Crise de la zone euro : Un premier pas !

, par Aurélien Caron

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Crise de la zone euro : Un premier pas !
Giuseppe Pellizza da Volpedo, « Il quarto stato », 1901

L’accord conclu en fin de semaine dernière par les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro est un immense soulagement à la fois pour l’économie européenne mais aussi pour l’idée même d’intégration. La substance de cet accord nous donne la preuve que la fédéralisation rapide de nos politiques économiques nous permettrait de rétablir à long terme la confiance des marchés, de renforcer notre monnaie commune et d’assurer une plus grande stabilité à l’avenir de la zone euro. Cet accord, beaucoup plus innovant que les précédents, crée un embryon de politique économique commune et pousse à une coordination plus forte, en cela il faut le saluer.

Ces mesures, à forte inspiration fédérale, seront à même de résoudre le problème mais seulement à court ou au mieux à moyen terme. Il ne s’agit cependant que d’un premier pas, d’un embryon qui appelle avec insistance à des développements futurs. Il ne faudrait en aucun cas penser que les décisions prises jeudi dernier à Bruxelles portent en elles une architecture efficace de la gouvernance économique que nous appelons de nos vœux. Elle est encore moins en mesure de résoudre la question principale posée aux pays de la zone euro, celle de la croissance de long terme, et de répondre aux défis profonds que l’Union devra affronter tels que la compétitivité de nos entreprises, la réduction des écarts de revenus au sein de la zone euro ou le chômage des jeunes.

Un plan bien meilleur que les précédents

Depuis le début de la crise grecque, les solutions adoptées visaient à gagner du temps et n’étaient malheureusement pas des mesures de fonds. Trois éléments principaux doivent être pris en compte lors de la mise en place d’un plan de réponse à la crise. (1) Le plan donne-t-il des garanties suffisantes aux investisseurs, leur permettant de penser que la Grèce ou les autres économies en difficulté (Portugal, Irlande) auront les moyens de rembourser leur dette ? (2) Les décideurs ont-ils mis en place des structures efficaces visant à limiter la contagion d’un pays européen à un autre ? (3) Les leaders ont-ils prévu des mesures visant à relancer la croissance et l’emploi dans les pays concernés ? Les premiers plans n’avaient pas rempli ces différents critères – la contagion à l’Italie, pourtant troisième puissance économique de la zone euro, en est la preuve.

Le nouveau plan remplit au moins les deux premiers de manière crédible, nous en voulons pour preuve la réaction très positive des marchés financiers, c’est-à-dire la baisse significative des emprunts d’État accompagnée par une montée des valeurs boursières un peu partout en Europe en fin de semaine dernière.

Un accord a grande inspiration fédérale

Le fait qu’un accord ait été trouvé et que ce dernier englobe tous les acteurs de la zone euro est un premier point crucial, lorsque l’Europe s’unit, la tempête se calme. Pendant des mois, la crise s’est poursuivie et s’est aggravée du fait des divisions ouvertement affichées entre les partenaires européens et de l’incapacité de la Commission européenne à les fédérer autour d’une position commune. Les divisions et l’extrême lenteur du système politique ont été les principaux facteurs de contagion de la crise. Les faits nous montrent que dès qu’un accord est annoncé et que les pays de la zone euro font front commun, les investisseurs sont rassurés. Il faut noter que si des systèmes d’harmonisation d’inspiration fédérale avaient existé, la réaction de la zone euro aurait été beaucoup plus rapide, plus ferme et les conséquences moins douloureuses.

Cet accord se caractérise aussi par une plus grande solidarité entre les États membres. Le premier plan de sauvetage de la Grèce avait été accompagné de mesures d’austérité drastiques voire dangereuses pour la reprise économique pourtant nécessaire au pays. Les Etats de la zone euro s’étaient alors mobilisés pour prêter à la Grèce en difficulté mais l’Allemagne parlait alors de taux d’intérêt « punitifs », il s’agissait de punir les grecs de leur mauvaise gestion. Le nouveau plan fait preuve de davantage de pragmatisme et d’un vrai effort de solidarité, les taux d’intérêt ont été largement revus à la baisse (autour de 3.5%-4%) et les délais laissés non seulement à la Grèce mais aussi au Portugal et à l’Irlande pour rembourser cet argent ont été doublés. Ces modifications ont d’ailleurs été largement saluées par le premier ministre grec Georges Papandreou qui a reconnu que ces nouvelles permettraient à la Grèce de retrouver beaucoup plus facilement le chemin de la croissance.

