Chère génération Erasmus, si tu es là, fais que l’on t’écoute

, par Michele Ballerin, traduit par Robin Alves

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Chère génération Erasmus, si tu es là, fais que l'on t'écoute
Le film franco-espagnol, l’Auberge espagnole, dresse le portrait de la génération Erasmus. Aujourd’hui, certains aimeraient la voir réinventer le projet européen. - Wiki

Dans une tribune qui a fait sensation en Italie et dans la presse européenne, Michele Ballerin appelle la génération Erasmus à se lever contre le rétablissement des frontières et à défendre Schengen en prenant en main le projet européen.

L’année 2016 n’a pas bien commencé. Si l’année 2015 nous avait habitué à l’urgence permanente, la nouvelle année semble nous inviter à nous visser un casque sur la tête une nouvelle fois et nous tenir prêt à toute éventualité. Si l’Europe était un village médiéval, ses habitants seraient assourdis par les cloches appelant quotidiennement aux armes.

Mais, peu d’espace existe pour les blagues. La cloche de Schengen est spécifique parce que si elle met en discussion la libre circulation des personnes et la restauration des frontières intérieures, nous perdrons non seulement un accord entre les Etats, mais aussi le sens même du projet européen. Nous devrions considérer Schengen comme l’ultime tranchée, le dernier bastion où l’européanisme peut encore espérer résister au flux des souverainetés nationales. Cassant cela, la boîte de Pandore du nationalisme sera découverte à nouveau et la mauvaise conscience qui gouverne aujourd’hui le destin des européennes n’aura plus de cachettes. 

Malheureusement, nous ne faisons pas référence à une hypothèse, mais à un fait. Les frontières se ferment. Un douloureux tweet de Fabrizio Barca nous a interpellé, se lamentant amèrement de se retrouver dans une file d’attente à la frontière française pour un contrôle d’identité. Cette part d’amertume, nous la partageons ensemble car nous comprenant la conquête qu’a représenté pour les Européens l’abolition des frontières sur le continent le plus belliqueux de l’histoire. 

Il ne faut pas être un génie pour voir comment la restauration des frontières intérieures est la réponse la plus stupide qui peut-être donnée à l’urgence de l’immigration. Il n’existait pas de stratagème plus efficace que l’histoire pensait concevoir pour mettre sous tension le système européen. Telle que d’autres urgences mondiales, et plus encore, l’immigration de masse est faite pour contrecarrer instantanément toutes les tentatives d’autonomie nationale, à moins qu’il soit décidé de larguer le projet d’intégration européenne avec l’ensemble de ses réalisations.

Le choix est aux mains des gouvernements. Il y a une alternative qui peut-être privilégiée, et ce dès maintenant : le partage de ressources pour doter l’Union européenne de frontières extérieures et pour les contrôler. D’autre part, une réforme institutionnelle est nécessaire pour le faire, si possible en se retirant du carcan du Traité de Lisbonne et en dotant l’Eurozone d’un gouvernement fédéral avec son propre budget et sa propre politique extérieure. Parce qu’on ne cesse jamais de le répéter, il n’existe pas de « solution » à l’accroissement de migrants qui ne passe pas par une stratégie de coopération avec leur pays d’origine. Et il n’existe pas de coopération possible si d’un côté de la table, ne s’assoie pas un gouvernement européen unique. 

L’autre option, le démantèlement de l’acquis communautaire auquel nous assistons, ne représente même pas une esquisse de solution, mais un miroir dans lequel les gouvernements nationaux reflètent leur propre impuissance. Ni calcul, ni méchanceté : seulement maladresse et manque de vision. En fait, le manque d’une politique, d’une politique européenne.

Qui payera cette myopie, ça sera vous, chères jeunes de la génération Erasmus. Cette file d’attente à la frontière française papiers en main est le piège dans lequel la stupidité d’une génération, l’actuelle classe dirigeante européenne est en train d’entourer votre avenir. Et je crois qu’est venue pour vous, l’heure de vous faire écouter. Quand quelqu’un souhaite vous enfermez dans une prison sans vous soumettre à un procès régulier, il ne s’agit pas de justice, mais d’abus. Et aux abus, il est légitime de se rebeller. Depuis les prisons, les innocents doivent fuir. Pour cela, je me sens d’humeur de vous inviter à organiser une évasion massive. Pour l’organiser, c’est à vous de décider. Mais, il faut que cela soit le plus bruyant possible. Que cela soit le fruit d’une génération entière affirmant son propre droit à l’avenir, de dire au monde dans les termes les plus explicites que le vieux empereur n’a pas de vêtements et s’il n’en changent pas, la politique sera déposée. 

Chers Erasmus, faites quelque chose ! Descendez sur les places avec le seul drapeau européen. Mettez vous en file devant la frontière française, allemande ou autrichienne sans papiers, laissez vous détenir et ficher. Les jeunes fédéralistes le faisaient dans les années 1970 quand Schengen était seulement sous auspice et un espoir incertain. Formez une file interminable de jeunes européens intentionnés à ne pas être rejetés. On ne peut pas arrêter une génération entière. L’Europe est la vôtre, personne d’autres que vous ne possédez ce droit. Prenez le et découvrez que personne n’osera vous arrêter.

Retrouvez cette tribune en ligne en italien.

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