Mettre un carton rouge est toujours une opération délicate : y-a-t-il vraiment faute ? la faute est-elle suffisamment grave ? Était-elle intentionnelle ? Cette fois-ci, Rachida Dati nous a vraiment facilité la tâche : elle a mis un bon tacle par derrière à l’Europe, les deux pieds décollés. Et nous disposons de nombreux ralentis vidéos qui attestent de la violence du choc.
Dati, ou l’incompétence décomplexée
Lors d’une rencontre organisée par les jeunes de l’UMP le 22 avril dernier, Dati a affiché une désinvolture et une incompétence tout simplement affligeantes. Interrogée par le président des Jeunes UMP, Benjamin Lancar, sur le sujet clé des choix énergétiques de l’Europe, Dati lance, radieuse : « ah, ça, on avait répété ! ». Pouffant de rire, elle récite : « 77% de notre énergie…provient du nucléaire. » « C’est ça ? », lance-t-elle à Lancar qui lui avait communiqué les questions (et les réponses ?).
Raté ! Ce n’était pas 77% de notre énergie, mais de notre électricité qui provient du nucléaire. Il en faut plus pour stopper le fou-rire communicatif de Dati, qui tente malgré tout une bribe de réponse cohérente « Donc le nucléaire, Oui, mais il faut se mobiliser notamment par le biais de la recherche, pour développer…euh…les énergies…euh…renouvelables ! qui sont les éoliennes ! ». Et de conclure sur un ultime « c’est ça ? », toujours adressé à Lancar. Pour l’entourage de Dati, pas de polémique, « c’était de l’humour ».
L’autre temps fort de cette entretien avec Dati, qui rappelons-le est titulaire d’une maitrise en droit public obtenu avec mention, intervient lorsqu’elle exprime sa perception toute en nuance de la notion de subsidiarité, au cœur de la répartition des compétences entre l’Europe communautaire et les Etats. À la question de Benjamin Lancar : « L’Europe s’occupe-t-elle trop des affaires nationales ? », Dati répond : « Elle s’occupe de ce qu’on lui donne à s’occuper. Et puis elle s’occupe de ce qu’on lui donne à s’occuper avec les personnes qui peuvent porter ces affaires à s’occuper, donc nous en l’occurrence. » Certainement...
Dati, une catastrophe européenne !
Les réactions n’ont pas tardé. Harlem Désir, tête de liste socialiste dans la même circonscription, s’est dit « scandalisé qu’on envoie siéger au PE des gens totalement incompétents ». Plus surprenant mais néanmoins rassurant, est le commentaire d’un jeune militant UMP, Mohamed Toubache-Ter interviewé par BFM-TV, qui ne mâchait pas ses mots vis à vis de la Ministre : « c’est une catastrophe européenne, Rachida Dati. C’est le mépris de l’Europe, c’est inadmissible. ». Se dit-il tout bas dans l’entourage de Michel Barnier, n°1 de la liste de Dati, ce que ce militant dit tout haut ? Au lendemain de l’incident, le ministre minimisait rapportant le ton de Dati au contexte de son intervention.
Si Mme. Dati ne connaît pas grand chose aux enjeux européens, si elle n’a jamais manifesté politiquement un intérêt particulier au fonctionnement de l’Union européenne, elle est néanmoins Ministre de la Justice et vraisemblablement apte à exercer des fonctions politiques. En un mot, Mme. Dati n’est pas une idiote. Alors pourquoi cette attitude ? Pourquoi cette attaque kamikaze qui fait voler en éclat sa crédibilité et celle de ses colistiers ? Pourquoi avoir affiché un manque d’intérêt si flagrant, sachant pertinemment qu’elle serait filmée ?
Le recyclage de candidats sans convictions
Dati est l’exemple type de ces candidats dépourvus de vocation européenne que l’on recycle au Parlement de Strasbourg pour leur permettre de rebondir politiquement. Son bilan en tant que Garde des Sceaux est très contesté, tant sur le fond des réformes que sur sa manière d’exercer l’autorité ministérielle, dans ses bureaux et dans ses relations avec les magistrats. Les européennes, pour Dati, c’est une porte de sortie honorable, une position qui lui assure un salaire, qui lui permet d’entretenir des réseaux politiques, qui peut éventuellement lui faire acquérir de l’expérience, voir des compétences, sait-on jamais, sur des enjeux européens. Bref, une aubaine : quitter un ministère difficile pour un mandat d’eurodéputée.
