Assises européennes des citoyens et résidents des grandes métropoles

Déclaration issue des rencontres à Paris du 13 et 14 juin 2008

Assises européennes des citoyens et résidents des grandes métropoles

Réunis à Paris les 13 et 14 juin 2008 à l’initiative de la Maison de l’Europe de Paris, quelques 150 citoyens européens et résidents non communautaires ont participé aux premières « Assises européennes des citoyens et résidents des grandes métropoles ». Le Taurillon vous livre le résultat de ces travaux, réuni dans la déclaration suivante.

Nous, femmes et hommes de toutes générations, citoyens de l’Union européenne et résidents non communautaires, impliqués dans la démocratie locale de nos grandes métropoles européennes [1] nous partageons l’urgence de contribuer activement, à notre niveau et de manière autonome, à la création d’un véritable espace public européen où la citoyenneté européenne deviendra l’exercice d’une pratique commune. Nous en appelons à la pérennisation de telles plates-formes de rencontre et de travail en commun.

Nous constatons, en dépit de contextes très divers liés aux histoires et à l’actualité de nos pays, de nos villes, de nos sociétés, que nous partageons des préoccupations et des priorités communes. Il est nécessaire d’infléchir les tendances lourdes aux cloisonnements et aux clivages entre les populations. Il faut concevoir, au niveau européen, l’inclusion par les droits et la participation politique de tous les habitants des métropoles, et défendre l’esprit d’hospitalité de ces dernières. Il importe de renforcer les pratiques participatives, dont la richesse est trop souvent négligée par les élus et les institutions, pour contribuer au renouvellement de la vie démocratique en Europe.

Inclure par les droits

Nous le savons, les processus de migration et de mobilité ont accru la diversité des populations dans les grandes métropoles toujours plus mondialisées. Or l’hétérogénéité des législations concernant la nationalité et la citoyenneté dans les vingt-sept États membres conduit à des différences de traitement de cette réalité. Ramenant au premier plan la question des droits et de la participation politique dans les grandes villes, nous affirmons que la citoyenneté est une pratique, mais qui doit être consacrée par le droit, et notamment les droits politiques.

Son exercice ne peut exister sans société démocratique et donc sans institutions démocratiques, fondées sur les droits pour tous, partagés, indivisibles et universels. Le libre exercice de cette citoyenneté nécessite un cadre juridique qui garantisse à celles et à ceux qui en bénéficient une reconnaissance de leur appartenance à un même groupe, une égalité de droits et de protections à chaque niveau territorial où ils vivent durablement. Aujourd’hui, au sein de l’Union européenne, le fait de rattacher la citoyenneté à la nationalité d’un des pays membres est du point de vue des droits facteur d’inégalité et de discrimination, le plus souvent et conjointement facteur d’inégalités sociales et de discriminations en fonction de l’origine. Pourtant, sur un même territoire, ceux qui vivent ensemble et partagent un destin commun concourent par leur travail et leurs impôts à la croissance et au bien-être collectif.

Aussi nous affirmons que la citoyenneté doit être fondée sur la résidence, en particulier en ce qui concerne la citoyenneté européenne. Cette reconnaissance serait l’aboutissement de la tendance générale que nous constatons dans les grandes métropoles urbaines européennes où, par leurs pratiques et dans leur vie démocratique, les villes sont amenées à reconnaître le droit à la participation citoyenne, y compris par le droit de vote, de l’ensemble de leurs habitants, dans une vision non exclusive de la citoyenneté.

Par ailleurs, nous demandons le rapprochement et la facilitation des conditions d’obtention de la nationalité entre les différents pays membres ; le rapprochement et l’amélioration du contenu des droits accordés par les États à tous leurs résidents.

Lutter contre la logique des clivages

La ségrégation socio-résidentielle est une réalité des grandes métropoles européennes ; elle existe non seulement entre les centres et les périphéries, mais à l’intérieur même des centres villes.

Elle renvoie à une multitude de problèmes spécifiques, en premier lieu économiques, et ne résulte pas d’un processus naturel. Elle inclut l’extrême pauvreté, mais ne se résume pas à elle. La ségrégation socio-résidentielle renvoie à la question de l’espace public, espace qui réunit les gens et doit leur permettre d’être partie prenante à la vie politique. Lutter contre elle doit engager les politiques publiques nationales et leur articulation avec le niveau local, dans une démarche qui doit être à la fois corrective et préventive. C’est aussi reconnaître les limites des politiques sécuritaires et de contrôle, qui ne peuvent constituer en soi une solution.

Nous affirmons que le secteur privé n’a ni la vocation, ni la fonction d’organiser l’espace urbain, comme c’est trop souvent le cas. Nous en appelons à des politiques publiques flexibles et créatives, concertées, articulées avec des stratégies de planification urbaines prenant en compte les droits de tous au logement, mais aussi aux infrastructures (transport, services publics, accès aux ressources). En effet, si l’accès à un logement digne est fondamental, il ne peut suffire. Nous insistons sur le développement de politiques éducatives allant à l’encontre de la ségrégation. En ce qui concerne les zones de grande pauvreté, nous soutenons qu’il faut les repérer, les reconnaître, les nommer, et agir à partir du fait urbain qu’elles constituent, plutôt que les ignorer ou les raser.

Nous en appelons enfin à la création de mécanismes d’alerte au niveau de l’Union européenne permettant d’agir contre la ségrégation socio-résidentielle, en partenariat avec les collectivités locales.

Réinventer la démocratie locale

La participation organisée des citoyens peut œuvrer durablement en faveur de la cohésion sociale dans les grandes métropoles. Des citoyens actifs au niveau local sont aussi potentiellement des citoyens actifs au niveau européen. Mais nous soulignons aussi que la démocratie locale doit être universelle, mondiale et formalisée.

Nous constatons l’extraordinaire richesse des expériences participatives développées dans certaines métropoles européennes, et l’inexistence, la faiblesse ou l’inadéquation des mécanismes proposés, dans d’autres cas. Une telle inégalité dans l’utilisation des outils existants est inacceptable.

Nous en appelons à la mise en place, en Europe, de mécanismes participatifs locaux approfondis et de qualité, susceptibles d’être évalués.

Par ailleurs, une pleine participation des citoyens à la gouvernance des grandes métropoles n’a de sens que si elle conquiert légitimité et autonomie. La participation reste trop souvent confinée à des groupes privilégiés, mieux formés, mieux logés, ayant plus de temps, et inclut rarement les plus dépourvus. En outre, ces mécanismes ont trop souvent tendance à cloisonner les champs d’activité ou les types de population et à ne les consulter que pour ce qui ressort de leur intérêt privé, comme s’il s’agissait de consommateurs.

Par ailleurs, l’autonomie de la participation n’est pas toujours garantie. Les pouvoirs publics doivent créer les conditions d’autonomie de cet instrument, même lorsqu’ils en financent les mécanismes, et encourager les moments de transversalité entre les organes consultatifs. Les citoyens impliqués doivent pouvoir fixer librement leur ordre du jour, et ils doivent également se soumettre aux mêmes principes de transparence et d’accessibilité que les élus.

En outre, la démocratie participative doit être adaptée à l’évolution des niveaux de décision dans les grandes métropoles européennes, comme le développement de l’intercommunalité qui, pour l’heure, échappe au citoyen. De même, des mécanismes appropriés de concertation doivent également être définis dans le cadre des grands projets urbains faisant intervenir le secteur privé.

Enfin, la mise en place ou l’amélioration des mécanismes participatifs doit donner lieu à débat public et résulter ainsi de processus partagés.

