Réjouissons nous des résultats du référendum suisse !

, par Alexandre Marin

Réjouissons nous des résultats du référendum suisse !

Dimanche 9 février 2014, une petite majorité de suisses ont approuvé la proposition d’imposer des quotas sur l’immigration. À travers ce vote, ils ont exprimé le souhait de contrôler et limiter l’immigration, en particulier celle venue d’Europe ; jusqu’ici, la Suisse était soumise à la libre circulation des personnes au sein du continent. Voici pourquoi, il convient de se réjouir du résultat de ce référendum.

Parce qu’il est le produit de la volonté d’un peuple, peu motivé par des aspirations xénophobes.

Rousseau était un farouche adversaire de la démocratie représentative. Fidèle à ce dernier et à une tradition séculaire, le peuple suisse a décidé de son destin, comme il le fait souvent, à l’échelle cantonale ou nationale. D’ailleurs, il serait fort réducteur de conclure que ce vote n’est que l’expression de la xénophobie suisse. La Suisse a accueilli Calvin et Bakounine, et a naturalisé des personnalités comme Einstein, Hayek (fondateur du groupe Swatch) ou Lynette Federer (mère du champion de tennis Roger Federer), pour ne citer qu’eux. Comment deviendrait-elle du jour au lendemain un pays xénophobe est replié sur lui-même ? C’est trop simple et trop bête pour être vrai !

L’Histoire et l’actualité montrent que les pires actes xénophobes ont souvent des causes très éloignées de la xénophobie de leurs auteurs, en témoignent les émeutes anti-immigrées de janvier 2010 qui ont eu lieu dans le village calabrais de Rosario [1]. Aussi convient-il de chercher les causes du vote suisse les questions liées aux problèmes environnementaux dus à l’urbanisation du territoire, à la hausse des loyers, et au dumping social qui a entraîné de fortes pressions sur les salaires. Ces éléments sont révélateurs de préoccupations réelles d’autant qu’une partie des électeurs ont voté en faveur du « non », uniquement parce que l’initiative venait du parti populiste l’UDC. Ces enjeux ont davantage préoccupé les Suisses que les dissensions avec l’Union européenne qui découleront de la victoire du « oui ». Le référendum manifeste mais ne dissipe pas les inquiétudes de la population suisse. Si la classe politique ne répond pas à ces angoisses, d’autres désaveux sont attendus sur tous les sujets politiques.

Parce que, loin d’être irréversible, il aura un effet trampoline dans toute l’Europe.

Dans les mois qui suivront le vote, les difficultés économiques vont surgir. C’est la Suisse qui souffrira en premier lieu des conséquences de son vote. Selon Jean Quatremer, elle prend le risque de perdre l’accès à un marché de 500 millions d’Européens, ce qui nuirait très gravement à sa croissance. Autant dire que l’UDC perdra tout crédit. Les Suisses auront pris acte des erreurs qu’ils ont commises et pour un pas en arrière, ils en feront dix en avant. Le pays aura de nouveau un horizon vers lequel se diriger. Peut-être même qu’il intègrerait l’Union européenne.

Sur le long terme, ce sera une leçon pour l’Europe. Les observateurs suivront de près l’évolution de la situation interne suisse ; son avenir proche, quel qu’il soit, servira de leçon aux Européens et influencera profondément la conception qu’ils se font de leur vieux continent. En ce sens, l’isolement de la Suisse, où les citoyens subiront de plein fouet le manque d’Europe complètera assez bien les manifestations en Ukraine, où les gens risquent leur vie au nom des idéaux européens. L’association de ces deux événements pourra marquer les mémoires et changer radicalement la vision que nos concitoyens auront de l’Union européenne. Ils comprendront la nécessité de sauvegarder et d’approfondir l’acquis européen.

Enfin, les liens entre l’Union européenne et la Confédération helvétique n’en seront pas tellement affectés. Le séisme politique entre ces deux acteurs a eu lieu en 1992, au moment où les Suisses refusaient leur adhésion à l’Union. Berne et Bruxelles ont toutefois su s’entendre au mal et au gré des crises. Elles ont signé de nombreux accords bilatéraux et ont mis en commun plusieurs politiques publiques dans le secteur des transports, de la recherche ou de l’agriculture. En 2008, les Suisses ont accepté de contribuer à une aide régionale de 650 millions d’euros aux nouveaux Etats Membres. Les dommages causés sont donc largement réparables. En effet, il est peu probable que l’Union rompe les accords liés à la libre circulation des personnes même s’il sera malaisé pour les protagonistes de s’accorder sur la politique migratoire suisse qui, à court terme, pourra inviter à une remise en cause de ce principe fondamental de notre Union à la veille des élections européennes.

