Planète

Climat : chronique d’une catastrophe annoncée

L’Europe et le monde, face au réchauffement climatique

, par Ronan Blaise

Climat : chronique d'une catastrophe annoncée

S’il y a bien une question qui illustre parfaitement - aujourd’hui - la crise de l’Etat-nation et son impuissance flagrante à répondre efficacement aux défis de l’avenir, c’est bien l’actuelle crise écologique du réchauffement climatique.

Une crise écologique mondiale dont on peut néanmoins, dès aujourd’hui, imaginer et déjà mesurer toute l’ampleur prévisible (autant, en tout cas, que cela soit effectivement possible...).

Et une crise écologique gravissime dont on sait déjà aujourd’hui fort bien - dors et déjà - que ses répercussions pourraient être vraiment catastrophiques pour le monde, pour notre Europe et pour leurs populations si rien n’était fait - urgemment - afin de la conjurer.

Afin de prendre vraiment conscience de l’ampleur de la menace et de l’ampleur des défis qu’il nous faudra bientôt relever, essayons d’imaginer notre Europe telle qu’elle pourrait très bien être dans une trentaine d’années : en 2025-2030.

Alors ─ en 2025-2030 ─ confrontée depuis déjà près de quinze ans à d’importantes tensions internes quant à la gestion de ses ressources en eau, quant à la gestion de ses ressources agricoles et quant aux vagues de migrations internes qui la touche depuis déjà au moins une génération, l’Union européenne sera au bord de l’effondrement...

D’ici à 2030, de lourdes menaces sur la paix.

Telle est en tout cas l’une des sombres prédictions contenues dans un rapport récemment rédigé ─ à la demande du Pentagone ─ par deux futurologues : un document publié en 2003 [1]. Et en voici les conclusions : d’ici à dix ans, un brusque changement climatique peut apparaître au grand jour, représentant alors un défi pour la paix dans le monde et la sécurité nationale des États-Unis.

« L’actuelle politique industrielle des États-Unis sur le climat est beaucoup plus dangereuse pour la planète que le terrorisme » [2].

En effet ce changement climatique aura pour conséquences des pressions intolérables sur l’environnement et de telles migrations de populations que les tensions aux frontières qui en résulteront atteindront des niveaux géopolitiques critiques.

Alors, la vie internationale se caractérisera par des tensions, des perturbations continuelles et des conflits armés.

Et si les États-Unis eux-mêmes se seront sans doute fort bien adaptés à cette nouvelle situation (puisque que tel est, en tout cas, le parti pris des rédacteurs de ce rapport...), l’Asie ─ confrontée à une grave instabilité régionale ─ traversera, elle, une crise sérieuse et l’Europe connaîtra une très grave crise interne...

Point central de la description de ce monde qui vient, les grandes puissances (Russie, Chine, Japon, États-Unis) s’affronteront pour le contrôle des ressources énergétiques d’Asie centrale, de Sibérie et de golfe arabo-persique. Et, une fois encore, la guerre dominera la vie des hommes.

D’ici à la fin du siècle, menace pour l’existence de l’espèce humaine ?!

Ainsi, selon Sir David King (Conseiller en chef du gouvernement britannique pour la Science) la Terre risque de prochainement connaître sa période climatique la plus chaude depuis près de 60 millions d’années. Ce qui pourrait menacer jusqu’à l’existence même de l’Humanité.

En effet, selon ses sources, le niveau de dioxyde de carbone (principal gaz à effet de serre) dans l’atmosphère dépasserait déjà de 50% tous les chiffres atteints ces 420 000 dernières années, provoquant là un réchauffement climatique dû à l’activité humaine et par l’accumulation des gaz à effet de serre.

Or déjà, de par le passé, un réchauffement climatique similaire à celui qui visiblement se prépare avait provoqué la disparition de multiples formes de vie. Et l’Antarctique, alors dépourvu de glace, était devenu l’environnement le moins hostile aux mammifères.

C’est pourquoi si l’on en croit encore Sir David King, si rien n’est rapidement fait pour lutter contre l’actuel réchauffement de la planète, l’Antarctique pourrait fort bien redevenir, d’ici à la fin du siècle, le seul continent habitable au monde...

