Le Parlement européen : entre Bruxelles et Strasbourg

, par Le Courrier d’Europe, Tom Krejci

Le Parlement européen : entre Bruxelles et Strasbourg
Le Parlement européen...à Strasbourg. © Parlement européen

La question du siège du Parlement européen est un sujet complexe et controversé, alimenté par des débats entre les partisans de Strasbourg et ceux de Bruxelles. Cette dualité suscite des polémiques et des confrontations d’idées quant à l’efficacité, les coûts et l’intérêt de cette répartition depuis de nombreuses années.

Strasbourg, choix historique et symbolique

Le choix de Strasbourg comme l’un des sièges du Parlement européen remonte aux origines de la construction européenne et est le résultat de plusieurs facteurs historiques, politiques et symboliques.

Suite aux ravages de la Seconde Guerre mondiale, les fondateurs de l’Union européenne ont voulu établir des institutions qui favoriseraient la réconciliation et la coopération entre les nations européennes. Strasbourg, ville située à la frontière entre la France et l’Allemagne, a été perçue comme un symbole de la réconciliation franco-allemande. Elle possède également une longue histoire européenne, avec notamment le siège de la Cour européenne des droits de l’homme.

Le choix de Strasbourg comme lieu de réunion pour le Parlement européen a été inscrit dans un des traités fondateurs de l’Union européenne, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Ce dernier a établi que l’organe législatif aurait Strasbourg comme lieu de travail, notamment pour les douze périodes de sessions plénières mensuelles, y compris la session budgétaire. Par la force des choses et à coup de compromis, Bruxelles a obtenu les sessions additionnelles et le siège des commissions du Parlement et enfin Luxembourg, quant à elle, réussit à obtenir l’accueil du secrétariat général du Parlement ainsi que ses services.

À l’origine, cette répartition en plusieurs lieux, avec Strasbourg comme siège principal pour les sessions plénières, était également destinée à éviter une concentration excessive des institutions de l’Union européenne dans un seul pays ou une seule ville, afin de promouvoir un certain équilibre géographique. Ensuite, la présence du Parlement à Strasbourg est vue comme garantissant une représentation équilibrée des États membres, reconnaissant ainsi la diversité culturelle et historique de l’UE et renforçant le sentiment d’appartenance à l’Union pour les pays moins représentés politiquement. De plus, maintenir le siège à Strasbourg est interprété comme un geste d’ouverture de l’UE envers ses différents membres, encourageant leur implication dans les processus décisionnels en leur offrant une représentation physique dans une institution majeure.

Cependant, cette disposition a été critiquée au fil du temps pour sa complexité logistique, ses coûts élevés, ainsi que pour son impact environnemental. Il existe un débat récurrent au sein de l’UE pour rationaliser les activités parlementaires en concentrant l’assemblée dans un seul lieu, souvent en faveur de Bruxelles en raison de son statut de principal centre politique de l’UE.

La complexité des déplacements entre Strasbourg et Bruxelles

Le déplacement de l’organe parlementaire entre Bruxelles, Strasbourg et Luxembourg représente une complexité logistique et financière majeure, engendrant des coûts considérables pour l’Union européenne. Cette dispersion sur trois sites distincts entraîne des dépenses substantielles, notamment liées aux déplacements des eurodéputés, des assistants parlementaires, des fonctionnaires et d’autres parties prenantes, totalisant environ 10 millions d’euros par session plénière. D’après les informations de la Cour des comptes européenne, la concentration du siège du Parlement à Bruxelles ou à Strasbourg permettrait d’économiser annuellement la somme d’environ 114 millions d’euros.

Les infrastructures dédiées à ces sessions, principalement à Strasbourg donc, nécessitent un entretien constant, malgré une utilisation partielle, engendrant des coûts supplémentaires. Le coût global de cet éparpillement sur trois sites serait évalué à environ 16% du budget parlementaire, représentant entre 200 et 250 millions d’euros par an d’après le média européen Euractiv, une somme considérable qui soulève des questions quant à son efficacité et sa justification, surtout en période d’austérité budgétaire.

Cependant, au-delà des considérations économiques, le siège du Parlement européen à Strasbourg est porteur de symbolique et d’attachement historique, tant pour la ville que pour certains députés. Certains estiment que le travail parlementaire y est plus visible et moins associé à une image bureaucratique, contrairement à Bruxelles.

En somme, la question du déplacement du Parlement européen entre ces sites représente un défi complexe, mêlant des enjeux économiques, logistiques et symboliques, nécessitant une réflexion approfondie sur son efficacité et son adéquation avec les besoins actuels de l’Union européenne.

Les intérêts français liés au Parlement européen à Strasbourg

Le maintien du siège du Parlement européen à Strasbourg offre à la France des avantages symboliques, politiques et économiques notables.

Strasbourg incarne un symbole fort de l’unité européenne et de la réconciliation franco-allemande grâce à son emplacement frontalier et à son histoire de conflits surmontés. Maintenir le siège de l’organe parlementaire à Strasbourg est perçu comme un engagement envers cette histoire de paix et de coopération, renforçant ainsi les idéaux européens et la nécessité d’une collaboration transfrontalière.

La présence du Parlement européen à Strasbourg dynamise l’économie locale en stimulant divers secteurs tels que le tourisme, l’hôtellerie et les services. Les sessions plénières attirent des visiteurs, des délégations et des médias, apportant ainsi une visibilité internationale à la ville et à la région. Certains estiment qu’une concentration des activités à Bruxelles pourrait être plus pratique et plus économique. Toutefois, tout changement nécessiterait un accord unanime des États membres, ce qui s’avère souvent difficile en raison des implications politiques et symboliques pour chacun. En France, remettre en question cette situation est évitée pour plusieurs raisons. Cela pourrait impacter négativement l’économie de Strasbourg. D’après les informations fournies par le groupement des hôteliers, l’annulation de deux sessions à Strasbourg en 2008 aurait entraîné une baisse de près de 20% du chiffre d’affaires mensuel de chaque établissement hôtelier strasbourgeois.

Bien que la question de dire au revoir au Parlement européen puisse éventuellement se poser en France, aucun signe actuel ne suggère un changement imminent dans la politique adoptée. Cette position met en lumière les défis issus de la prédominance des intérêts nationaux dans le processus de construction européenne.La question du siège du Parlement européen à Strasbourg ou à Bruxelles demeure un enjeu complexe, mêlant considérations historiques, politiques, financières et environnementales. Il apparaît toutefois essentiel de considérer à la fois les aspects symboliques et pragmatiques pour trouver une solution qui serve au mieux les intérêts européens, tout en répondant aux attentes des citoyens et en prenant en compte l’évolution des dynamiques institutionnelles de l’Union européenne.

Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom