L’espoir fait vivre

, par Quentin Weber-Seban

L'espoir fait vivre

Suite à l’élection de Jean Claude Juncker à la présidence de la commission, le Taurillon ouvre ses colonnes à diverses sensibilités politiques. Ici, le point de vue d’un militant PSE.

Le 15 juillet, Jean-Claude Juncker a été confirmé par les députés européens en tant que président de la Commission Européenne, après que le Conseil l’a désigné à une large majorité. Cette élection est logique et, en tant que fédéraliste, je n’attendais rien d’autre.

Le résultat des élections ne laissait guère de choix sur la composition de la Commission : même une improbable coalition allant de l’extrême-gauche aux libéraux et démocrates n’aurait pas réuni les 376 voix nécessaires à l’élection du président de la Commission. L’alternative se situait donc entre une Commission Juncker avec les eurosceptiques, encore plus improbable, cette grande coalition sous la domination des conservateurs, et une période de crise politique que les États auraient sans aucun doute utilisé pour imposer leur candidat.

Il faut donc le répéter : heureusement que Juncker a été élu, dans le strict respect du fonctionnement d’une démocratie parlementaire, et heureusement que les socialistes – entre autres – l’ont globalement soutenu.

Du reste, le discours tenu le matin du vote était un discours rassembleur, consensuel, sans aucun doute européen. On y a retrouvé tous les éléments de la coalition entre conservateurs, socialistes et libéraux, les écologistes y trouvant aussi leur compte. Juncker a finalement rappelé une chose : avec cette majorité, il y a assez à faire pendant cinq ans. Le nouveau président de la Commission a également clairement indiqué avoir pris en compte la montée des eurosceptiques : l’Union Européenne a 5 ans pour convaincre, sans quoi le résultat des élections de 2019 pourrait être bien plus inquiétant.

Sur le fond, rien de précis n’a été annoncé, mais les orientations semblent encourageantes : la priorité absolue donnée à l’emploi par la croissance et l’investissement, avec un plan de 300 milliards ; un marché unique du numérique ; l’intensification de la lutte contre le changement climatique ; une union approfondie, tant sur le plan du marché, que de la politique industrielle ou de la monnaie ; un accord de libre-échange transatlantique, mais pas à n’importe quel prix. Ces points indiquent clairement l’orientation résolument économique de la Commission, et c’est positif.

Le renforcement de l’Europe sur le plan des valeurs, sur le plan migratoire et sur le plan international, ce qui passe par un Haut Représentant « respecté et expérimenté », sont aussi des points positifs. Finalement, pour reprendre la formule de l’eurodéputée Pervenche Bérès, il s’agissait bien d’un « discours de candidat », chargé de rassurer tous les pans de sa majorité.

Mais les socialistes auront du mal à être enthousiastes. Premièrement, ils ont perdu les élections. Ceux qui ont soutenu Juncker plutôt que de s’abstenir étaient donc de toute façon dans la position du partenaire minoritaire, qui pouvait amender le programme du candidat mais pas fixer ses orientations. Il est dur d’être enthousiaste quand on est la force d’appoint.

Cela se traduit dans le deuxième motif de morosité : Pour Juncker, l’enseignement principal de la crise est qu’il n’est pas « possible de bâtir une croissance durable sur des montagnes de dettes sans cesse plus hautes ». Les socialistes ne contestent pas ce point, ils contestent que ce soit « la leçon enseignée par la crise ». C’était d’ailleurs le principal point de divergence visible entre Juncker et Schulz pendant les débats européens. Que Juncker réitère sa croyance n’est pas surprenant, mais c’est inquiétant quant à la capacité de la future Commission à faire sortir l’Europe renforcée de la crise.

 L’on retrouve là, enfin, le flou du discours de Juncker devant le Parlement : nous partageons ses orientations, mais nous sommes convaincus que le chemin proposé est une impasse. De même, Juncker a beaucoup insisté sur sa volonté d’indépendance envers le Conseil. De belles intentions, mais dont on peut douter – au moins actuellement – qu’elles seront suivies d’effets. Ne l’oublions pas : pour nous, et malgré le psychodrame joué au Conseil, Juncker est le candidat des États. Il n’est pas un parlementaire mais un (ancien) chef d’État, et il a été poussé par Angela Merkel, représentant des États. Ceux-ci ont tergiversé mais l’on finalement élu à l’unanimité moins deux.

Nous, socialistes, espérons sérieusement que Juncker réussisse à faire de l’Europe l’espace de prospérité et de démocratie qu’elle vise à être. Mais nous en doutons. C’est notre dramatique paradoxe : pour maximiser les chances de réussite, nous participons à une coalition qui, à nos yeux, a peu de chances de réussir. Or, comme l’a dit lui-même notre nouveau président de la Commission, les citoyens européens ne pardonneraient pas un autre échec.

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