La preuve : la fonte des glaces polaires...

Des déclarations qui, alors qu’un nouvel été placé sous la signe de la canicule et un nouvel automne d’une extrême douceur viennent de s’achever, ont de quoi nous faire réfléchir.

Pour preuve : la fonte des glaces de l’Arctique et des inlandsis continentaux des hautes latitudes polaires (i.e. : du Groënland et d’Antarctique). En effet, jusque dans les années 1980, le signal était encore ambigu. Mais, dans les années 1990, la tendance est devenue plus nette. Et dans les années 2000, elle est manifeste : l’Arctique fond.

Et réchauffement climatique oblige, force est de constater qu’aujourd’hui cette fonte des glaces des pôles se poursuit à un rythme préoccupant (le volume de la couche de glace de l’Arctique ayant diminué de 40% durant ces cinquante dernières années (et sa surface ayant diminué de près de 7% en dix ans) ce qui s’avère être ─ d’un point de vue environnementale et humain ─ tout particulièrement inquiétant...

Ainsi les experts n’ont maintenant plus de doute : d’ici à 2100, on devrait assister à une élévation des températures moyennes de l’ordre de 7°C, avec des signes évidents (réchauffement des pôles, vagues de chaleur, recul des glaciers de montagne, crues côtières et recul des côtes, arrivée précoce du printemps, mutation des écosystèmes et modification de la biodiversité, etc.) et avec des perturbations climatiques – ouragans et tempêtes – de plus en plus dévastatrices.

De même, la fonte quasi totale des glaces polaires pourrait entraîner une montée du niveau des mers, menaçant jusqu’à l’existence même de certains îles-États insulaires [3] et menaçant d’engloutir nombre des grandes villes côtières de ce monde [4].

Ainsi, il s’avère qu’une élévation de seulement un mètre du niveau de la mer menacerait environ jusqu’à 70 millions de personnes en Chine (et 30 à 35 millions de personnes au Bangladesh) : une bien « petite chose » face aux 150 millions de « nouveaux réfugiés » provoqués, d’ici à 2050, par l’actuel changement climatique...

La situation aujourd’hui, en Europe

En Europe, de nombreux indices attestent de l’actuel réchauffement climatique. Les année 2000 et 2002 ont ainsi été les années les plus humides depuis plus d’un siècle avec des inondations catastrophiques en Allemagne, en Pologne et dans tout le bassin du Danube, causant le déplacement de population de près de 150 000 personnes.

Des années également marquées (en 2000 et, surtout, en 2003) par des étés caniculaires exceptionnellement chauds (et ayant alors faits plus de 20 000 morts...).

De même on a constaté la disparition ─ en Espagne et dans le Caucase ─ de près de la moitié des glaciers encore présent il y a seulement vingt-cinq ans. Alors même que des incendies d’été massifs ont (en 1994 et 1998) ont pareillement provoqué la destruction de plus de 600 000 hectares de milieux naturels forestiers méditerranéens.

Pareillement, on a également constaté le déplacement vers le nord (jusqu’à plus de 200 kilomètre) de la zone de distribution de certaines espèces de papillons ainsi que l’éclosion de fleurs avancée d’une semaine environ (et l’arrivée de l’automne retardée d’autant...) tout comme (au Royaume-Uni) la ponte d’une vingtaine d’oiseaux avancée d’une dizaine de jours.

La situation demain, en Europe

Ainsi il s’avère que certaines régions de France connaîtront probablement, dès 2050, une moyenne de vingt jours de canicule par an (contre trois, environ, à la fin du XXe siècle. De même, vers 2100, la Bretagne et le Nord de la France ne connaîtront sans doute plus le gel. Ce qui ne manquera pas alors de changer la flore ; et donc - par voie de conséquence - la faune de ces régions.

