Changements en série parmi les exécutifs européens

Une mini-série sur les mutations politiques en Europe : épisode 4

, par Thomas Arnaldi

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Changements en série parmi les exécutifs européens
Klaus Iohannis, Président de Roumanie, au Conseil européen des 22 et 23 juin 2017 CC Flickr / Conseil européen

Depuis le début de l’année 2017, on ne compte plus les démissions, élections déterminantes et/ou anticipées qui façonnent les têtes des exécutifs européens. Pour y voir plus clair, le Taurillon revient, avec une mini-série d’articles, sur six mois de changements politiques intenses dans l’Union Européenne.

Aujourd’hui, nous analysons la Roumanie en crise et tirons les perspectives des prochaines élections en Europe.

Roumanie : éviction du Premier ministre

Dans un pays où la corruption ronge une partie de la classe politique, malgré les efforts constatés objectivement depuis l’entrée dans l’UE en 2007, toute tentative de contrer l’ordre établi peut réveiller de sérieuses frictions. Sorin Grindeanu en a fait les frais, évincé du parti social-démocrate et de la tête du gouvernement.

En décembre dernier, les sociaux-démocrates gagnent les élections législatives et reprennent le pouvoir. Sur fond de corruption d’une partie de la classe politique et de volonté de transparence, le Président de centre-droit, Klaus Iohannis refuse cependant de nommer Premier ministre leur chef de file : le chef du parti social-démocrate, Liviu Dragnea, a en effet déjà été condamné par la justice pour fraude électorale. Après différentes tergiversations, c’est finalement Sorin Grindeanu qui est nommé Premier ministre au tout début du mois de janvier 2017.

Or, le gouvernement fait face à des manifestations historiques sans précédent en février. Pendant trois semaines, la société civile se mobilise contre la corruption au pouvoir. Accusé de laxisme sur des ordonnances de dépénalisation qui visent à changer la loi pénale pour éviter de nouveaux procès parmi les membres du parti, le gouvernement recule. Le ministre de la justice doit même démissionner face à la pression de la rue, inédite. A peine plus d’un mois après son arrivée au pouvoir, le gouvernement essuie une motion de censure de la part du Parlement qui échoue.

La situation se calme peu à peu jusqu’en juin 2017. Le Premier ministre Sorin Grindeanu perd effectivement la confiance de son parti et en est même exclu, officiellement pour ne pas avoir suivi le programme du parti. Mercredi 21 juin, une motion de censure est votée au Parlement, évinçant le Premier ministre. Son gouvernement aura tenu moins de six mois. Dans l’ombre, il s’agit d’un limogeage effectué par le puissant mais contesté chef de file des sociaux-démocrates, Liviu Dragnea.

Mihai Tudose, juriste de 50 ans et réputé proche du chef de file des sociaux-démocrates, est alors choisi par le parti pour devenir Premier ministre. L’opposition n’arrivant pas à s’unir et face à la « gravité de la crise » politique selon les mots du Président, Klaus Iohannis le nomme officiellement le 26 juin Premier ministre. Avec la confiance du Parlement votée le 27 juin, l’ancien ministre de l’économie désormais chef du gouvernement est toutefois soupçonné de n’être que l’exécutant du charismatique chef du parti. Comme un avertissement, plusieurs milliers de personnes manifestaient Place de la victoire à Bucarest dimanche 2 juillet au soir. En effet, le nouveau Premier ministre et son gouvernement qui n’a presque pas changé, ont d’ores et déjà annoncé qu’ils démissionneraient si Liviu Dragnea revenait au pouvoir, malgré sa condamnation qui lui interdit d’exercer cette responsabilité. La lutte contre la corruption sera donc au cœur de l’évaluation de l’efficacité du gouvernement par la société civile.

Et maintenant ?

La politique européenne s’annonce également captivante pour la fin de l’année. Outre les législatives fédérales allemandes qui inaugureront l’automne, les élections législatives en Autriche, en République Tchèque et l’élection présidentielle en Slovénie ponctueront cette « super-année électorale ». La France poursuit également son hyper-année électorale avec la préparation des sénatoriales de septembre. Au final, des élections décisives auront eu lieu dans près de la moitié des pays de l’Union européenne.

Le gouvernement italien fragilisé depuis l’échec du référendum constitutionnel du 3 décembre 2016, n’arrive en revanche pas encore à se mettre d’accord sur une loi électorale. Des élections législatives anticipées ont donc été exclues, permettant de laisser plus de temps aux parlementaires de se décider. Le début de l’année 2018 sera donc un tournant pour l’avenir du pays.

