De l’importance de commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale dans une dimension européenne et pacifique

, par Hervé Moritz

De l'importance de commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale dans une dimension européenne et pacifique
A Strasbourg, le monument aux morts, fleuri chaque 11 novembre, représente une mère en deuil, l’Alsace, pleurant ses fils, l’un morts pour l’Allemagne, l’autre pour la France. - Claude TRUONG-NGOC

Hier, le président François Hollande a célébré le 11 novembre dans le cadre des célébrations du centenaire. A Notre-Dame-de-Lorette, il a inauguré un mémorial dont le gigantisme témoigne de la gravité du premier conflit mondial. Alors que ces commémorations vont se multiplier dans les mois qui viennent, il serait bon de leur accorder une réelle dimension européenne et de s’attacher à résoudre les conflits qui minent encore aujourd’hui le vieux continent.

Faire des commémorations des initiatives de paix en Europe

Les commémorations du centenaire de la Première guerre mondiale vont être nombreuses dans les mois à venir. Depuis juin dernier, les commémorations se succèdent et se ressemblent. Les chefs d’Etat défilent en se serrant la pince, fiers d’inviter leurs homologues à commémorer chez eux le carnage qu’a été la Grande Guerre.

Les symboles, qui jalonnent d’ores et déjà ces commémorations, viendront illustrer les livres d’histoire. La France et l’Allemagne, dont les politiques actuelles divergent, nuisant à une possible intégration renforcée d’un noyau de pays européens, se retrouvent lors des cérémonies pour réaffirmer une amitié née sur les ruines et les charniers fumant des deux guerres mondiales. En témoigne les cérémonies, qui ont amené François Hollande et Joachim Gauck, les présidents français et allemand, à se retrouver lors de plusieurs événements. Ils étaient ensemble, main dans la main, le 4 septembre 2013, à Oradour-sur-Glane pour commémorer le massacre du village entier par la division SS Das Reich. Le 3 août dernier, ils se sont retrouvés dans les Vosges, sur la ligne de front d’il y a 100 ans, au Hartmannswillerkopf pour commémorer le début de ce qui allait être la plus grande boucherie de l’histoire de l’humanité.

Hier, François Hollande s’est rendu seul au mémorial de Notre-Dame-de-Lorette pour rendre hommage aux soldats tombés sur le champ de bataille. - Lucien Manshanden

Cependant, ces ennemis héréditaires aujourd’hui réconciliés et unis ne doivent pas uniquement se souvenir. Ils ont le devoir d’agir. En effet, les conflits n’ont pas quitté le continent et la guerre fait rage aux frontières de l’Europe. Alors que le 6 juin 2014, lors des commémorations du débarquement, François Hollande et Angela Merkel ont réussi à créer les conditions favorables à une entrevue entre le président russe, Vladimir Poutine, et le président ukrainien récemment élu, Petro Porochenko. Cette entrevue fut le début d’un dialogue entre les deux partis, laissant entrevoir une issue diplomatique. Pourtant, le conflit se poursuit dans l’Est de l’Ukraine entre les partisans de Kiev et les séparatistes pro-russes. Il faut renforcer notre médiation pour trouver une solution à un conflit d’influences. Ce n’est pourtant pas l’unique conflit qui menace le continent.

La poudrière des Balkans

Les représentants des puissances qui ont participé au premier conflit mondial se sont retrouvés lors des initiatives artistiques et culturelles qui ont fait de Sarajevo, capitale de la Bosnie-Herzégovine, le « cœur de l’Europe » du 21 juin au 2 juillet. Point d’orgue de ces célébrations, commémorant le centenaire de l’assassinat de l’archiduc François Ferdinand, élément déclencheur de la Première Guerre mondiale, un concert fut donné par l’orchestre philharmonique de Vienne, le samedi 28 juin, dans la Vijecnica, l’ancienne mairie et bibliothèque nationale détruite pendant la siège de Sarajevo et rouverte le 9 mai 2014.

Cependant, lors de la prise de décision en 2011 d’organiser de pareils événements à Sarajevo, les avis étaient partagés. En effet, les tensions qui minent encore aujourd’hui la région ne se sont pas effacées. Les nationalismes y sont toujours exacerbés par le souvenir du conflit qui a conduit à la chute de la Yougoslavie. Mémoire et histoire nationales, impunité pour les criminels de guerre, discours actuels ravivant la flamme nationaliste sont aujourd’hui les ingrédients d’un dangereux cocktail.