Son engagement dans la campagne, et son investissement des enjeux qui font débat sur l’avenir de l’Europe sont conditionnés par cette perspective politique qui laisse à voir le Parlement européen non comme un lieu important mais comme l’entre-deux d’une carrière. Comment Dati peut-elle être motivée, d’autant plus qu’étant en deuxième place sur la liste UMP pour l’Ile de France, elle est certaine d’être élue compte tenu du mode de scrutin à la proportionnelle !
Quel contraste avec le n°1 de cette même liste, Michel Barnier, européen convaincu, qui doit avoir bien du mal à coordonner la campagne francilienne avec de tels partenaires ! Et quel gâchis, surtout, de constater que Mme Dati prend la place de personnalités politiques autrement plus compétentes et intéressées par l’Europe.
Le problème dépasse la seule prestation de Dati et renvoie une fois encore à ces pratiques partisanes de constitution des listes, qui sont une des causes majeures de l’abstention record à laquelle l’on s’attend pour le vote du 7 juin.
1. Le 29 avril 2009 à 06:34, par Martina Latina En réponse à : Carton rouge à Rachida Dati pour son affligeante incompétence européenne
Après « l’ère du mépris », l’Europe est appelée, précisément par son histoire, à devenir « l’aire du respect » : de l’ouverture et de la paix.
Aiguisons donc notre attention EUROCITOYENNE pour inventer ensemble, grâce aux moyens actuels de connaissance et d’action, à travers le débat électoral et la réflexion concertée, une approche plus responsable des réalités et des questions qui tissent notre EUROPE toujours en devenir : devenons nous-mêmes en favorisant son épanouissement, de l’apparition de son nom plusieurs fois millénaire signifiant « Vaste-Vue » au surgissement de l’harmonisation démocratique opérant depuis un demi-siècle sur un continent aussi divers par ses facettes qu’uni par son BIEN COMMUN.
2. Le 29 avril 2009 à 07:56, par Valéry En réponse à : Carton rouge à Rachida Dati pour son affligeante incompétence européenne
L’incompétence est-elle intentionnelle ?
Le carton ne devrait-il pas plutôt être atribué au sinistre individu qui a décidé que cette dame devait être candidatepour une élection aussi importante que l’élection des eurodéputés – lequel déclarait par ailleurs avec hypocrisie qu’il souhaitait y envoyer les meilleurs ?
3. Le 29 avril 2009 à 11:54, par Laurent Nicolas En réponse à : Carton rouge à Rachida Dati pour son affligeante incompétence européenne
Oui et non. Oui parce que c’est un secret de Polichinel que Sarkozy fais les listes des européennes pour l’UMP en fonction de considérations nationales (popularité, régionales etc.). Et donc oui parce que la responsabilité lui revient de placer des candidats qui ne sont ni intéressés ni compétents.
Non parce que la prestation de Dati dépasse les bornes et que sa désinvolture rend encore plus insupportable son incompétence.
4. Le 30 avril 2009 à 13:15, par Jean-Jo En réponse à : Carton rouge à Rachida Dati pour son affligeante incompétence européenne
Ce carton rouge vient à point nommé, alors que l’UMP tente vainement un tir de barrage en nous faisant passer cette prestation pour de l’humour. D’une manière générale les cadres des grands partis ne sont pas intéressés par le sujet de l’Europe, alors même que ces grands partis affichent un ligne pro-européenne. Lorsque l’on compare l’intervention de Marine Le Pen sur France 3 (argumentée et structurée) et celle de Rachida Dati (pas de cohérence, pas d’idées), il y a tout lieu de craindre que le camp des anti-Europe fasse un très joli score aux éléctions, affaiblissant encore plus la construction européenne.
5. Le 30 avril 2009 à 17:14, par Ronan En réponse à : Carton rouge à Rachida Dati pour son affligeante incompétence européenne
Et voilà : on va enfin finir par y arriver. A savoir qu’on peut constater que l’une croit sans doute du fond de ses tripes en ce qu’elle dit (Mme Le Pen), et l’autre visiblement non (Mme Dati).
