50 ans des Traités de Rome

50 ans d’Europe : transformer une réussite commerciale en union politique

Redonner un souffle au projet européen

, par Fabien Cazenave

50 ans d'Europe : transformer une réussite commerciale en union politique

A l’heure de souffler les bougies du 50ème anniversaire du traité établissant la CEE, c’est pour nous l’occasion de revenir sur les succès de la construction européenne. Ces succès nous poussent à ne pas nous satisfaire de la situation actuelle où les réussites se mêlent encore à des blocages, notamment au niveau institutionnel.

La construction européenne est passée par la réussite économique

L’Europe est bien sûr un succès économique. Si nous partons en arrière, à la sortie de la guerre en 1945, nous n’avions une Europe dévastée au niveau économique. Aujourd’hui, grâce à l’aide américaine des années 50 et à la construction européenne, nous avons un des marchés mondiaux des plus stables. Par exemple, nous avons une économie européenne qui est très forte en terme d’agriculture alors que la société a subi des transformations et ne possède plus au sein de sa population une majorité d’agriculteurs.

Par ailleurs, les liens éconmiques de plus en plus étroits ont permis la consolidation d’un marché unique qui au niveau des biens donne une assise puissante aux pays européens. L’Union européenne est suffisamment forte à ce niveau-là pour pouvoir parler d’une seul voix aux négociations de l’Organisation Mondiale du Commerce. Il est forcément plus facile de s’exprimer au nom de 500 millions de consommateurs que de seulement 60 millions si la France y allait toute seule. Il nous faut saluer ici le travail de la Commission Delors qui a mis en place la libre-circulation des biens dans les années 80.

L’un des consécrations de cette édification du marché européen, c’est évidemment l’€uro, qui est même devenu outil de pouvoir en terme de politique internationale. Alors que l’Ecu et le Serpent Monétaire Européen ont failli aboutir, c’est l’Euro qui est aujourd’hui la monnaie commune des habitants de 13 pays en Europe. L’Euro a trouvé sa place sur les marchés mondiaux. A tel point que lors des crises économiques qui ont frappé les marchés asisatiques, les Européens n’ont pas été frappés par les mêmes turbulences que les Américains. A ce titre, l’Euro est un outil diplomatique important. D’ailleurs, on se demande encore ce qui serait arrivé lors de la guerre en Irak en 2003 lorsque la France et l’Allemagne s’opposait à l’ONU aux Etats-Unis : nos monnaies prises une par une aurait pu subir les attaques des multinationales américaines. Là, nous n’avons pas pu subir de pression sur le plan boursier par exemple.

Un modèle de développement unique dans le monde

Ceux qui connaissent des membres de la forte communauté lusitanienne savent à quel point l’arrivée du Portugal dans la CEE a permis de simplifier les migrations de la péridoe estivale. Avant, il aurait fallu à nos frères et soeurs portugais passer deux douanes différentes. Aujourd’hui, franchir la frontière est un geste naturel au même titre que de passer dans le département d’à côté. Qui aurait pu s’imaginer dans les années 60, à l’époque du Rideau de fer séparant l’Ouest et l’Est, que nous pourrions aujourd’hui aller découvrir les merveilles de Prague avec simplement dans la poche sa carte d’identité ?

Cette liberté de circulation se retrouve dans différents projets, que cela soit les accords de Schengen ou la mobilité étudiante avec le programme Erasmus. Ce dernier programme est d’ailleurs une des plus jolies réussites de l’Europe puisqu’il a permis à plusieurs centaines de milliers d’étudiants de partir hors de leurs frontières nationales pour voir d’autres manières de fonctionner et de s’ouvrir d’autant plus aux autres.

Cette Europe est aussi l’Europe de la paix. Elle a réussi le pari fou de faire penser aux jeunes générations actuelles que la paix entre pays européens était quelque chose de normal. S’il existe toujours des rivalités sur notre continent, aurions-nous pu imaginer en 1940 que la France et l’Allemagne seraient des partenaires en paix alors qu’elles venaient de vivre 3 guerres en moins de 100 ans ?