Les cérémonies sarajéviennes auraient du être l’occasion de dialogues renforcés sous l’arbitrage de l’Union européenne, qui séduit plusieurs Etats balkaniques déjà candidats à l’entrée dans l’Union. Qu’en est-il aujourd’hui de la pacification durable de cette région ? Silence radio.

Placer l’Union européenne au centre des commémorations

Le projet européen, incarné aujourd’hui par l’Union européenne, est considéré comme l’artisan de la paix sur le vieux continent. Par essence pacifiste et universel, le projet européen a été récompensé en 2012 par le prix Nobel de la paix, récompensant les décennies de paix que l’idée européenne, puis sa mise en pratique, à apporter au continent.

Aujourd’hui, ce projet est critiqué. L’Union européenne est un produit inachevé, imparfait, peu fonctionnel. Cependant, faut-il pour autant remettre en cause le projet européen, voire l’idée européenne ? Non, il faut le réinventer. Un nouveau projet, comme nouvel élan, doit émerger de la société civile européenne. Pour la créer et pour la souder, il faut donner aux commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale une dimension européenne, non en alignant les chefs d’Etat des Etats-nations qui ont fait de l’Europe la terre d’un carnage, mais en plaçant au centre des commémorations les représentants de l’Union européenne, même si elle demeure inachevée et imparfaite, de l’incarnation actuelle du projet européen. En donnant un visage à l’Union européenne et en créant une société civile européenne, dépassant les cadres nationaux, coupant court aux discours nationalistes, nous créerons l’espace de la démocratie européenne, une démocratie qui réinventera le projet européen avec ses citoyens.

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Vos commentaires
  • Le 12 novembre 2014 à 15:24, par Lacassin En réponse à : De l’importance de commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale dans une dimension européenne et pacifique

    Magnifique illustration, j’en ai presque un petit coup de Heimweh !

  • Le 13 novembre 2014 à 11:00, par Jean-Luc Lefèvre En réponse à : De l’importance de commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale dans une dimension européenne et pacifique

    Dépasser la dimension nationale pour inscrire ces commémorations dans une perspective européenne ? Comment ne pas souscrire à cette opinion. Quelques bémols quand même. Le premier : comment s’y prendre pour convaincre la R.F.A. de s’aligner sur la date du 11 novembre qui ne représente rien pour elle ? Le second, dans le droit fil du premier : comment faire admettre dans tous les pays l’idée que le 11 novembre ne constituait qu’un « Armistice », et les convaincre d’une réalité historique : à la fin de la première guerre, les troupes allemandes sont rentrées en Allemagne dans l’ordre et la discipline, pas dans la débande ? Un troisième : comment en convaincre d’autres, qui me sont très proches culturellement, que les commémorations ne peuvent en aucune manière être le prétexte à d’opportunistes récupérations politiques destinées à détourner l’attention de la politique intérieure ?

    Au-delà des déclarations d’intention, il convient donc aussi de baliser un chemin. Comment faire de ces commémorations un évènement qui, non content de raviver la flamme du passé, entretient aussi celle du présent et de l’avenir d’un continent qui a tourné le dos aux ego qui ont conduit à la première guerre ? Si ces commémorations ne servent toujours qu’à entretenir ces ego, elles ne serviront à rien parce que sans autre portée que nostalgique. Et dans ces conditions, quand les chaînons de la mémoire se seront cassés, comme de ces batailles de l’Histoire, tous auront oublié. Est-ce cela que l’on veut ?

  • Le 13 novembre 2014 à 11:38, par Hervé Moritz En réponse à : De l’importance de commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale dans une dimension européenne et pacifique

    En effet, il ne sera pas aisé de faire oeuvre de mémoire ensemble.

    Je ne suis pas convaincu qu’il faille aligner les pays européens sur la date du 11 novembre. Nous pouvons proposer une date commune, à la symbolique différente, celle de commémorer l’ensemble des victimes et de célébrer la paix fragile que nous connaissons entre les Etats de l’Union. C’est par la célébration de la paix et de notre union que nous remplacerons les considérations nationales qui traversent bien souvent ces commémorations. Faire acte de mémoire ensemble, c’est aussi construire l’avenir ensemble.

    C’est par l’éducation que l’on réussira à écrire une histoire commune, des manuels franco-allemands et européens sont en cours de rédaction. Des travaux particulièrement intéressants.