Pour part, j’en ai tiré des conclusions que certains jugeront sans doute très personnelles : à savoir que l’Européisme actuel et mou fait de demi-mesures, de prudentes lenteurs, de postures défensives, de tergiversations, de refus de jamais choisir entre l’Union et la Nation (ou les Etats), du refus de l’obstacle (du refus de certains sauts qualitatifs...), cet européisme prétendument pragmatique et - surtout - fait de superficialité sentimentaliste contribue à envoyer l’Europe dans le mur plus surement encore que tous les nonistes réunis.
Lesquels nonistes font davantage leur beurre de l’insatisfaction générale que d’un véritable regain idéologique du nationalisme d’autrefois. Et si la Nation revient depuis peu à la mode (et est aujourd’hui perçue comme un rempart), c’est surtout parce que l’Europe déçoit. Mais ça, à qui la faute ?! Où est donc le projet - politique et institutionnel - ambitieux, cohérent, global et structurant (et enfin lisible !) à opposer aux néo-chantres de la nation (qui ont les idées très claires, eux...) ?!
A quand la fin de la politique des petits-pas, cette politique d’un mécano incertain laborieusement consolidé à coup de rustines ? A quand la fin de la politique de la fuite en avant sans que personne ne sache plus ou n’ose plus vouloir dire exactement où l’on va ? sans que personne (à part les souverainistes pur jus) n’ose vraiment dire où - fondamentalement, en définitive - il veut aller, ni pourquoi ? Où est le projet d’ensemble ? Où est la vision ?
Pourquoi le débat politique sur l’avenir sur l’Europe (puisque c’est de cela qu’il devrait aujourd’hui être question...) se réduit-il aujourd’hui à l’évocation de quelques réformettes nées de besoins contextuels, à la seule polémique stérile sur l’emplacement idéal pour les réunions de son parlement, sur son périmétre géographique et la validité - ou non - de ses « frontières » traditionnelles ? Pourquoi ?!
6. Le 30 avril 2009 à 18:51, par Laurent Nicolas En réponse à : Carton rouge à Rachida Dati pour son affligeante incompétence européenne
à tous ces pourquoi, un seul parce que :
parce que les souverainistes, les néo-nationalistes, sont des extrémistes. et les extrémistes ne changent jamais rien, ils ne font ni ne défont l’Europe. Ils sont là, ils gesticulent, ils arrivent à 10% voir plus de temps en temps, on a peur, on commente.
Mais pendant ce temps, ce sont les pragmatiques qui font bouger les choses. Ceux qui font l’Europe au quotidien : les députés, les fonctionnaires nationaux qui participent aux négociations dans les formations du Conseil de l’UE ou avec la Commission, les citoyens et la société civile. C’est là, tous les jours, dans le compromis et le débat permanent, face à la dure réalité d’une Europe à 27 ou de 27 Europes, que le projet avance et se construit.
Combattre l’extrémisme par l’extrémisme n’a jamais et ne fera jamais avancer l’Europe.
Pour autant, je te rejoins sur un point : la clarté de l’ambition. De grandes propositions porteuses, fédératrices et avant-gardistes doivent sortir des débats, et notamment à l’occasion des élections européennes. Il faut avoir un rêve européen, il faut avoir une utopie, comme horizon, mais être capable d’avancer chaque jour dans la réalité et la complexité de la construction européenne.
7. Le 1er mai 2009 à 11:03, par Ronan En réponse à : Carton rouge à Rachida Dati pour son affligeante incompétence européenne
A force de jouer avec le feu vous allez finir par vous retrouver avec un taux de participation électorale ridiculement bas, un parlement décrédibilisé qui ne pourra pas prendre la moindre initiative forte, une opinion publique indifférente voire de plus en plus hostile à l’idée européenne et avec une majorité eurotiédasse, ou - pourquoi pas - eurosceptique au parlement européen.
De constats résignés (ou - pire - acceptés...) et autres causes molles... en conséquences malheureusement prévisibles, l’approche européiste soit disant « pragmatique » ressemble de plus en plus à la pente inexorablement glissante d’une nouvelle forme de suicide mou.
8. Le 1er mai 2009 à 12:07, par Nico En réponse à : Carton rouge à Rachida Dati pour son affligeante incompétence européenne
Je suis loin d’adhérer à la ligne éditoriale votre site, et suis, contrairement à vous, peu enclin à distribuer des cartons rouges, mais là, il faut bien le dire, c’est mérité !
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