Vers un socle commun de droits pour les couples homosexuels en Europe ?

, par Thomas Lymes

Vers un socle commun de droits pour les couples homosexuels en Europe ?
La Cour de Strasbourg a rendu de nombreux arrêts cette année, dont plusieurs ont défrayé la chronique. - Nicoleon

Dans un arrêt du 21 juillet dernier, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné l’Italie pour ne pas avoir conféré un statut légal à un couple homosexuel.

La CEDH fait décidément beaucoup parler d’elle en ce moment. Après avoir eu à statuer dans l’affaire Vincent Lambert au début du mois de juin 2015, la Cour vient de rendre un arrêt qui aura des conséquences sur le statut des couples homosexuels dans l’Europe toute entière.

Un ultime appel du pied au législateur italien

L’affaire concernait plusieurs couples homosexuels ayant demandé à bénéficier d’un statut légal en Italie via une demande de publication des bans de mariage. À chaque fois, les autorités italiennes leur ont opposé une fin de non-recevoir, que les requérants ont pour la plupart contesté devant les tribunaux italiens. L’argumentation de l’un des requérants se basant sur l’inconstitutionnalité de la loi italienne régissant le mariage entre des époux de sexe opposé, l’affaire finit devant le Conseil constitutionnel italien.

Ce dernier prit position en avril 2010, considérant le recours constitutionnel du couple comme irrecevable. Selon le Conseil, le droit au mariage garanti par la Constitution italienne ne s’étendait pas aux couples homosexuels et ne concernait que le mariage entre personnes de sexe opposé. Tout en rejetant le recours, le gardien de la constitution prit tout de même soin de préciser que les couples homosexuels disposaient du droit de voir reconnaître leur union. En revanche, il a considéré qu’il appartenait au législateur italien de prendre position sur la question.

Les requérants ont formé un ultime recours devant la CEDH, institution basée à Strasbourg et chargée de connaître des violations de la Convention européenne des droits de l’Homme. Ceux-ci invoquaient la violation par l’Etat italien de leur droit au respect de la vie privée et familiale, de l’interdiction de la discrimination et de leur droit au mariage, du fait que la législation italienne ne leur permettait ni de se marier ni de bénéficier d’une quelconque union civile.

La CEDH, se positionnant à contre-courant du Conseil constitutionnel italien, a finalement accueilli le recours des requérants et a estimé que l’absence de reconnaissance officielle des couples homosexuelles en Italie contrevenait au droit au respect de la vie privée et familiale de ces couples. Après le Conseil constitutionnel italien, c’est donc la CEDH qui, à son tour, rajoute de l’eau au moulin des partisans de la reconnaissance des couples homosexuels en Italie.

Un positionnement très actuel de la CEDH

Cet arrêt s’inscrit dans un mouvement général de reconnaissance du statut des couples homosexuels qu’a connu l’Europe durant cette dernière décennie. Pour renforcer sa position audacieuse, la Cour s’est fondée sur le fait que « la majorité de la population italienne [...] est favorable à la reconnaissance juridique des couples homosexuels » et sur l’adoption par 24 des 47 pays membres du Conseil de l’Europe d’une législation permettant de conclure une union civile entre deux partenaires de même sexe.

Pourtant, la juridiction européenne s’est souvent positionnée en retrait lorsqu’elle a eu à connaître de questions sensibles, tel que le droit à l’avortement en Irlande ou en Pologne, reconnaissant ainsi aux États une « marge de manœuvre » pour légiférer. Avec l’affaire Lambert, la Cour montre une nouvelle fois son souhait de voir se renforcer les droits de l’Homme en Europe. Sa position est d’autant plus importante que de nombreux pays ne reconnaissent aucun statut aux couples homosexuels, voire les condamnent en raison de leur seule orientation sexuelle. Certains pays membres du Conseil de l’Europe, tels que la Russie, vont même jusqu’à inculper toute personne responsable de « propagande pour les relations sexuelles non traditionnelles devant mineur ».

Finalement, on peut penser qu’en rendant un tel arrêt, la CEDH a souhaité faire écho à la décision rendue par la Cour suprême américaine en juin 2015 qui a légalisé le mariage homosexuel dans l’ensemble des Etats américains.

Vers un statut commun des couples homosexuels en Europe

Les organes du Conseil de l’Europe ont, à l’instar de la CEDH, déjà émis plusieurs recommandations en faveur d’une reconnaissance juridique pour les couples homosexuels. Si la CEDH ne s’est pas prononcée explicitement en faveur du mariage homosexuel, elle permet aux partenaires de même sexe de bénéficier d’un statut légal via la possibilité de contracter une union civile. On peut s’attendre à ce que d’autres recours soient formés par la suite par des couples dont l’Etat ne connaît pas l’union civile entre partenaires de même sexe, ce qui pourrait à terme permettre à ceux-ci de bénéficier d’un socle commun de droits au sein de la « Grande Europe » du Conseil de l’Europe.

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