  • Le 14 novembre 2014 à 16:39, par Bernard Giroud En réponse à : De l’importance de commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale dans une dimension européenne et pacifique

    La construction européenne doit rester œuvre active de paix ; subordonnée à la confiance et à l’amitié. Cette dernière doit permettre l’expression et même le partage réel des points de vue divergent entre nous.

    L’évidence c’est que nous nous en éloignons, aujourd’hui.

    Faire l’autruche n’est que perte de temps, et risque de rupture, une perte de temps considérable.

    Je suis de ceux qui juge légère et à courte vue, l’attitude de l’Allemagne et celle de son parti les’Grunen », dans leur position radicale antinucléaire. Ces derniers réagissent peu à la pollution des centrales à charbon lorsque cette-pollution se trouve sur la région parisienne.

    Non seulement nous ne pouvons rien faire de constructif dans ces conditions entre nous, mais disons-le, c’est une singulière attitude de défiance par rapport à un savoir faire, qui ne demande qu’a être amélioré. De plus il est stupide, voir même dangereux, que la région du monde la plus avancée en la matière, ne continue pas résolument à augmenter ce savoir faire et ses sécurités. Le bénéfice en profite à tous, toutes énergies comprises.

    Je ne suis pas fier, en tant qu’européen, de cette mise à l’index et ce rejet aussi catégorique de l’autre ; Nos amis Allemands, pleins de bon sens, doivent en prendre conscience, pour une meilleure sécurité énergétique commune.

    Des amis peuvent se parler ainsi. Cela n’enlève rien, je le répète, à d’autres solides qualités éminemment respectables.

    (PS : L’Agence internationale de l’énergie s’inquiète d’un moindre recours au nucléaire dans son rapport annuel, publié mercredi 9 novembre)

  • Le 14 novembre 2014 à 16:51, par Bernard Giroud En réponse à : De l’importance de commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale dans une dimension européenne et pacifique

    La construction européenne doit rester œuvre active de paix ; subordonnée à la confiance et à l’amitié. Cette dernière doit permettre l’expression et même le partage réel des points de vue divergent entre nous.

    L’évidence c’est que nous n’en sommes pas là, aujourd’hui. Faire l’autruche n’est que perte de temps, et risque de rupture.

    Je suis de ceux qui juge légère et à courte vue, l’attitude de l’Allemagne et celle de son parti les’Grunen », dans leur position radicale antinucléaire. Ces derniers réagissent peu à la pollution des centrales à charbon lorsque cette-pollution se trouve sur la région parisienne ? Non seulement nous ne pouvons rien faire de constructif dans ces conditions entre nous, mais disons-le, c’est une singulière attitude de défiance par rapport à un savoir faire, qui ne demande qu’a être amélioré. De plus il est stupide, voir même dangereux, que la région du monde la plus développée en la matière, ne continue pas résolument à augmenter ce savoir faire et ses sécurités. Le bénéfice en profite à tous, toutes énergies comprises.

    Il n’y a pas de quoi être fier, en tant qu’européen, de cette mise à l’index et de ce rejet aussi catégorique de l’autre ; Nos amis Allemands, plein de bon sens, peuvent en prendre conscience, pour une meilleure sécurité énergétique commune.

    Parler ainsi, entre amis, n’enlève rien à d’autres solides qualités éminemment respectables.

    PS : L’Agence internationale de l’énergie s’inquiète d’un moindre recours au nucléaire dans son rapport annuel, publié mercredi 9 novembre

  • Le 14 novembre 2014 à 17:33, par Shaft En réponse à : De l’importance de commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale dans une dimension européenne et pacifique

    Monsieur Moritz

    Je tiens à vous rappeler un fait que la plupart des pro-Européens ignorent ou , pour certains, font semblant d’ignorer. C’est la paix qui a permis de faire l’Europe.Ce n’est pas l’Europe qui a permis la paix,elle l’a simplement circoncis au continent tandis que le reste du monde s’embrase

  • Le 15 novembre 2014 à 20:55, par Jean-Luc Lefèvre En réponse à : De l’importance de commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale dans une dimension européenne et pacifique