La meilleure preuve de la réussite de la construction européenne est de voir à quel point elle sert de modèle dans les relations internationales : par exemple pour le Mercosur en Amérique du Sud. Le Mercosur, c’est la transposition de l’outil du rapprochement économique pour lier dans la paix des pays. Le but étant aussi là de créer un espace commun qui liera les peuples. La réussite économique permet ainsi au Parlement européen de « subventioner » la création du Parlement du Mercosur.

Cette réussite ne doit pas cacher les chantiers en cours.

Toutes ces réussites nous poussent à ne pas nous contenter de la situation actuelle et à pointer les poids qui ralentissent cette construction européenne. Car aujourd’hui, l’européisme ne suffit plus, le référendum du 29 mai 2005 en France nous l’a montré.

La lutte contre les nationalismes

Ce référendum a montré à quel point la question européenne pouvait aussi aboutir à des débats qui se contentaient d’être nationaux. La revendication de l’intérêt national supérieur à l’intérêt commun est devenu une arme politique. Partout en Europe, les nationalistes font de bons scores. Ils arrivent même parfois au gouvernement comme en Pologne ou en Slovaquie à l’occasion de coalitions. Cette montée du nationalisme se traduit partout en Europe : Royaume-Uni, Danemark, Hongrie, Italie... et France. En 2002, un candidat demandant la sortie de la France de l’Union européenne est arrivé au second tour d’une présidentielle.

L’un des arguments de ces nationalistes revient à chaque nouvel élargissement : nous allons perdre à partager. Pourtant, nous savons combien les différents pays de l’Union européenne ont gagné à mettre en commun leur force. Le comportement des gouvernements et des leaders politiques y a une part prépondérante pour en parler aux populations. N’oublions pas qu’au moment de l’élargissement à l’Espagne, les commentaires en France étaient alarmistes : « toutes nos entreprises n’auront qu’à franchir la frontières »... Jusqu’à présent, les avancées dans la construction européenne ont réussi à emmener avec elles une confiance de la population. Dans une Europe à 27 est-ce toujours le cas ?

Car les responsables politiques peinent à proposer quelque chose qui porte au-delà de l’horizon du citoyen. Un peu à l’image de la campagne présidentielle française où les candidats parlent avant tout au peuple français ?

Réduire l’aspect intergouvernemental des institutions européennes

Et pourtant, l’Europe a d’autant plus besoin d’un projet politique qu’elle est bloquée. Le Traité de Nice oblige les différents pays européens à avancer mais les repsonsables politiques sont crispés. Le processus institutionnel est rouillé, surtout après les non français et néerlandais de 2005, malgré les oui aussi référendaires du Luxembourg et de l’Espagne.

Nous ne sentons plus autant qu’avant le souffle européen. Les conférences intergouvenementales bloquent tout : tant sur le budget que sur le Traité constitutionnel pou l’Europe qui était à l’origine plus audacieux que la copie finale proposée. Alors que l’Europe à 27 rend illusoire des solutions issues de négociations entre gouvernements, les grands chantiers institutionnels restent ouverts.

Pourtant les lueurs d’une Europe politique sont encore là : par exemple, le travail du Parlement européen sur la directive des services a permis d’avancer beaucoup plus sur ce sujet essentiel pour l’Europe de demain que ne l’aurait faite une conférence intergouvenementale. Les mouvements de la société civile organisent des pétitions pour demander un référendum pan-européen pour s’exprimer sur le TCE bloqué par les gouvernements.

Les Fédéralistes ont encore du travail mais ils ont quant à eux un projet européen à proposer qui dépasse les projets des nationalismes. Nous sommes d’ailleurs ainsi en phase avec un monde globalisé où les citoyens sentent bien qu’ils seront plus forts... s’ils avancent ensemble.

Illustration : logo de la présidence allemande pour la déclaration de Berlin

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