Constitution pour l’Europe

Appel de Florence : une simple bouteille à la mer

Relancer le processus constitutionnel par un simple appel ?

, par Jean-Baptiste Mathieu

Appel de Florence : une simple bouteille à la mer

Quand des fédéralistes se retrouvent et boivent un verre ensemble comme tout le monde, ils parlent de tout et de rien, rigolent un bon coup, en somme rien de très spécial. Mais tout de même. Il y a un sujet qui leur est cher : c’est la relance du processus constitutionnel... et le pesant silence médiatique et politique sur cette question depuis le 29 mai 2005. Dans ces conditions, la moindre initiative est perçue comme un espoir pour ceux qui en 2005 ont consacré une grande partie de leur énergie dans la campagne référendaire.

L’année dernière à Gênes plusieurs militants, de nombreux jeunes, s’étaient retrouvés pour la Convention des Citoyens Européens, pour eux, participer et soutenir la moindre tentative de relance du processus constitutionnel était la logique même de leur engagement fédéraliste, convaincus qu’une réforme institutionnelle était le préalable indispensable avant l’émergence d’une Union Européenne plus démocratique, plus solidaire, plus amène à protéger ses citoyens du désordre mondial. L’Europe n’a pas besoin de faire ses preuves mais de se doter d’une constitution.

L’Appel d’hommes politiques pour une relance du processus constitutionel

Ce constat semble être partagé par plusieurs anciens dirigeants politiques européens [1] qui, réunis le 17 Novembre 2006 dans la ville de Toscane, ont signé « L’appel de Florence », rédigé par Yves Meny, président de l’Institut européen de Florence. Le texte présente tous les arguments classiques, justifiant la nécessité d’une réforme institutionnelle « une Europe plus forte dans l’affirmation des droits fondamentaux, plus efficace dans la gestion des politiques communes, plus à même de répondre aux défis de la mondialisation et plus déterminée dans l’affirmation de son rôle dans le monde ». Il rappelle l’inadaptation de règles adoptées au moment où l’Union Européenne se composait de 15 Etats membres et qui demeurent les mêmes à la veille de se retrouver 27.

Enfin il s’achève par trois propositions :
 garder l’intégralité de la partie I et II du traité constitutionnel,
 « clarifier la partie III »,
 et fixe la conclusion du processus pour 2009 date des élections européennes.

La méthode à suivre est celle du « sursaut » politique, l’objectif est de « conserver toutes les améliorations indispensables » contenu dans le TCE tout en apportant des « éclaircissement propres à apaiser les inquiétudes qui se sont manifestées ».

Quoi de plus désespérant pour un militant européen que de voir son camp à côté de la plaque ?

Non à l’inter-gouvernementalisme comme unique solution

A priori, nous devrions être ravis de voir une initiative appeler à la réforme institutionnelle... mais finalement, après la lecture de l’appel de Florence, c’est la déception qui domine. L’absence totale de référence à la méthode à suivre - assemblée constituante ou convention - nous laisse présager que dans l’esprit de ces sages européens l’inter-gouvernementalisme demeure l’unique méthode d’élaboration d’un texte constitutionnel européen. Ce premier déni de démocratie européenne n’est pas la seule. Le parlement européen n’est presque pas cité dans le texte alors que c’est peut d’être de lui que pourrait venir la relance, évitant ainsi le piège de l’unanimité qui attend toute réforme au sein du Conseil. Mais ce qui est le plus regrettable sans doute est que ce texte vague correspond exactement aux arguments utilisés en 2005 et qui se sont montrés incapables de convaincre les français et les hollandais.

La réforme institutionnelle est nécessaire, il n’y a pas de doute, mais elle ne peut se traduire par un bricolage politique (garder la partie I et II « clarifier » la partie III). C’est pour cela que nous parlons de processus constitutionnel qui sous-entend une élaboration collégiale (constituante ou convention) avec comme document de travail de départ le TCE peut être, une ratification par un référendum pan européen, et une adoption par une majorité d’Etats et de Citoyens, les Etats membres votant non devant alors négocier un accord de partenariat ou revoter pour rejoindre les Etats liés constitutionnellement. Ces propositions qui sont celles des Jeunes Européens France ont le souci de suivre un processus démocratique et efficace.