Pour les pays du groupe de Visegrad, le Président hongrois Janos Ader (indépendant, soutenu par Victor Orban) a été reconduit au pouvoir au mois de mars. La dérive autoritaire de Victor Orban laisse peu de place à l’instabilité politique, malgré les grandes manifestations étudiantes en soutien de l’Université d’études européennes du centre de Budapest CEU, gérée par l’Américain Soros. Fraichement (ré)élus en 2016 et en 2015, Robert Fico en Slovaquie et Beata Szydlo en Pologne, continuent d’appliquer leur programme ambivalent sur fonds de croissance économique, conservatisme social et populisme identitaire.

Dans les pays scandinaves, l’extrême-droite de la coalition au pouvoir en Finlande est discréditée. Le Premier ministre centriste, Juha Sipilä, s’est séparé à la mi-juin de leur parti, les Vrais-Finlandais. Profondément divisés sur l’opportunité de faire partie du gouvernement, le parti d’extrême-droite est en pleine crise et implose : une majorité de ses membres quitte la formation et continuera de soutenir le gouvernement de Juha Sipilä, tandis qu’une partie plus populiste aux propos identitaires et racistes retourne dans l’opposition. L’élection présidentielle se prépare pour janvier et février prochains. On attend également les législatives suédoises pour la deuxième moitié de 2018 dans un pays où la social-démocratie résiste plutôt bien mais où les extrêmes progressent.

Dans la région baltique, après les élections lituaniennes de 2016, les conservateurs étaient revenus au pouvoir dans ce pays où alternent traditionnellement la gauche et la droite aux élections. L’Estonie a également pris la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne depuis le 1er juillet. Pour le tout jeune Premier ministre Jüri Ratas, au pouvoir depuis l’automne, le Brexit, la nouvelle directive sur les travailleurs détachés et l’Europe du numérique seront au cœur des discussions durant sa présidence au Conseil de l’UE.

Au sein du Conseil européen, les visages ont donc bien changé depuis septembre. Même si toujours aucune femme n’y a fait son entrée depuis un an – Angela Merkel (Allemagne), Dalia Grybauskaité (Lituanie), Beata Szydlo (Pologne) et Theresa May (Royaume-Uni) y sont seules face à 24 hommes chef d’Etat ou de gouvernement et 2 Présidents d’institutions européennes – de jeunes visages y ont pris place. Les Premier ministres maltais, irlandais, estonien et le Président français y ont moins de 40 ans et insufflent un nouvel élan à la construction européenne.

Calendrier électoral
Allemagne 12 février Présidentielle : la Bundesversammlung élit le Président fédéral, Frank-Walter Steinmeier
Irlande du Nord 2 mars Législatives régionales : les nationalistes et les unionistes n’arrivent pas à former un gouvernement
Hongrie 13 mars Présidentielle : l’Assemblée nationale de Hongrie reconduit Janos Ader (indépendant, soutenu par Victor Orban) au poste de Président de la République
Pays-Bas 15 mars Législatives : Wilders échoue lors de sa conquête du pouvoir, Mark Rutte peut former un nouveau gouvernement pro-européen
Bulgarie 26 mars Législatives : Boïko Borissov et les conservateurs reprennent le pouvoir
France 30 avril et 7 mai Présidentielles : Emmanuel Macron fait imploser le système des partis politiques et devient Président de la République
Malte 3 juin Législatives : Joseph Muscat remporte les élections législatives anticipées
Royaume-Uni 8 juin Législatives : Theresa May perd sa majorité absolue
France 11 et 18 juin Législatives : une abstention record et une majorité absolue pour Macron
À venir :
France 24 septembre Sénatoriales : la moitié du Sénat sera renouvelée
Allemagne 24 septembre Législatives : élections fédérales pour renouveler le Bundestag. Angela Merkel et Martin Schulz concourent pour le poste de Chancelier fédéral
Autriche 15 octobre Législatives : élections fédérales anticipées pour renouveler le Nationalrat (Conseil national, équivalent de l’Assemblée nationale)
République Tchèque 20 octobre Législatives : le populisme gagne toujours du terrain en la personne d’Andrej Babis, considéré comme le Berlusconi tchèque
Slovénie décembre Présidentielle
Et en 2018 :
République Tchèque janvier 2018 Présidentielle
Finlande 28 janvier et 11 février 2018 Présidentielle
Chypre février 2018 Présidentielle
Italie avant mai 2018 Législatives
Luxembourg juin 2018 Législatives
Chypre du Nord juillet 2018 Législatives régionales
Suède 9 septembre 2018 Législatives
Irlande octobre 2018 Présidentielle
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