1811/2011 : Deux-cents ans de play LISZT européenne

, par Emma Libran

1811/2011 : Deux-cents ans de play LISZT européenne
Franz Listz

Alors que s’achève le millésime 2011 sur des notes amèrement abaissées, sachons apprécier toute la richesse de l’héritage culturel du compositeur européen Franz Liszt, dont nous fêtions le bicentenaire de naissance cette année. 2011 : année lumière pour la Hongrie, présidente de l’Union européenne au premier semestre - par le jeu des chaises musicales [1] . La Hongrie fut, est et restera la terre où naquit en 1811 le génie de Franz Liszt, Commissaire européen à la culture, aux arts et à la poésie, quelques décennies avant l’investiture d’Androulla Vassiliou. Rock star européenne, compositeur visionnaire, pianiste virtuose, chef d’orchestre, philosophe humaniste et mécène, Liszt constitue à lui seul une génération politique, qui pourrait encore faire résonner les perrons de l’Elysée et du Berlaymont à l’unisson.

« Ever closer union »

Figure symbolique du siècle romantique, Liszt a sillonné l’espace Schengen et nos vingt-sept plaines pour accorder l’ union sans cesse plus étroite entre les peuples, en y intégrant les minorités culturelles.

Taisez-vous et écoutez un instant en silence les rhapsodies hongroises, où se mêlent à merveille l’universalisme européen - presque kantien- à l’essence des origines de la subsidiarité artistique. Dans Des Bohémiens et de leur musique en Hongrie, Liszt écrit lui-même (ndlr à l’attention de sa muse Viviane) : « Alors nous acquîmes la conviction que ces morceaux détachés, ces mélodies disjointes et éparses, étaient les parties disséminées, éparpillées, émiettées d’un grand tout ; qu’elles se prêtaient parfaitement à la construction d’un ensemble harmonieux, qui renfermerait la quintessence de leurs qualités les plus marquantes, le résumé de leurs beautés les plus frappantes, pouvant être considéré comme une sorte d’épopée nationale ; - épopée bohémienne - chantée dans une langue et dans une forme inusitées, comme est inusité tout ce que fait le peuple qui l’a créée »

Liebestraum : "I had a dream last night"

N’entendez-vous pas déjà l’éternel rêve d’amour de Liszt (ce Liebestraum tzigane), voyageant sans cesse de Dublin à Saint-Pétersbourg, de Cadix à Istanbul par-delà les frontières et les souverainetés ? Liszt, iconoclaste, inclassable, insaisissable, ne se laisse guère enfermer par les frontières politiques, géographiques, socioculturelles, esthétiques ou religieuses. Liszt se défait de toute étiquette. Dès son plus jeune âge, il crée des fugues pour sublimer les particularismes « nationaux » - dont le prince Esterhazy en Hongrie et l’Empereur Napoléon en France sont l’égérie - et refléter le miroir aux alouettes de l’Europe du Congrès de Vienne. Si 1815 sonne le glas des conquêtes napoléoniennes, l’hexagone n’en demeure pas moins un pays attrayant pour notre cher Franz Liszt.

Paris, Budapest, Rome, Weimar

Jeune prodige Erasmus, Lizst part en tournée européenne, à l’âge de douze ans, en commençant par un séjour prolongé -de onze ans- en France. Si l’italien Cherubini refuse son entrée au Conservatoire de Paris au motif de sa nationalité étrangère (la Cour de Justice de l’Union européenne aurait ici de quoi légiférer de façon rétroactive), Liszt n’en développe pas moins son génie et sa "passion chauvine pour Paris". Il se lie d’amitié avec Hugo, Lamartine, Musset, George Sand, Berlioz et Chopin (franco-polonais dans l’âme). Il tombera également amoureux de la Comtesse française Marie d’Agoult, qui lui donnera trois enfants. Outre le patrimoine génétique, Liszt contribue aussi à diffuser et populariser la culture française à travers ses transcriptions d’œuvres de Gounod, Berlioz ou Halévy.

Toutefois, Liszt n’est pas circonstancié au seul périmètre de la Hongrie ou de la France. Il voyage dans toute l’Europe pour sa carrière. Il partage ensuite l’essentiel de son temps entre trois capitales. Budapest, Rome et Weimar correspondent à trois épicentres : sa sentimentalité hongroise, son mysticisme religieux et sa musique d’influence allemande. Le passeport européen de Liszt est donc celui d’un esprit ouvert sur le monde et en communion avec l’âme des artistes dont il défendra le sort. Dans De la situation des artistes, et de leur condition dans la société, Liszt se fait l’avocat du rôle philanthropique et « humanitaire » de l’artiste. "La mission des artistes est d’exprimer, de manifester, d’élever et de diviniser en quelque sorte le sentiment humanitaire sous tous ses aspects" (Liszt, 1835).

Chapeau bas, Monsieur Liszt. Vous êtes non seulement un fidèle Ambassadeur de la musique et un mécène humaniste, mais vous êtes aussi un compositeur européen, dont la musique est une ode au "savoir vivre ensemble", chaque jour et chaque nuit. Vous êtes enfin une inestimable richesse de notre patrimoine européen que rien ni personne ne pourra jamais dégrader.

Mots-clés
Vos commentaires
  • Le 30 décembre 2011 à 16:05, par Jacques CHAUVIN En réponse à : 1811/2011 : Deux-cents ans de play LISZT européenne

    Lecteur du Taurillon dès sa fondation, toujours en accord avec lui, à quelques rares nuances près, je crois ne jamais lui avoir écrit.

    Mais aujourd’hui, à la lecture de « Deux-cents ans de play LISZT européenne », je suis ému et j’ai envie de dire merci à Emma Libran et au Taurillon.

    Evidemment, ces quelques mots de gratitude ne sont pas faits pour la publication. Ils passent par ce truchement, car je n’ai pas d’autre moyen d’atteindre leurs deux destinataires

Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom