de l’Union.

Qu’est ce qu’une crise ?

Le mot crise, du grec Krisis, signifie littéralement choix. Il s’agit donc d’un moment ou les décideurs (entendre par la ceux qui sont en mesure d’influencer la société dans son fonctionnement) vont devoir faire un choix, vont devoir suivre une direction et en écarter une autre. Cette définition simple permet de regrouper plusieurs types de crises dans un seul ensemble générique, ainsi les crises économiques (krach), militaires ( par exemple la crise des missiles de cuba en 1962), diplomatiques ( le blocus de Berlin) ont pour point commun d’impliquer un choix.

Les crises partagent toutes un certain nombre de points communs. Au titre de ceux ci on peut notamment citer l’imprédictibilité ou encore la soudaineté. Surtout il faut bien comprendre qu’en plus d’être imprédictible, les crises sont imprévisibles, c’est à dire qu’il est impossible d’anticiper le développement et l’issue d’une crise. Celles ci sont donc dites chaotiques, en référence à la théorie du chaos qui est une théorie de l’imprédictibilité et de l’incertitude. Enfin, comme je l’ai dit précédemment, toutes les crises impliquent un choix.

Au regard de l’Histoire des sociétés humaines, on remarque que si les crises sont imprévisibles, elles sont néanmoins inséparables de l’Histoire. Ce sont mêmes elles qui sont l’Histoire tant notre passé est une succession de crises et de réactions à ces crises. Ainsi la première guerre mondiale est issue de la crise diplomatique provoquée par l’attentat de Sarajevo durant l’été 1914. De même, plus loin de nous, la Révolution française est due à une conjonction de crises, crise alimentaire puisque durant les deux étés précédent 1789 les récoltes ont été mauvaises, crise sociale puisque l’ancien ordre social était arrivé à bout de souffle du fait de son injustice et des inégalités qu’il engendrait, et crise financière puisque l’expédition en Amérique pour participer à la révolution américaine avait asséché les caisses du royaume.

L’Europe face à la crise

Plus récemment, c’est la seconde guerre mondiale qui, pouvant être analysé comme une crise politico-militaire (affrontement dans une guerre totale de trois idéologies dont la cohabitation dans un seul continent était impossible), a entrainé la création de l’Union européenne d’aujourd’hui. La CECA a été la conséquence d’une guerre qui a détruit l’Europe et qui a horrifié tous les hommes et donc les hommes politiques de l’époque. Il s’agissait de détruire toute possibilité de guerre en créant une solidarité de fait entre les Européens. Le meilleur moyen de parvenir à ce but était alors de créer une organisation de solidarité économique.

Ainsi, l’Union européenne est issue d’une crise, comme tous les changements politiques et/ou sociétaux qui surviennent brusquement d’ailleurs. Il ne faut donc pas oublier que les crises ont permis le développement européen et sont également bénéfiques car elles impliquent des sursauts et des questionnements salutaires pour la construction européenne. Aujourd’hui la crise économique de 2008 a fortement affaibli les États européens et a mis tous les gouvernants devant un choix. Soit il s’agit de renforcer l’Europe en faisant un pas vers le fédéralisme, soit il s’agit d’abandonner le rêve européen. Or depuis quatre années, les gouvernements ainsi que les pontes de l’Union européenne n’ont fait que temporiser, ils n’ont fait que retarder l’heure de la décision, or ce retard aggrave de jour en jour la situation européenne, et les rustines qui sont appliquées à l’édifice européen ne servent qu’à consolider un barrage prêt à céder face à l’eau qui s’accumule.

Dans le cas européen, on s’aperçoit clairement qu’un non-choix sera pire qu’un mauvais choix. En effet en attendant encore, nous allons voir les économies européennes décliner progressivement et l’édifice institutionnel se gripper de façon irrémédiable, ce qui en découlera sera une implosion progressive de l’Union européenne. D’abord l’Euro de délitera, et ensuite toute l’Union. Ce non choix sera alors pire que le choix de faire disparaître l’Union car il aura été subi plutôt que choisi.

L’option fédéraliste

Une crise, un choix impliquant toujours deux alternatives, nous avons dans la partie précédente étudié la seconde, la pire. Il reste néanmoins le choix du fédéralisme. Depuis des semaines, que l’on écoute les économistes ou les hommes politiques (notamment si l’on suit « C dans l’air », à ce jour la meilleure émission de débat), on remarque que chaque jour un plus grand nombre de voix s’élèvent pour soutenir l’option fédérale. Celle ci est perçue comme étant la voie du bon sens pour l’Union européenne.

Cependant, quand on parle d’option fédéraliste, on regroupe souvent de nombreuses mesures qui auraient pour effet de faire avancer la solidarité européenne et de renforcer la construction de l’Union. Dans cette même option, deux courants s’opposent. Nous avons du côté droit du Rhin un fédéralisme allemand qui promeut une plus grande discipline budgétaire et l’engagement de réformes structurelles pour les États faibles économiquement. Du coté gauche du Rhin nous avons un fédéralisme latin qui soutient une augmentation de la solidarité économique et une plus grande régulation des marchés. Il est vain de faire un choix pour l’un ou l’autre des courants, les deux sont nécessaires. Il est clair que certains États dont la France doivent engager des réformes structurelles, mais il est aussi certain que tous les États européens doivent faire preuve de plus de solidarité et de cohésion.

Enfin, il ne faut pas oublier que les mesures économiques qui sont demandées de part et d’autre du Rhin ne peuvent réussir qu’en coordination avec des réformes politiques pour l’Union européenne. Il est inacceptable de voir aujourd’hui le Parlement européen sans initiative législative, tout comme il est inacceptable de constater que le Président de l’Union européenne n’est pas issu d’une élection. Pour terminer il faut en finir avec la règle de l’unanimité au sein du conseil, règle qui dans tous les domaines importants de la politique européenne entraine d’importants grippages et empêche les initiatives audacieuses d’aboutir.

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