Plus près de nous, d’ici à 2012-2030, la pression sur les écosystèmes sera telle que la montée du froid dans le nord de l’Europe poussera les populations scandinaves et des pays anglo-germaniques (i.e. : Suède, Danemark, Royaume-Uni, Allemagne, Pays-bas, etc) vers le sud de l’Europe, puis ─ par la suite ─ vers les pays du bassin méditerranéen (rive « sud » comprise...).

De même que la montée du niveau des mers aura fait subir une importante pression sur certaines régions du continent (côtes atlantiques, côtes de la mer du nord, côtes baltiques, côtes adriatiques et côtes égéennes) ainsi que sur de nombreuses villes européennes [5]. Ainsi certaines études estiment que vers 2030, du fait de la montée des eaux dans les zones côtières et de faibles altitudes (comme l’Ile-de-France, le bassin de la Tamise ou les Pays bas) et du fait du refroidissement perceptible dans les hautes latitudes...), près de 10% de la population européenne sera sans doute partie vivre dans un autre pays.

Dès 2015, des conflits au sein de l’Union européenne portant sur la gestion des ressources agricoles et des ressources en eau seront donc très probablement à l’origine de graves tensions et d’une sensible détérioration des relations entre États membres. Ainsi, il est fort envisageable que la France et l’Allemagne entrent alors en conflit, d’ici à 2020-2025, pour la gestion écologique et commerciale des eaux du Rhin. De telles tensions risquant alors de provoquer l’effondrement de ce qui restera alors de l’Union européenne...

En guise de conclusion

Comme on le voit ici, la menace « climatique » n’est décidément pas à prendre à la légère. Pour la conjurer, il va sans doute falloir modifier radicalement certaines de nos habitudes, certains des « piliers » de notre actuel mode de vie et - peut-être même - certaines des bases du fonctionnement de nos économies.

Pareillement, cette crise va sans doute provoquer une remise en question des grands équilibres internationaux. Le mieux qu’elle puisse alors provoquer, ce serait une remise en question radicale de ce fameux dogme de ’’souveraineté absolue’’ qui préside aujourd’hui encore aux relations entre les États. Et ce, au plus grand détriment de leurs populations.

Pour régler un tel problème et pour réguler un phénomène d’ampleur mondiale comme celui-là, il faudrait rendre possible l’émergence d’un système de gestion mondiale ’’ad hoc’’. Et, pour ce faire, il faudrait donc mettre en place une organisation mondiale disposant de l’autorité, des intruments juridiques et des moyens de coercition nécessaires.

Ou donner à l’Organisation des nations unies les moyens de faire face à ces problèmes. Mais, pour ce faire, faut-il encore que nos chefs d’État et de gouvernements prennent véritablement en main leurs responsabilités. Et, pour ce faire, faut-il encore que nos opinions publique se fassent mieux entendre d’eux...

Si tant est que le fédéralisme est avant toute chose un principe de bonne gouvernance selon lequel, pour être efficace, la gestion des affaires publiques doit se faire au niveau adéquat, quel qu’il soit (mondial, continental, national, régional ou local)...

... Alors nul ne doute que seule l’application concrète d’un fédéralisme bien pensé, bien compris et bien appliqué pourra permettre à l’humanité d’échapper aux tragédies ─malheureusement bien trop prévisibles ─ du siècle qui vient.

- Illustration :

Le visuel d’ouverture de cet article est la photographie d’un bloc de glace sur une plage, près de Jökulsárlón (Islande) :

Un document tiré de l’Encyclopédie en ligne wikipédia.

Mots-clés
Notes

[1Peter Schwartz, Doug Randall : « An Abrupt Change Scenario and its implication for United States National Security », octobre 2003, 22p.

[2Sic, Sir David King (Conseiller en chef du gouvernement britannique pour la Science).

[3Comme les Bahamas, de nombreuses îles des Antilles, les Canaries, les îles du Cap vert, les Comores, les Seychelles, les Maldives, la Micronésie, Kiribati, Tonga, Tuvalu, etc.

[4Comme Los Angeles, San Francisco, Boston, New York, la nouvelle Orléans, Miami, Caracas, Lima, Rio de Janeiro, Buenos Aires, Dakar, Abidjan, Lagos, le Cap, Casablanca, Alexandrie, Karachi, Bombay, Madras, Calcutta, Dacca, Jakarta, Bangkok, Manille, Hongkong, Shanghai, Tianjin, Séoul, Osaka, Tokyo, etc.

