Melina Mercouri : la dernière héroïne grecque

, par Chrystel Andriantsilavo, Le Courrier d’Europe

Melina Mercouri : la dernière héroïne grecque

Disparue il y a trente ans, Melina Mercouri a transcendé les frontières pour devenir une icône mondiale, reconnue pour son talent artistique et son militantisme. Star du cinéma, puis ministre grecque de la culture, Melina Mercouri s’est érigée en pionnière de l’Union européenne en défendant ses valeurs fondamentales.

« Théâtre et cinéma sont ma respiration »

Née le 18 octobre 1920 à Athènes, Melina Mercouri connaît une enfance dorée au sein d’une famille de la grande bourgeoisie athénienne originaire du Péloponnèse. Son grand-père, Spyridon Mercouris, fut maire d’Athènes pendant près de trente ans. Son père, Stamatis Mercouris, ancien officier de l’armée grecque, poursuivit très tôt une carrière politique en tant que député royaliste. Bercée par ces deux grandes figures politiques qui l’initient à l’art de la représentation, la jeune Melina Mercouri semble déjà prédestinée à marcher dans leurs pas.

Dès son plus jeune âge, elle se découvre un amour pour le théâtre. «  Je veux être présidente, je veux un Oscar, je veux être dompteuse de lions, constructrice de ponts, et je veux chanter une chanson que tout le monde chanterait. J’ai un appétit sans fin.  » Cependant, sa famille conservatrice et patricienne refuse de la voir monter sur les planches. Par conséquent, elle se marie à seulement quinze ans à Panis Characopos pour échapper au milieu familial et assouvir sa passion. Ce premier mari lui fait découvrir l’univers du théâtre parisien. Elle s’inscrit ensuite à l’Institut dramatique du théâtre national de Grèce, où son talent précoce est rapidement reconnu. Dès ses débuts sur scène, elle captive le public avec son charme magnétique et son interprétation passionnée. Elle poursuit alors une carrière de comédienne entre Athènes et Paris. C’est le rôle de Blanche Dubois dans la pièce Un tramway nommé désir de Tennessee Williams, en 1949, qui lui apporte la consécration. Le réalisateur grec Michael Cacoyannis lui offre son premier rôle au cinéma en 1955 dans le film Stella. Mais c’est sa rencontre avec le cinéaste américain Jules Dassin qui constitue le tournant de sa carrière en la propulsant au sommet de l’industrie cinématographique internationale. C’est le coup de foudre amoureux et professionnel : ensemble, Mercouri et Dassin donnent naissance à huit films dont Jamais le dimanche, pour lequel l’actrice reçoit le prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes en 1960.

Chantre de la culture grecque et européenne

Le coup d’État militaire survenu en Grèce en 1967 oblige Melina Mercouri à s’exiler en France. Elle se lance dès lors dans une campagne de communication à travers le monde pour militer pour le départ de la junte fasciste. « Mon plus grand amour, c’est la Grèce. Mais c’est mon amour pour la Grèce qui m’interdit d’y revenir pour le moment.  » Après le rétablissement de la démocratie en Grèce en 1974, Mercouri arrête progressivement le cinéma et poursuit son engagement politique. Elle contribue d’abord à former le Mouvement Socialiste Panhellénique (PASOK), un parti de centre-gauche. Par ailleurs, elle participe activement au mouvement féministe de son pays. En 1978, elle devient la première femme députée du Pirée, et en 1981, elle est également la première femme nommée au poste de ministre de la Culture et des Sports. Dans ce rôle, elle travaille sans relâche en usant de sa renommée internationale pour promouvoir les arts et la culture en Grèce et à l’étranger, reconnaissant leur importance dans la construction d’une société démocratique et éclairée.

En 1983, Mercouri organise une réunion avec les ministres de la culture des neuf autres pays membres de l’Union européenne au cours de la première présidence grecque du Conseil. Son objectif est de donner une plus grande place à la culture dans toute l’Europe. Il s’agit de la première des réunions régulières des ministres européens de la culture, qui se poursuivent encore aujourd’hui.

Un de ses plus grands succès est indéniablement la création, en 1985, du concept de « capitales européennes de la culture » : chaque année, deux villes hôtes sont chargées d’organiser des manifestations artistiques pour mettre en lumière leur patrimoine historique et culturel. L’idée est de rapprocher les Européens en mettant en avant la richesse et la diversité des cultures du continent. Le programme est géré par la Commission européenne et le titre est attribué par le Conseil de l’Union européenne. La première capitale européenne de la culture est évidemment Athènes. Par la suite, plus de cinquante villes ont été désignées depuis le début du programme. Parmi ses autres accomplissements figurent le libre accès aux musées et aux sites archéologiques pour les citoyens grecs, la restauration de bâtiments, ainsi que la création d’un parc culturel dans la mer Égée. Mais son plus grand combat est certainement celui pour le retour en Grèce des fresques en marbre du Parthénon volées sur l’Acropole par les Anglais et conservées au British Museum.

Aujourd’hui, la Fondation Melina Mercouri s’engage activement dans la préservation des monuments grecs antiques. En outre, un prix de l’UNESCO, baptisé en son honneur, distingue les initiatives majeures de sauvegarde du patrimoine culturel mondial. Parfois désignée comme la « dernière héroïne grecque », Melina Mercouri demeure un symbole de défense de la culture helléniste, de la liberté et de la démocratie. Elle laisse ainsi un héritage indélébile dans le monde du cinéma, de la politique et de la culture.

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