    L’Europe, fille de la paix ? Elle s’est construite, patiemment, c’est vrai, en période de paix. Une période de paix dont seuls bénéficiaient les Européens de l’Ouest ! Vivaient-ils en « paix » les autres Européens, ceux de l’est, confrontés aux agressions de l’URSS ? Du seul fait qu’elle se soit construite en période de paix pour une partie du continent n’autorise pas d’affirmer qu’elle soit fille de la paix retrouvée. Elle est fille de la guerre honnie, la guerre chaude, mais aussi la guerre froide que les plus jeunes ont tendance à oublier. Autre chose : si l’Europe n’a pas permis la paix ( à Chypre, en Irlande du nord), elle a empêché la guerre sur le continent. Pour la première fois depuis toujours. Shaft me fait penser à ceux qui apprécient cracher dans la soupe qui les nourrit : par snobisme ? pour se fondre dans l’air du temps ? J’en cherche les raisons !

  • Le 17 novembre 2014 à 07:56, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : De l’importance de commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale dans une dimension européenne et pacifique

    @Shaft : ce que vous dites procède d’une mauvaise compréhension des enjeux. La paix c’est l’impossibilité de la guerre ce n’est pas l’absence de guerre. Les guerres qui ont déchirées l’Europe ai sièclme dernier ont été les fruits du nationalisme, idéologie qui dresse des barrières étatiques entre les peuples et les dresse fatalement les uns contre les autres dès lors qu’elle implique pour promouvoir l’allégeance des individus à l’État de de les différencier des autres individus et de les rejetter. Cette vision idéologique et artificielle d’une humanité divisée en États-nations mène à la confrontation. En s’unissant dans la perspective à terme d’une fédération européenne on affirme au contraire que les peuples européens n’ont pas vocation à s’affronter mais qu’un vivre ensemble en partageant des lois communes. En intégrant certaines politiques qui relevaient exclusivement des appareils étatiques et en construisant progressivement un ordre politique démocratique autonome des État on construit la paix.

  • Le 17 novembre 2014 à 23:11, par Shaft En réponse à : De l’importance de commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale dans une dimension européenne et pacifique

    Jean-Luc

    Quand je parle de la paix en Europe, je pense à celle qui fait que les pays d’Europe de l’Ouest font leurs petites affaires entre eux. Votre paix inter-Etats n’empêche pas la guerre contre les peuples en tant qu’entités, en tant qu’acteurs de leur destin. LEurope, c’est la paix donc abandonnez votre protection sociale. Je crache dans la soupe selon vous ? Mais je n’en veux pas de cette soupe !Mais comme tous ceux qui vivent en Europe, on m’oblige à en manger parce qu’on n veut rien mettre d’autre sur la table.

    Valéry-Xavier

    Votre paix n’est qu’une illusion aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union. Si il y a vraiment paix, pourquoi désigne t-on des enenmis de l’Europe comme les Grecs dépensiers ou les Français ignorants et nationalisme ?Pourquoi assimiler un élan patriotique en réaction nationaliste ?Pourquoi destabiliser un pays parce que son président refuse un accord de coopération ? Pourquoi faire pression sur des pays non membres pour qu’ils acceptent des accords billatéraux ?

    Je persiste à penser que l’Europe bâtie sur l’économie plus que sur la politique ne peut représenter la paix parce qu’elle défend la concurrence libre et non faussée

  • Le 18 novembre 2014 à 12:23, par Jean-Luc Lefèvre En réponse à : De l’importance de commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale dans une dimension européenne et pacifique

    « Faire ses petites affaires entre eux », telle serait à vos yeux est la tare de l’Europe de l’ouest ! Mais que font les U.S.A., que fait la Russie, que fait la Chin e...que font tous les états - nations, sinon « faire leurs petites affaires » pour eux et, surtout, contre tous les autres peuples !!! Comme si leur petite popote était plus morale que celle de l’Union ? comme si, réduite à l’Hexagone, la France pouvait les en empêcher ? comme si la France elle-même ne faisait pas « sa » popote en Afrique où elle a tant d’intérêts via Areva et d’autres ?

    A force de regarder dans le rétro - viseur de l’Histoire, Shaft ne crache peut-être pas dans une soupe trop amère pour lui, mais il prépare, c’est certain, un brouet pire encore pour ses enfants. Ils seront français, fiers de l’être, mais n’occuperont plus aucune place sur l’échiquier international. Ils seront à la merci des investisseurs venus d’ailleurs, qatari, chinois...et, peut-être acculés, comme d’aucuns l’ont déjà suggéré, à s’expatrier de leur paradis retourné à la jachère.

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