Quoi qu’il en soit, personne n’a intérêt à une rupture des relations euro-suisses.

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Notes

[1Immigrés dans les rets de la Mafia Calabraise de Christophe Ventura, paru dans Le monde Diplomatique, manière de voir d’Août-Septembre 2013 intitulé « A qui le crime profite ».

Vos commentaires
  • Le 21 février 2014 à 21:22, par Shaft En réponse à : Réjouissons nous des résultats du référendum suisse !

    La Suisse est l’un des seuls pays d’Europe à être libre et maître de son destin. C’est vrai que pour des gens qui rêvent d’une Europe de l’Atlantique à l’Oural, un pays qui n’appartient pas à l’UE, c’est une hérésie. Au fond l’Europe me fait penser à un globule blanc qui phagocyte tout ce qui passe à sa portée.

    Nous somme Européens pas parce que nous l’avons décidé mais parce qu’on l’a décidé pour nous. Essayez d’y réfléchir pendant une minute

  • Le 24 février 2014 à 00:46, par Alexandre Marin En réponse à : Réjouissons nous des résultats du référendum suisse !

    « C’est vrai que pour des gens qui rêvent d’une Europe de l’Atlantique à l’Oural, un pays qui n’appartient pas à l’UE, c’est une hérésie. »

    Il ne s’agit pas de cela, la Suisse a parfaitement le droit de ne pas appartenir à l’U.E. Ce qui lui est reproché, c’est de signer des accords et de ne pas les tenir.

    « Nous somme Européens pas parce que nous l’avons décidé mais parce qu’on l’a décidé pour nous. »

    Nous sommes Français aussi parce qu’on l’a décidé pour nous, en 1789, dans une France rurale où le sentiment national n’était que fort peu développé. Nous n’avons pas choisi non plus le système républicain qui nous a été imposé après la guerre de 1870.

    Les politiques sont les derniers à avoir décidé pour nous d’être européens. Les philosophes,les juristes, les scientifiques, les religieux, les marchands, les artistes, les musiciens et les gens de lettres les ont précédés. Dès le Moyen-Âge, les étudiants voyageaient à travers l’Europe, et des grands noms français en témoignent comme Montaigne. Pour réguler les échanges, un droit appelé « ius commune » ou "droit commun a même été élaboré. Les droits de l’Homme, chers à notre DDHC ont été pensés par un Anglais au service de l’empereur germanique, approfondis et étendus par les théologiens espagnols, et institutionnalisés par les Anglais. La renaissance, le baroque, le classicisme, et le romanticisme sont des mouvements qui ont traversé l’Europe, de Lisbonne, à Saint-Pétersbourg.

    On pourrait citer bien d’autres exemples.

  • Le 24 février 2014 à 11:11, par Shaft En réponse à : Réjouissons nous des résultats du référendum suisse !

    Donc, malgré le manque flagrant de démocratie européenne, nous devons quand même accepter cet état de fait ? ne vous etonez mas si par la suite, les Européens se tournent vers les populistes parce que ce sont les seuls qui les écoutent. Nous venons de voir les insuffisances de l’UE. La crise ukrainienne n’a pas été résolue par une Europe unie mais par l’action conjuguée d’Etats qui ont su travailler conjointement sans être pour autant fédéralisés : la France, l’Allemagne et la Pologne.

    J’affirme donc q’une Europe qui fonctionne est celle d’une association d’Etats séparéa mus par des idéaux communs, une association confédérale.

    Car pour moi, l’Europe fédérale ne serait viable que pendant un temps limité avant d’imploser à cause du rejet des peuples. Par contre, une Confédération nous permettrait d’affronter le mode de demain de façon sereine. Lexemple suisse parle de lui-même

  • Le 24 février 2014 à 18:18, par Ferghane Azihari En réponse à : Réjouissons nous des résultats du référendum suisse !

    @Shaft

    Vous savez, l’idée fédéraliste consiste seulement à admettre la possibilité de faire coexister plusieurs nationalités dans un espace démocratique commun, chose que la municipalité et la société civile font déjà.

    Aux européens dans le cadre de la politique partisane de décider de ce qu’ils veulent accomplir dans cet espace commun.

    Finalement la seule menace qui pèse sur le fédéralisme, c’est la xénophobie qui refuse cette coexistence civique multinationale qui constitue pourtant un progrès humain. Mais tant que la xénophobie est combattue, le fédéralisme est viable. Pourquoi ne pas venir défendre cela avec nous tout en militant pour une démocratisation des institutions européennes ? ;)

  • Le 24 février 2014 à 19:54, par Alexandre Marin En réponse à : Réjouissons nous des résultats du référendum suisse !

    @Shaft

    C’est justement une association d’Etats que nous avons. L’UE fonctionne selon le principe intergouvernemental.

    Le problème, c’est que sur des questions qui ne sont pas purement économiques, nous devons nous décider à 28. Toute la limite de l’intergouvernemental est là. Cela fait une machine technocratique infernale, des normes et des traités juridiques incompréhensible, car négociés à la virgule.

    La nécessité du fédéralisme est là. Le but n’est pas de faire disparaître les nations, mais de déléguer à l’U.E les compétences que les Etats seuls ne peuvent pas assumer. Tout le reste demeure entre les mains des Etats fédérés. L’U.E n’agit que quand c’est indispensable : c’est le principe de subsidiarité. Peu de gens souhaitent une Europe centralisée, pas les fédéralistes en tout cas.

    D’ailleurs, vous imaginez si la France n’était qu’une somme de 22 régions souveraines qui se tirent la couverture en permanence ? Ce serait le chaos le plus complet.

  • Le 25 février 2014 à 17:27, par Shaft En réponse à : Réjouissons nous des résultats du référendum suisse !

    Si vous déléguez les pouvoirs d’un pays à l’UE, vous videz cet Etat de sa substance. A ce moment là, élire le président de la république n’a plus de sens, de même pour les députés et ainsi de suite. Ce ne sera que rendre officiel ce qui se fait déjà. L’Assemblée Nationale transcrit les lois européennes à l’échelle nationale. Maintenant le budget est supervisé à Bruxelles qui se réserve le droit de le refuser. Donc quel que soit le parti majoritaire en France porté au pouvoir de manière démocratique, il sera obligé de mettre en place la politique économique et sociale décidée par la Commission et tant pis pour le peuple qui en subit les conséquences. Le Français serviront de variable d’ajustement. Mais celà ne fait rien du moment que les Européens soient présents au G8.

    Quant aux Etats fédérés, ils pourront s’occuper de ce qu’on voudra bien les laisser s’occuper.

    Dans notre cas, ce n’est pas la xénophobie qui présente une réelle menace. Elle n’est qu’une conséquence de la doxa libérale qui est à l’oeuvre. Oui l’Europe est en en danger, oui l’Europe est malade. Mais sa maladie mortelle s’appelle le libéralisme. Aussi lorsque vous demandez à Gaspard Koenig s’il aime l’Europe telle qu’elle est aujourd’hui, autant demander au Diable s’il aime l’Enfer.

    Je défend la démocratisation de l’Europe mais on peut défendre cette démocratisation sans défendre l’idée fédérale, ce qui est mon cas car j’estime que la constitution de cette fédération donnerait fatalement le jour à une nouvelle guerre froide

  • Le 26 février 2014 à 09:54, par Aurélien Brouillet En réponse à : Réjouissons nous des résultats du référendum suisse !

    J’ai du mal à vous suivre. Elire votre maire a t’il un sens ? Il me semble bien que oui, il est pourtant lié par les lois de la République. Elle même, par ailleurs, lié par une constitution que je n’ai personnellement pas voté...

    De plus, l’idée d’une démocratie fédérale c’est que le peuple puisse se faire entendre de manière plus prononcé au niveau européen. C’est donc donner un plus grand pouvoir au parlement européen démocratiquement élu et représentant des citoyens européens. Je ne comprend pas votre variable d’ajustement. Les bretons ou les corses sont ils la variable d’ajustement du budget français ?

    Le processus de fédéralisation suppose une constitution acceptée par les Etats et les peuples (cf modèle Américain). Les Etats fédérés pourront s’occuper de ce dont ils ont décider qu’ils s’occuperont dans la constitution. Ni plus ni moins. Qui déciderait pour les Etats sinon ? En prolongement de cette réflexion, le vrai problème de l’Europe actuelle c’est que les Etats, représenté au Conseil Européen ont plus de pouvoir que les peuples représentés au niveau du Parlement. Et seul une fédéralisation changera cet état de fait.

    Je sens un animosité certaine envers le libéralisme dans tout vos propos mais là n’est pas la question de ce blog qui ne préjuge pas de la politique que devra mettre en place un Etat européen une fois constitué.

    Pouvez vous expliquer comment vous souhaiter démocratiser sans fédéraliser ? Je pense que le débat avancera.

