Sarajevo franchit une nouvelle étape vers l’UE : Feu vert du Conseil européen pour les négociations d’adhésion

, par Gabriel Bruno, Le Courrier d’Europe

Sarajevo franchit une nouvelle étape vers l'UE : Feu vert du Conseil européen pour les négociations d'adhésion
Borjana Krišto, présidente du Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine, et Charles Michel, président du Conseil européen. © Union européenne

Le président du Conseil européen, Charles Michel, a annoncé sur X la décision unanime des dirigeants européens d’ouvrir les négociations d’adhésion à l’UE avec la Bosnie-Herzégovine, déclarant : « Votre place est au sein de notre famille européenne ». Le 21 mars, peu après une recommandation de la Commission européenne, les Vingt-Sept ont concrétisé cette étape cruciale pour l’avenir du pays balkanique. Huit ans après avoir présenté sa demande d’adhésion à l’UE, la Bosnie-Herzégovine, toujours divisée et marquée par le conflit intercommunautaire qui l’a déchirée dans les années 1990, s’apprête à mettre en œuvre les réformes requises par les institutions. Toutefois, le processus de négociation s’annonce long, affecté par des obstacles internes et par des réticences des autres pays européens.

Le chemin de la Bosnie vers l’UE : de la candidature aux négociations

La Bosnie-Herzégovine a déposé sa demande d’adhésion à l’Union européenne le 15 février 2016, en tant que pays candidat potentiel. Ce statut lui a été accordé par la Commission européenne en 2003, lui permettant à la fois d’officialiser son intention d’adhérer à l’Union et de signer un accord de stabilisation et d’association en 2008. Celui-ci vise à favoriser la procédure d’adhésion des pays des Balkans occidentaux à l’Union européenne en vertu de sa politique de voisinage destinée à telle région. En outre, cet accord aide ces pays à remplir les conditions exigées par le Conseil européen afin d’adhérer à l’UE. Elles ont été imposées spécifiquement pour les pays des Balkans occidentaux, en plus des critères de Copenhague, au regard des conflits régionaux à composante ethnique qui ont caractérisé la région dans les années 1990.

L’accord est entré en vigueur en 2015, introduisant l’acquis communautaire en Bosnie-Herzégovine dans certains domaines et établissant le cadre général de ses relations avec l’UE. En 2016, la présentation de la demande d’adhésion a été suivie de l’adoption des conclusions du Conseil européen concernant la candidature de Sarajevo. Celles-ci incluaient une demande d’avis à la Commission et un appel à la Bosnie-Herzégovine pour qu’elle mette en œuvre d’ultérieures réformes concernant l’État de droit et l’administration publique. L’avis de la Commission n’est parvenu qu’en 2019, établissant quatorze priorités essentielles à mettre en place. Les domaines touchés par ces priorités étaient le fonctionnement de la démocratie et de l’Etat de droit, ainsi que la protection des droits fondamentaux et la réforme du système d’administration publique. Grâce à ce guide de réformes nécessaires pour adhérer à l’Union, Sarajevo a pu travailler efficacement sur ces aspects, malgré les multiples incitations de la part du Conseil à achever le processus d’harmonisation, surtout constitutionnelle.

Ainsi, en décembre 2022, la Commission européenne a accordé à la Bosnie-Herzégovine le statut de candidat officiel, avec de nouvelles réformes à accomplir en vue de son adhésion à l’UE. C’est le 12 mars 2024 que la Commission a finalement recommandé l’ouverture des négociations d’adhésion avec Sarajevo, ce que le Conseil européen a effectivement décidé le 21 mars. Maintenant, il incombe à la Commission de préparer le cadre des négociations, qui prévoira d’autres réformes internes pour la Bosnie-Herzégovine, afin qu’elle intègre pleinement l’acquis communautaire. Ce processus pourrait pourtant prendre des années, ce qui suggère que l’adhésion du pays à l’UE est bien loin d’être imminente.

