Les confusions de Laurent Wauquiez sur l’Europe

, par Alexandre Marin

Les confusions de Laurent Wauquiez sur l'Europe

Si l’Europe a démontré qu’elle pouvait se trouver au centre des débats politiques lors de l’élection présidentielle en France, en 2017, force est de constater qu’elle fut la grande absente de la campagne pour élire le chef des Républicains. Le seul document où figurent les idées du nouveau chef de la droite française est une interview de ce dernier par le Figaro du 17 novembre 2017.

L’Union européenne et les Républicains : le consensus mou

L’avenir de l’Union européenne n’a été la priorité d’aucun des trois candidats à la présidence des Républicains. Comme au parti socialiste, le sujet est des plus polémiques chez le principal parti de la droite française, et tous ses cadres, en bon rassembleurs, ont préféré l’éviter. Laurent Wauquiez a livré, à l’occasion d’une interview parue dans le Figaro, ce qu’on peine à qualifier de « vision » pour l’Europe. Cette interview était pour lui une occasion d’abandonner la ligne ouvertement europhobe adoptée pour accéder à la tête de la région Auvergne-Rhône-Alpes à travers le slogan « Bruxelles ça suffit » (on se demande toujours, par ailleurs, en quoi ce slogan constitue un projet pour une région). Il se veut désormais « européen convaincu » et engagé dans l’opposition à l’Europe technocratique d’Emmanuel Macron ; il exclut l’alliance avec la République en Marche suggérée par Alain Juppé pour les élections au Parlement européen.

Ses positions se rangent en deux catégories : d’un côté, celles qui ont déjà été mises en place, de l’autre, celles qui ont été exprimées par le locataire de l’Elysée durant sa campagne. Le tout est saupoudré d’un fond de nationalisme destiné à faire croire qu’une fois à la tête de la France en 2022, le nouveau chef des Républicains pourrait imposer ses humeurs à ses vingt-six partenaires. Affirmant qu’avec vingt-sept membres, l’Union ne fonctionne pas, il reproche au chef de l’Etat de vouloir poursuivre son élargissement vers les Balkans. Pourtant, Emmanuel Macron a toujours plaidé pour un approfondissement de la construction européenne, préalable à toute nouvelle adhésion.

Ensuite, selon Laurent Wauquiez, Emmanuel Macron aurait tendance à « opposer la construction européenne à la souveraineté de la France quand il faudrait les marier ». Il oppose ainsi au chef de l’Etat, qu’il considère comme « fédéraliste », un projet « d’Union des Etats-Nations ». L’ancien secrétaire général aux affaires européennes oublie toutefois que l’Union européenne actuelle n’est guère autre chose qu’une coalition de nations. Le fédéralisme, au contraire, est la garantie d’une proximité entre les citoyens et les institutions européennes, à des années-lumière de l’épouvantail technocratique brandi par Laurent Wauquiez. Non seulement, le dirigeant de la droite ne propose aucune alternative au fédéralisme pour rendre l’Europe plus démocratique, mais en plus, il n’explique même pas en quoi son Europe prétendue « des nations » permettrait d’améliorer le fonctionnement de l’Union à vingt-sept.

L’Europe des cercles concentriques ou l’absence totale de vision cohérente sur l’avenir de l’Union

Néanmoins, pour ce dernier problème, Laurent Wauquiez présente une solution : celle des cercles concentriques. Le premier d’entre eux formerait un noyau dur autour d’une douzaine de pays dans lesquels la fiscalité, le droit du travail, et les règles sociales seraient harmonisés. Aucune explication ne nous est fournie sur la manière de concilier cette quasi-fédération, qui irait beaucoup plus loin qu’une simple « Europe des nations » avec la souveraineté de chacun. Le deuxième cercle serait celui de la zone euro, où seraient adoptés tous les instruments à même de renforcer la monnaie unique. On peine à voir la différence entre ces cercles et les deux vitesses énoncées dans le discours de la Sorbonne du président français du 26 septembre dernier. Quant au troisième cercle, il s’agirait uniquement d’une zone de libre-échange, autrement dit, un démantèlement de l’Union.

Un tel bouleversement du système européen pourrait se réaliser seulement au moyen d’une modification des traités. L’unanimité serait donc requise pour mettre en pratique les changements souhaités par Laurent Wauquiez. Or, il est difficile d’imaginer le miracle qui inciterait les gouvernements des pays du « troisième cercle » à s’auto-exclure de l’Union européenne.

Enfin, le silence est fait sur les compétences des différents cercles chers au capitaine de la première force d’opposition. Lequel décidera de la politique agricole, des transports, de la concurrence, de l’espace judiciaire, de la reconnaissance des diplômes, ou de l’octroi de fonds structurels ?

Pour conclure, Laurent Wauquiez a démontré au cours de son interview un bilinguisme en langue de bois et une incompétence alarmante sur les questions européennes.

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