  • Le 26 février 2014 à 11:02, par Ferghane Azihari En réponse à : Réjouissons nous des résultats du référendum suisse !

    Nous y voilà :

    « Démocratiser sans fédéraliser ». Il est sans doute utile de rappeler que l’intergouvernementalisme est aux antipodes de l’idéal de démocratie. Pourquoi ?

    Dans un premier temps une gouvernance intergouvernementale privilégie la loi du plus riche. C’est pour cela que l’Europe est aujourd’hui principalement gouvernée par le couple franco-allemand. Je ne sais pas si vous habitez en France ou si vous êtes français mais pourriez-vous concevoir une France qui serait gouvernée par les chefs de Région à l’unanimité, ou plus particulièrement le chef de la Région Rhône-Alpes et l’Île-de-France ? Parce que c’est exactement ça l’intergouvernementalisme.

    Dans un second temps, le principe majoritaire une composante de la démocratie. Or l’unanimité exclut par définition le principe majoritaire...

    Plus d’arguments :

    http://www.taurillon.org/la-democratie-europeenne-sera-federale-ou-ne-sera-pas

  • Le 26 février 2014 à 22:51, par tnemessiacne En réponse à : Réjouissons nous des résultats du référendum suisse !

    @ Shaft

    La Commission émet juste un avis. ça permet aux peuples d’avoir un deuxième avis sur lequel ils ont voté démocratiquement. C’est la diffusion du pouvoir, la division du travail. Et je pense que au niveau européen on a les meilleurs sur 500 millions au lieu de 60, indépendamment des souverainetés des Etats-membres qui sont respectés à la proportionnelle. L’UE c’est l’égalité proportionnelle entre les Etats-memmbres. Pour revenir au G8. Les Etats-Unis et la Chine avec le Pacifique peuvent très bien faire leur marché entre eux et reléguer l’Europe à de de simples consommateurs. Tous les talents européens iront dans ces deux pays et nous serons les gardiens/acteurs d’un zoo/muséee. On voit très bien que tous les européens qui veulent « réussir » se tirent. Vous avez du génie, continuez à écrire tout en sachant que ...

  • Le 27 février 2014 à 17:19, par Shaft En réponse à : Réjouissons nous des résultats du référendum suisse !

    Un avis ? Vous estimez qu’il s’agit d’un avis lorsque la Commission menace de sanctions si la France n’atteint pas les 3% . Vous pensez que les Grecs considèrent les memorendums européens comme des avis ? Lorsqu’un referundum est proposé sur les plans d’aides, la Commission a émis un avis ?

    Il faudrait vraiment que l’on pense à restreindre les pouvoirs de ces donneurs d’avis

    La Chine nous considère déjà comme des consommateurs et les Etats-Unis comme leur pré carré. Le G8 n’est qu’une mascarade. La seule différence, si le fédéralisme est appliqué, c’est que les Chinois et les Américains parleront à une seule pomme au lieu de plusieurs.

  • Le 27 février 2014 à 20:44, par Aurélien Brouillet En réponse à : Réjouissons nous des résultats du référendum suisse !

    Admettons, ce qui est loin d’être sur. En quoi un repli français changerait la situation ? Par ce que là ce ne sera plus une pomme mais un trognon à qui l’on s’adressera pour sombrer dans la mauvaise métaphore.

  • Le 27 février 2014 à 23:40, par tnemessiacne En réponse à : Réjouissons nous des résultats du référendum suisse !

    @ Shaft

    Je parlais du semestre européen qui propose des avis concernant le budget. Les sanctions sont issues du traité intergouvernemental signé par chacun des pays. C’est mieux d’avoir une amende plutôt que d’attendre que les marchés financiers haussent les taux d’intérêts et provoquent des licenciements, le chômage, rendent les intérêts pour financer l’Etat-providence insoutenables etc. Et la France aussi, le gouvernement français peut menacer de sanctions les régions inféodés.

    Pour ce qui est des mémorandums c’est issu du FMI essentiellement, la BCE est indépendante c’est comme si vous alliez à la banque, celle ci vous propose des prêts selon certaines conditions et une autre selon d’autres. L’UE est associée à se qu’on voit dans les médias à la troika mais c’est compliqué à comprendre. ça peut très bien être les fonds de la BEI qui sont associé mais comme ils ne sont pas majoritaires, comme dans le capital d’une entreprise et bah ils ont pas le droit de décider mais ils prêtent quand même, c’est mieux que rien.

    Et quand les ministres des affaires étrangères allemands, français et polonais vont en Ukraine on nous dit que c’est l’UE ; si vous avez plus d’informations sur le fonctionnement de la troika...

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