Le peu de reprise dont a été l’objet l’appel de Florence est la preuve que les propositions les moins ambitieuses sont aussi les moins soutenues et les moins retranscrites dans les medias. La relance du processus constitutionnel ne peut pas se réaliser par l’envoie de bouteille à la mer.

- L’Appel de Florence, 17 novembre 2006

"Au nom des Européens qui aspirent à une Europe plus forte dans l’affirmation des droits fondamentaux, plus efficace dans la gestion des politiques communes, plus à même de répondre aux défis de la mondialisation,et plus déterminée dans l’affirmation de son rôle dans le monde, nous appelons à reprendre le chemin des réformes de l’Union, y inclus celle des Institutions.

Les Institutions ne constituent pas une fin en soi : elles régissent et assurent le fonctionnement de l’Union. Les Institutions conçues pour 15 Etats membres, ne peuvent pas être valables pour une Union de 27 pays. Leur adaptation est indispensable pour que l’Union élargie puisse répondre aux attentes des citoyens. Bien plus, l’immobilisme dans un environnement en mouvement signifierait perdre du terrain et se montrer incapable d’affronter les défis présents et futurs.

Sans réformes, non seulement l’élargissement aux pays européens qui aspirent à nous rejoindre sera impossible et l’approfondissement nécessaire restera un vœu pieux, mais la gestion elle-même d’une Union à 27 deviendra de plus en plus difficile, les politiques communes moins efficaces et les citoyens plus sceptiques à l’égard de la capacité de l’Union de trouver des réponses appropriées à leurs problèmes.

Nous appelons après la pause de réflexion qui a suivi l’échec des référendums français et néerlandais, à reprendre de manière décisive la réflexion et l’action en matière de réformes.

L’objectif devrait être de conserver toutes les améliorations indispensables apportées aux Traités existants telles qu’elles ont été adoptées par tous les gouvernements de l’Union, tout en apportant les éclaircissements propres à apaiser les inquiétudes qui se sont manifestées.

 Nous appelons à conserver l’intégralité des Parties I et II du traité qui n’ont pas fait l’objet de critiques majeures et qui sont indispensables au bon fonctionnement de l’Union ;

 Nous appelons à clarifier les points de la Partie III , s’il en existe, au besoin par l’adjonction de déclarations ou de protocoles additionnels ;

 Nous appelons enfin à un sursaut politique de toutes les parties concernées pour que le processus nouveau soit conclu lors de l’élection du nouveau Parlement Européen au printemps 2009."

- Signataires :

Carlo Azeglio Ciampi, sans étiquette / Valéry Giscard d’Estaing, libéral européen / Joschka Fischer, Verts / Jorge Sampaio, PSE / Costas Simitis, PSE / Helmut Schmidt, PSE / Enrique Baron Crespo, PSE

- Illustration :

Le visuel d’ouverture de cet article est une photographie de la ville de Florence, document tiré du site de partage photographique Flickr.

- A titre de complément d’informations à propos des propositions des « Jeunes Européens France » sur l’avenir de l’Europe, on consultera les documents suivants :

 Pour une vie politique européenne démocratique.

 Pour des institutions européennes plus démocratiques.

 Pour une relance démocratique du processus constitutionnel.

Notes

[1MM. Carlo Azeglio Ciampi (ancien Président de la République italien), Valéry Giscard d’Estaing (ancien chef d’Etat français), Joschka Fischer (ancien ministre des Affaires étrangères d’Allemagne), Jorge Sampaio (ancien Président de la république portugais), Costas Simitis (ancien Premier ministre grec), Helmut Schmidt (ex-chancelier allemand) et Enrique Barón Crespo (ancien Président du Parlement européen).

Vos commentaires
  • Le 28 avril 2007 à 01:19, par Clément En réponse à : Appel de Florence : une simple bouteille à la mer

    Nos technocrates ne semblent guère disposés à confier la rédaction d’un texte constitutionnel à une assemblée constituante. L’ « intergouvernementalisme », l’opacité et l’indivision des pouvoirs sont donc une fois de plus au rendez-vous. Il faut rappeler Garibaldi ...

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