Le plan va donc dans le bon sens mais que de temps perdu ! Dans un système fédéral ces mécanismes de solidarité préexistent et l’Union aurait pu une nouvelle fois gérer cette crise de manière plus efficace.

Le renforcement des pouvoirs du Fond européen de stabilité financière (FESF) représente une autre avancée majeure à saluer. Ce Fonds, financé par les États membres, aura à charge de prévenir les crises en donnant aux investisseurs les garanties nécessaires en cas de doutes quant à la capacité d’un membre de la zone euro à rembourser sa dette souveraine. Le Fonds aura donc la possibilité de racheter des titres étatiques et de refinancer certaines banques en difficulté. Il permettra aussi de donner de la crédibilité et de faire profiter aux États les plus faibles de la puissance économique de leurs voisins. Ce Fond, indépendant de la Banque centrale européenne est à n’en pas douter un embryon de gouvernement économique de la zone euro.

Des faiblesses visibles appelant à un approfondissement rapide

Néanmoins, et même s’il faut reconnaitre l’unité des chefs d’État et de gouvernement ainsi que la qualité des mesures décidées, nous ne pouvons pas en rester là. Le plan comporte aussi des faiblesses visibles qui ne permettront pas à l’Union de retrouver de la sérénité, en tout cas pas à long terme.

Le fonctionnement du FESF tout d’abord est soumis à de nombreuses conditions. Il ne sera pas sous la responsabilité de la Commission européenne, ce qui lui aurait permis d’acquérir une indépendance vis-à-vis des États. Au contraire, son activité sera soumise à un fonctionnement de type inter-gouvernemental, son action sera conditionnée à un rapport favorable de la Banque Centrale Européenne, reconnaissant une « situation économique exceptionnelle ». L’achat de dette souveraine sera également lié à un vote à l’unanimité des pays membres de la zone euro. Ce système fait une large place à la division et laisse libre court à l’expression des intérêts étatiques. Malgré un effet d’annonce favorable, cette organisation risque de faire retomber la zone euro dans ses vieux travers. Il est primordial de modifier cette règle pour donner les moyens au FESF d’assurer réellement son rôle stabilisateur, sans quoi cette institution sera mort-née. La placer sous le contrôle de la Commission européenne, ainsi que l’instauration du vote à la majorité des États membres permettrait de le faire.

Enfin, l’une des mesures les plus critiquables reste la décision de faire participer les investisseurs privés au renflouement de la Grèce. Malgré la possibilité offerte aux investisseurs de choisir entre différentes solutions, il s’agit bien là d’une restructuration et d’un défaut, mesuré certes, mais d’un défaut tout de même. Cette solution est le résultat d’un compromis entre la France et l’Allemagne, entre deux intérêts étatiques qui n’ont malheureusement pas privilégie l’intérêt européen. Malgré la force de l’effet d’annonce que l’accord a produit, les marchés financiers sont restés très prudents et inquiets à l’annonce de cette décision de défaut, aussi petit soit-il. Ce choix a davantage été fait pour satisfaire les électeurs allemands, il n’est pas prudent et risque de replonger l’Europe dans la crise. Le défaut aura des répercussions importantes dans l’avenir, surtout pour la Grèce mais aussi pour l’Europe. La Grèce risque de payer un premium pendant des années (se financer à des taux d’intérêt plus importants que la normale) du fait du souvenir de ce défaut et de la méfiance qu’il suscitera chez les investisseurs.

L’image de l’euro en sort également ternie, elle ne sera plus considérée comme une valeur sure, une valeur refuge, par la communauté économique internationale et tous les pays européens risquent d’en payer le prix. Il aurait été plus sage d’éviter ce défaut et de mettre en place un système d’eurobonds. Les eurobonds auraient ainsi remplacés les bonds étatiques, tous les pays membres de la zone euro les auraient utilisés pour financer leur dette. Ce système aurait demandé aux pays puissants de s’endetter sous les mêmes conditions que les pays en difficulté. Les premiers auraient dû payer plus cher mais quel soulagement pour les seconds (leur taux d’intérêt auraient diminué instantanément) et quelle garantie pour les investisseurs ! L’Europe aurait ainsi pu être considérée comme un ensemble économique uni et d’une certaine manière difficilement indivisible, la crise aurait été résolue et l’image de la zone euro renforcée. Ces eurobonds seraient l’équivalent des bonds du Trésor américain. Encore une fois la solution fédérale semblait être la plus appropriée.

On peut être globalement satisfait de cet accord et en droit d’espérer qu’il mette fin à la crise que nous traversons depuis plus d’un an et demi. Il faut souligner que les solutions efficaces trouvées la semaine dernière sont toutes d’inspiration fédérale : unité entre les pays membres, solidarité, création d’un embryon de gouvernement économique européen incarné par le FESF et ses nouvelles prérogatives. Il serait néanmoins dangereux de penser que les solutions proposées seront efficaces à long terme, les faiblesses pointées dans cet article le prouvent : un FESF soumis à la volonté des États, la non-création des eurobonds, l’acceptation d’un défaut au sein de la zone euro.

Il est extrêmement important que cet accord soit considéré non pas comme un aboutissement mais comme un premier pas, dans la bonne direction, qui devra nous mener vers une intégration rapide et totale de nos politiques économiques. Cette intégration nécessitera néanmoins un leadership plus conséquent de la part de la Commission européenne et appelle urgemment à une réforme institutionnelle.

Vos commentaires
  • Le 27 juillet 2011 à 16:08, par HERBINET En réponse à : Crise de la zone euro : Un premier pas !

    Confronté à un environnement toujours plus difficile, au centre de toutes les interrogations, les doutes sur les marchés financiers internationaux persistent et signent. Les marchés fluctuent en fonction à la fois des résultats des entreprises et des RISQUES perturbateurs présents sur les marchés internationaux - matières premières, industries, services - finances - euronext / alternext / marché libre / taux et changes. Au cœur des marchés, le voyage n’est ni flamboyant ni sombre. Sur les marchés ouverts à des risques forts, la notion du RISQUE s’appréhende sous quatre axes - (1) le risque industriel avec les aspects sanitaires, sécuritaires et environnementaux, (2) le risque commercial avec la relation client au cœur des préoccupations, (3) le risque humain affecté par l’éthique, le social et la psychologie, (4) le risque pays intégrant la légalité, la sécurité et la corruption. Si Auguste COMTE déclara « SAVOIR POUR PREVOIR AFIN DE POUVOIR » la génération de transition promeut la matrice VAAP - Vision / Anticipation / Action / Post risque. Par exemple, pour enrayer un dysfonctionnement, la matrice renvoie à des axiomes tels que l’intelligence de la situation, la prévision de l’imprévisible, le plan de continuité et le plan de correction.

    Pierre-Franck HERBINET

  • Le 1er août 2011 à 11:13, par HERBINET En réponse à : Crise de la zone euro : Un premier pas !

    European Identity ? United in Diversity ? Fluide par la libre circulation des personnes, autoritaire par la Cour de Justice des Communautés européennes, riche de l’acquis communautaire, l’Union européenne s’inscrit dans la veine des Lumières, lesquels naguère diffusèrent les Droits de l’Homme et la liberté de la presse. A l’heure numérique, le débat démocratique se nourrit sur la Toile sous les auspices de la vigilance citoyenne vitupérant la dérive populiste sévissant en Europe. Souhaitant étendre les principes de la démocratie, la génération de transition refuse fermement le populisme et la fameuse légende de l’ « Autre » . Flatter les bas instincts de l’homme, faire entendre de fausses promesses électorales, intensifier les angoisses collectives consistent à vider le SENS de la démocratie et à porter atteinte à l’idéal de paix. En réponse à la vague populiste roulant sans relâche sur l’Europe, la génération de transition dévoile des propositions innovantes au sujet des politiques publiques européennes. Par exemple, la génération de transition plaide pour la refonte des règles financières, l’anticipation des crises systémiques et la surveillance des organismes financiers.

    Pierre-Franck HERBINET

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