[5Comme Venise, Barcelone, Londres, Paris, Anvers, Amsterdam, Hambourg, Stockholm, Gdansk, Saint-Pétersbourg, Odessa ou Istambul, etc.

Vos commentaires
  • Le 4 février 2007 à 17:27, par Ronan En réponse à : Climat : chronique d’une catastrophe annoncée

    Compléments d’informations :

    Le 30 octobre dernier, à Londres, a été rendu public un rapport officiel commandé par le gouvernement britannique et signé par sir Nicholas Stern (actuel chef du service économique du gouvernement britannique et ancien responsable de la Banque mondiale) sur le coût financier de l’actuel réchauffement climatique, soit ’’la plus grande menace pour l’économie de marché que le monde ait jamais connue’’. Ce rapport d’environ 700 pages est le fruit d’une étude commandée en juillet 2005 par le PM Tony Blair et le ministre des finances Gordon Brown afin d’évaluer les conséquences économiques du réchauffement climatique pour le Royaume-uni et le monde d’ici à 2100.

    Soit une nôte très salée d’environ 3700 milliards de livres sterling (5500 milliards d’euros) si rien n’est mis en oeuvre d’ici à dix ans. Et la conclusion de ce rapport est limpide : si rien n’est mis en oeuvre pour lutter contre le changement climatique ou pour en atténuer les effets, le monde pourrait être entraîné dans une crise économique de l’ampleur de celle de 1929 ou d’un coût similaire à celui des deux guerres mondiales. Une récession économique d’une « ampleur catastrophique » (sic) qui verrait le PIB mondial subir, d’ici à la fin du XXIe siècle, une baisse « très grave » comprise entre 5 et 20%.

    Ainsi, pour combattre l’émission croissante des gaz à effet de serre (et pour espérer contenir la hausse des températures sur terre...), il faudrait aujourd’hui y consacrer environ 1% du PIB mondial par an (soit près de 275 milliards d’euros). Sinon, la somme à payer risque d’être cinq à vingt fois plus élevé : entre 5 et 20 fois supérieure jusqu’à atteindre 850 euros pour chacun des 6.5 milliards d’individus qui peuplent la planète.

    Bref, s’il n’est pas endigué, le réchauffement climatique risque d’entraîner un ralentissement très grave de l’économie mondiale similaire à celui consécutif de la crise de 1929 (et causé par les deux guerres mondiales). De plus, à cause des inondations et des sécheresses, à cause des pénuries de récoltes et en eau potable (et des migrations de populations liées de dizaines - voires de centaines - de ’’réfugiés climatiques’’), c’est près de 200 millions de personnes qui pourraient ainsi être déplacées et/ou dans l’incapacité de remplir quelque rôle économique que ce soit. Soit : c’est finalement près d’un sixième de l’humanité qui serait - au total - menacé.

    Une menace décrite en des termes très alarmistes mais pour laquelle sir Nicholas Stern se dit encore optimiste ’’car nous avons le temps et de l’argent pour agir’’, saluant les efforts de l’UE, de la Californie et de l’ONU (via sa ’’Convention cadre sur le changement climatique’’) en la matière et appelant la Chine, l’Inde et les Etats-Unis à se mobiliser également pour endiguer le réchauffement climatique.

    En tout cas, d’après lui : « Aucun pays, aussi grand soit-il, ne peut résoudre à lui seul le problème ». Ce pourquoi : « Il est impératif de dégager un consensus à long terme sur les objectifs communs (afin) de bâtir le cadre international qui permettra à chacun de donner sa pleine mesure » et de rendre possible la lutte contre le réchauffement climatique. Puisque « Retarder l’action, même d’une décennie ou deux, nous entraînerait alors sur un territoire dangereux »...

    (Sources : Nombreux articles publiés dans « Libération », « le Monde » et « le Figaro » des 31 octobre et 1er novembre 2006).

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