Pour le bien commun : une nouvelle intelligence collective

Exercer ses droits en tant que citoyen exige des compétences civiques, des savoirs individuels et collectifs. Nous revendiquons notre part de savoir sur le territoire (région, ville) où nous vivons, et nous pensons qu’elle peut contribuer utilement, au niveau qui est le sien, à la vie de la cité. Elle doit être reconnue. Nous revendiquons aussi notre besoin d’information et d’acquisition de savoirs, pour pouvoir agir sur la base de compétences partagées et pouvoir évaluer les élus sur la continuité de leur mandat.

Nous en appelons donc au développement de nouvelles dynamiques permettant de créer une expertise transversale, des plates-formes mixtes alliant des types d’acteurs différents (citoyens réunis ou non en associations, élus, pouvoirs publics, experts), initiées à partir des réalités du terrain, des méthodes de travail donnant à chacun l’occasion de dépasser le niveau micro-local. Il est évident qu’une telle perspective est étroitement liée à des conditions juridiques, économiques et de développement social et au partage d’un bien commun. L’accès pour tous à l’éducation, à la culture, aux soins, au transport, au logement et à l’espace public est à cet égard fondamental.

D’autres préalables sont requis. De la part des collectivités territoriales, nous en appelons à la transparence des procédures, des ordres du jour et des documents, y compris des études commandées et financées par les fonds publics. En second lieu, nous en appelons, dans un souci d’autonomie, à la création de fonds européens de soutien au développement de la démocratie locale, dont l’accès et la gestion seraient simplifiés, ainsi que le soutien structurel aux réseaux européens qui en découleront. Il incombe enfin à tous les acteurs d’inventer des mécanismes d’information, de formation, de production et de diffusion relatifs à ces savoirs transversaux (espaces publics communs et autonomes, ouverts à tous les citoyens, médias alternatifs).

Ainsi, l’espace urbain, aujourd’hui accaparé, dans certaines métropoles, par la publicité et les logiques de privatisation, devrait être restitué à des fins citoyennes.

D’une manière générale, nous affirmons notre volonté de poursuivre le travail engagé en commun durant ces deux jours. Nous voulons poursuivre la dynamique des Assises européennes des citoyens et résidents des grandes métropoles, au moyen d’internet, à travers de nouvelles rencontres de ce type et par une mise en réseau. Nous souhaitons en voir la pérennité soutenue et encouragée par les pouvoirs publics comme par les fondations. Nous proposons enfin que la dynamique des Assises puisse s’articuler avec l’Agora initiée par le Parlement européen.

Illustration : logo des Assises européennes des citoyens et résidents des grandes métropoles.

Merci à Sanja Cindric et Dominique du Jonchay pour leur collaboration.

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Notes

[1réunis dans le cadre des premières Assises européennes des citoyens et résidents des grandes métropoles créées par la Maison de l’Europe de Paris en partenariat avec la Fondation Genshagen, la Nouvelle université bulgare, l’Université de Ljubljana, l’Association européenne pour la défense des droits de l’homme, [la Fondation pour les sciences sociales et humaines, à Paris le 13 et le 14 juin 2008

Vos commentaires
  • Le 6 juillet 2008 à 13:42, par arturh En réponse à : Assises européennes des citoyens et résidents des grandes métropoles

    Finalement c’est tout ce qu’a produit ces assises ? Une longue démonstration de langue de bois totalement dénuée de portée pratique ? « Le Taurillon vous livre le résultat de ces travaux » ? Ou le Taurillon nous inflige l’absence de résultat de ces travaux masquée sous un déluge de phraséologie creuse ?

    C’est d’autant plus grave que, concernant un sujet fondamental, ce texte informe et illisible fut concocté le lendemain même de la proclamation du résultat du référendum irlandais, quand les enquêtes sur les raisons de ce résultat plaçait en tête le caractère illisible des institutions politiques proposées par le Traité de Lisbonne.

  • Le 7 juillet 2008 à 10:06, par Calvinus En réponse à : Assises européennes des citoyens et résidents des grandes métropoles

    C’est l’été... Dans le pré, le taurillon a chaud et somnole... Les coups de cornes font transpirer... Alors... Soyons indulgents.

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