Du conflit dévastateur à la quête d’unité européenne

La Bosnie-Herzégovine a déclaré son indépendance de la République fédérative socialiste de Yougoslavie en 1992, ce qui a déclenché une guerre brutale qui a duré jusqu’en 1995. Ce conflit a été provoqué par les tensions entre les différentes communautés ethniques de Bosnie-Herzégovine, plus précisément, entre les Bosniaques musulmans, les Serbes orthodoxes et les Croates catholiques. Chaque communauté revendiquait des droits territoriaux et politiques dans le nouvel État indépendant. L’atrocité la plus importante et la plus célèbre fut le massacre de Srebrenica en juillet 1995, au cours duquel environ 8 000 Bosniaques musulmans furent tués par les forces serbes de Bosnie. Les tribunaux nationaux qualifient aujourd’hui encore cet évènement de génocide.

La guerre de Bosnie a pris fin en 1995 avec la signature des accords de paix de Dayton, qui ont établi la structure politique complexe actuelle de la Bosnie-Herzégovine. Il s’agit d’une fédération composée de deux entités politiques distinctes : la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine, majoritairement peuplée de Bosniaques et de Croates, et la République serbe de Bosnie, également connue sous le nom de Republika Srpska, à prédominance serbe. Chacune de ces entités possède ses propres institutions gouvernementales, avec un niveau supplémentaire de gouvernement central pour coordonner les affaires communes du pays. A présent, la Bosnie-Herzégovine demeure un pays socialement et culturellement divisé. A cela s’ajoutent les menaces sécessionnistes de la République serbe de Bosnie, dont la ligne politique se conforme à celle de la Serbie et, donc, de la Russie. Cette composante pro-russe du pays se heurte aux aspirations européennes et atlantiques de la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine. Par conséquent, certains Etats membres de l’UE ne se démontrent pas entièrement convaincus des pas effectués par Sarajevo en vue de l’ouverture des négociations d’adhésion à l’Union.

Défis et soutiens à l’adhésion de Sarajevo

Les progrès modestes dans les réformes constitutionnelles, judiciaires et électorales suscitent des interrogations majeures quant à l’adhésion de la Bosnie-Herzégovine à l’UE. Les pays qui se montrent le plus hésitants sont l’Estonie, le Danemark, la France et les Pays-Bas. Notamment, au Parlement néerlandais, le parti de centre-droite Nouveau Contrat Social avait déposé une motion visant à reporter l’ouverture des négociations. Toutefois, celle-ci a été rejetée, permettant ainsi au Premier ministre Mark Rutte de voter en faveur de la cause bosniaque au sein du Conseil européen.

En revanche, parmi les partisans convaincus de l’ouverture des négociations, on trouve les pays qui font partie du groupe « Amis des Balkans occidentaux », à savoir l’Italie, l’Autriche, la République tchèque, la Croatie, la Slovaquie, la Slovénie et la Grèce. Ces pays, qui ont des intérêts géopolitiques remarquables dans la région balkanique, ont créé ce groupe en juin 2023 afin de canaliser l’attention de l’Union européenne sur les Balkans occidentaux et accélérer leur processus d’intégration. Les Amis des Balkans occidentaux reconnaissent les questions en suspens de la Bosnie-Herzégovine, mais ils les considèrent comme naturelles et comparables à celles de l’Ukraine. L’ouverture des négociations d’adhésion a été accordée à Kyiv en décembre 2023, en parallèle avec la Moldavie.

La Bosnie-Herzégovine était le dernier pays candidat officiel des Balkans occidentaux à ne pas avoir encore reçu le feu vert pour les négociations d’adhésion à l’Union européenne (le Kosovo conservant un statut de candidat potentiel). La Présidente du Conseil des ministres de la Bosnie-Herzégovine, Borjana Krišto, a sincèrement remercié le Conseil européen pour sa décision historique en faveur de Sarajevo. Le processus de négociation sera indubitablement long et parsemé de nombreux défis auxquels Sarajevo devra faire face afin d’harmoniser ses systèmes constitutionnels, judiciaires et électoraux aux préceptes de l’UE. Néanmoins, le départ des négociations avec ce pays marque une étape fondamentale pour l’élargissement européen aux Balkans occidentaux.

Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom