Mesdames et Messieurs les Anglais : ça suffit !

, par Thomas Arnaldi

Mesdames et Messieurs les Anglais : ça suffit !
CC Flickr / (Mike Baker)rooster

Depuis le référendum sur le Brexit du 23 juin dernier remporté par près de 51,9% des voix, le Royaume-Uni fait tout pour retarder l’enclenchement de la procédure de sortie de l’Union Européenne, au détriment des Européens. Malgré l’annonce de Theresa May, la première ministre britannique, de déclencher le divorce autour de mars 2017, de nombreuses incertitudes demeurent.

Au regard des traités européens, il est possible pour un Etat membre de sortir de l’Union Européenne en déclenchant l’Article 50 du Traité de l’Union Européenne. Toutefois, le gouvernement britannique conservateur de Theresa May ne souhaite officiellement pas enclencher ce même Article 50 avant mars 2017, comme l’a souligné la Première ministre britannique dans un entretien à la BBC le 2 octobre. Autrement dit, tout est fait pour retarder les négociations avec l’Union Européenne sur les modalités du divorce. Au-delà-même du fait de trouver la date qui enclencherait le divorce entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne afin de respecter la volonté du peuple britannique souverain, les Européens sont menés en bateau par un gouvernement qui ne sait pas ce qu’il veut.

Une hypocrisie britannique

Il faut avouer que le Brexit a surpris la classe politique européenne et britannique. Beaucoup d’observateurs s’attendaient à une courte avance du « in » sur le « out », ce qui n’a finalement pas permis de se mettre d’accord en cas de « out ». Dans le camp conservateur, les partisans d’un « Brexit dur » veulent quitter définitivement le marché commun afin de retrouver pleinement la maîtrise de l’immigration. Ils s’opposent à ceux qui souhaitent un Brexit plus flexible qui tempèrerait le choc économique potentiel après la sortie définitive de l’Union Européenne et qui permettrait de ne pas se désengager complètement des partenaires européens. Le nouveau gouvernement de Theresa May doit donc trouver une ligne directrice qui conglomère l’ensemble de son parti avant de négocier avec Bruxelles. Il s’agit toutefois d’une magnifique mascarade politicienne. Quitter l’Union Européenne, c’est le choix des Britanniques. Penser que renier toute relation avec les partenaires européens est possible est une illusion. La campagne britannique du Brexit a été majoritairement fondée sur un « pour ou contre » l’immigration alors que ce sujet était totalement indépendant du référendum en question. N’oublions pas que les étudiants britanniques sont les premiers et les plus nombreux à bénéficier du programme Erasmus +, que les agriculteurs sont grandement favorisés par la PAC et que le Royaume-Uni possède déjà la pleine maîtrise de ses frontières en disposant de tous les opt-out nécessaires (pas membre des accords de Schengen, pas de politique migratoire commune, etc.). Partant de ce constat, il serait idiot d’affirmer qu’un « Brexit dur » permettrait de retrouver la maitrise de l’immigration. De même que l’argument selon lequel la négociation d’accords de libre-échange avec des partenaires internationaux tels l’Australie et le Canada permettrait de pallier la sortie du marché commun est infondé par le simple éloignement géographique. En revanche, ce Brexit dur couterait cher à une île qui s’isolerait davantage du monde.

Le Royaume-Uni dans l’impasse

Alors que les conservateurs n’arrivent pas à se mettre d’accord et jouent à l’hypocrisie pour rassurer les Européens, les travaillistes de Jeremy Corbin se désunissent profondément. A cause des nombreuses divisions internes, aucune opposition crédible n’est proposée face à la Première ministre Theresa May : le shadow cabinet (« cabinet fantôme » composé d’un gouvernement fictif prêt à prendre le pouvoir) des travaillistes tombe progressivement en miette avec certains députés cumulant plus de trois postes. Le thème du Brexit divise également le parti car plus du tiers de l’électorat travailliste a voté en faveur de la sortie de l’UE contre l’avis du parti. En conséquence, Theresa May pourra mener le Brexit qu’elle entend lorsqu’elle aura réussi à rassembler sa famille politique. Ce qui en revanche reste très incertain, c’est l’avenir de l’Ecosse, elle qui a promis l’organisation d’un second référendum sur son indépendance en cas de résultat contradictoire sur le Brexit entre l’Ecosse et le Royaume-Uni dans son ensemble. Les velléités du Pays de Galle et de l’Irlande du Nord ne se tempèrent que difficilement, ce qui montre que le Royaume-Uni post-Brexit est plus désuni que jamais.

Les anglais sont partis, vivent les anglais !

Alors que la politique nationale anglaise semble virer à un feuilleton aux multiples rebondissements quotidiens, il n’empêche que l’incertitude règne pour l’avenir des anglais avec l’Union Européenne. Les anglais ont bien souvent bloqué de nombreux projets européens au nom de leur souveraineté, alors que l’Europe actuelle a été façonnée selon leur vision libérale. En quittant l’Union Européenne, les anglais ont donné l’espoir aux fédéralistes européens d’un renouveau européen basé sur une « Europe en mieux ».

Parmi les nombreuses incertitudes, l’avenir des fonctionnaires européens d’origine britannique est au centre de nombreuses attentions. L’ancien commissaire européen à la stabilité financière Jonathan Hill a ainsi démissionné dès juillet 2016. Julian King (ancien ambassadeur du Royaume-Uni en France et résolument pro-européen) vient tout juste d’être soutenu par le Parlement pour devenir le nouveau et sans doute dernier commissaire européen d’origine britannique : c’est tout de même un comble de nommer un nouveau commissaire alors que le pays est en train de sortir de l’Union Européenne, mais cela reste conforme à la procédure. Il a été par exemple convenu que le commissaire ne siègerait pas lors des questions relatives au Brexit.

Si la nomination d’un nouveau commissaire passe encore, Martin Schulz, le président du Parlement européen, a bien rappelé qu’il serait particulièrement difficile d’expliquer aux Européens que les Britanniques doivent voter aux élections européennes de 2019, alors qu’ils ont décidé de quitter l’Union. En effet, les négociations doivent durer environ deux ans à compter de l’enclenchement de la procédure de sortie de l’Union Européenne, ce qui rendrait théoriquement possible l’organisation d’élections de députés européens d’origine britannique pour les prochaines élections européennes. Autrement dit, les anglais sont priés de se dépêcher à entamer les négociations de sortie.

Ce qui en revanche ne passe pas du tout, c’est que le Royaume-Uni se mette à entraver les projets des Européens au sein de l’Union Européenne. Londres a ainsi rappelé via son ministre de la Défense Michael Fallon que « le Royaume-Uni s’opposera au projet d’Europe de la Défense tant qu’elle fera partie de l’Union ». La sécurité des Européens est assurée par l’OTAN qui « doit rester la pierre angulaire de la défense de l’Europe » et il n’y a donc pas lieu de créer de dynamique européenne sur les questions de la Défense, d’après ce même ministre.

Avec la polycrise que traverse l’Union, selon l’expression de Jean-Claude Juncker, le Président de la Commission européenne, l’Europe de la Défense est devenue un des rares sujets plutôt consensuels entre les Vingt-Sept depuis le vote sur le Brexit. L’initiative soutenue par la France et l’Allemagne prône la mise en place, non pas d’une armée européenne – on en est encore loin ! – mais d’une mise en commun de moyens militaires en approfondissant la coopération entre les Etats membres, et surtout la mise en place d’un commandement européen civilo-militaire commun aux Etats de l’Union. Que le Royaume-Uni s’oppose à ce projet n’est pas nouveau, mais qu’il interfère à ce point n’est pas lui rendre service dans les futures négociations sur son divorce avec l’Union Européenne. Les anglais doivent donc tout simplement s’abstenir en ce qui concerne les décisions sur l’avenir de l’Union puisqu’ils ne souhaitent plus en faire partie !

Mesdames et Messieurs les Anglais, laissez les Européens renouveler l’Europe que vous n’avez pas voulu. De notre côté, on vous attend à la table des négociations. Michel Barnier et Guy Verhofstadt, respectivement désignés par la Commission européenne et le Parlement européen pour mener les négociations avec vous, sauront vous montrer les lignes rouges à ne pas dépasser. Il y aura toujours une place pour vous dans l’Europe mais elle ne sera jamais au détriment des Européens.

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