Avenir de l’Europe

Sylvie Goulard : « Chapeau bas à Angela Merkel »

, par Fabien Cazenave

Sylvie Goulard : « Chapeau bas à Angela Merkel »

Après le sommet européen du 21 et 22 juin 2007, Sylvie Goulard, présidente du Mouvement Européen France, revient avec nous sur les points importants...

Le Taurillon : La manière dont s’est passé le dernier Sommet européen laisse un goût amer dans la bouche de plus d’un pro-européen... Quelles sont vos impressions après ce sommet de « sortie de crise » ?

Sylvie Goulard : Chapeau bas à Angela Merkel qui a mené cette négociation difficile avec sang froid et professionnalisme. Un accord a été trouvé qui préserve largement la substance du traité constitutionnel. Tous les Etats membres l’ont agréé. C’est un grand succès que nous devons apprécier comme tel. Imaginez ce qu’auraient été les commentaires en cas contraire, à juste titre d’ailleurs ! Et il y a encore peu de temps, la solution de la crise était considérée comme la quadrature du cercle avec 18 pays qui avaient adopté la Constitution, 2 qui l’avaient rejetée et 7 qui se cachaient derrière ces derniers.

Chapeau bas à Angela Merkel

Naturellement, l’atmosphère a été déplaisante, comme on pouvait s’y attendre, les discussions intergouvernementales favorisent la dramatisation. Certaines revendications, notamment celles de la Pologne dénonçant le risque d’ « hégémonie allemande » ou réclamant un poids renforcé du fait des morts de la seconde guerre mondiale (sic), étaient déplacées. Celles de la Grande-Bretagne, prisonnière de sa presse outrancière, l’étaient à peine moins, venant d’un pays qui avait obtenu tant de concessions de ses partenaires durant la Convention. Mais l’essentiel, c’est le résultat. Si l’élection de Nicolas Sarkozy qui, dés septembre 2006, a pris ses responsabilités en appelant à l’adoption, par voie parlementaire, d’un traité n’ayant pas de caractère constitutionnel, a joué un rôle important dans la sortie de crise, le mérite du succès revient avant tout à la Présidence allemande qui a eu la charge de dénouer tous les fils de cet écheveau complexe.

Avec une pointe d’impertinence, j’ajouterais que, contrairement à ce que certains souverainistes ont longtemps prétendu pour réveiller des peurs liées au passé, « vive l’Europe à l’allemande » ! Ce pays a une fois encore démontré sa capacité à être le plus grand, à tous les sens du terme.

Le Taurillon : Si vous vous mettiez à la place d’une citoyenne seulement informée par les journaux télévisés, que retiendriez-vous de ce sommet européen ? Pensez-vous que les citoyens aient été plus informés des enjeux du sommet ou de la politique intérieure française cette semaine ?

Sylvie Goulard : Business as usual… Et c’est un peu consternant. Malheureusement, on a plus parlé des outrances verbales polonaises, des menaces britanniques ou de ce que les commentateurs français considéraient être le rôle des Français que des contributions importantes de la Présidence ou d’autres acteurs, comme Jean-Claude Junker par exemple. A la télévision, le Conseil a été évoqué après des questions de politique intérieure. Une chaîne publique a même parlé au journal de 20 heures vendredi du « conseil de sécurité »… Mieux vaut en rire.

Une chaîne publique a même parlé au journal de 20 heures vendredi du « conseil de sécurité »…

Je tiens à faire remarquer que, parmi les nouveaux Etats membres, un seul a créé des problèmes ; la plupart de nos partenaires jouent remarquablement le jeu européen. On aurait pu le dire aux citoyens. Cela aurait changé agréablement des critiques habituelles contre l’élargissement. Mais il faut aussi comprendre les contraintes des journalistes : faire des émissions sur des discussions à huis clos, tournant autour de textes complexes, n’est guère facile, surtout pour les radios et TV. Sur le web, le projet de mandat a circulé assez vite et bien des blogs donnent des détails des discussions qui semblent tout à fait bien documentés.

Le Taurillon : La Charte des Droits Fondamentaux a enfin une force contraignante (sauf pour le Royaume-Uni) mais est mise en annexe. La concurrence libre et non faussée disparaît du texte mais reste appliquée juridiquement. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Sylvie Goulard : Je ferais une différence entre ces deux points. L’essentiel est, pour la Charte, d’avoir obtenu qu’elle ait un caractère contraignant dans 26 pays. Si le Royaume-Uni n’en veut pas, c’est son problème. A terme, il finira par se sentir un peu seul de n’être ni dans l’Euro, ni dans Schengen, ni dans l’espace de valeurs communes. Cette attitude ne renforcera pas son leadership mais il y a tant de courants qui, en Grande-Bretagne, réclament la sortie de ce pays de l’UE que finalement, c’est peut-être la conséquence logique de son positionnement. Notons que c’est triste pour le pays qui a inventé l’habeas corpus.

S’agissant de la concurrence, j’espère bien que la première des politiques de l’UE ne se trouvera pas atteinte car les partisans du non ont émis en 2005, des critiques totalement infondées ! Quoiqu’ils en disent, la concurrence libre et non faussée possède un caractère social :
 elle permet d’empêcher la constitution de cartels, défavorables aux consommateurs et aux PME ;
 elle veille au bon emploi des fonds publics qui ne doivent pas être dilapidés en aides distribuées à des entreprises vouées à disparaître ;
 elle a permis aux Européens de tenir tête à des entreprises aussi puissantes que General Electric ou Microsoft ;
 il aurait mieux valu faire la pédagogie de ses avantages que de céder sur ce point. Mario Monti savait le faire et est encore monté au créneau pendant le sommet. La Commission actuelle est malheureusement muette.

Naturellement, la concurrence n’est pas en soi le seul objectif de l’Europe mais elle contribue grandement à notre prospérité. Au lieu de la miner de l’intérieur, appliquons la avec discernement. Le maintien de services d’intérêt général de qualité, par exemple, est important mais les contribuables ont le droit de savoir ce que ces services coûtent et là, la concurrence est un aiguillon ; des compléments pourraient lui être apportés, par exemple une politique de développement de certaines branches industrielles stratégiques, notamment via une politique de recherche plus active.

En tout état de cause, le conseil européen n’est pas le lieu approprié pour aborder des questions aussi délicates. Le résultat donne l’impression d’un « coup politique » plus que d’une réflexion approfondie. Un débat public, confrontant experts et citoyens, est nécessaire, surtout dans un pays aussi rétif à la concurrence que la France. Un effort pédagogique doit être accompli ; le Mouvement européen cherchera à y contribuer dans les mois à venir.

Le Taurillon : Quelles sont désormais les perspectives de l’Union européenne d’ici la présidence française de fin 2008 ?

Sylvie Goulard : Si tout se passe bien, la CIG, limitée à une mise en forme technique, devrait conclure ses travaux d’ici fin 2007 pour des ratifications achevées en 2009. Gordon Brown a promis d’éviter le référendum. En 2008, le sujet majeur sera la négociation budgétaire. Là, les Polonais risquent de regretter leurs outrances à l’égard de l’Allemagne…

Illustration : photographie de Sylvie Goulard sur son blog.

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Vos commentaires
  • Le 29 juin 2007 à 11:04, par Ronan En réponse à : Sylvie Goulard : « Chapeau bas à Angela Merkel »

    Juste vous dire que je suis très perplexe quant au titre de cet article. Franchement, quelle est la priorité du moment ?!

    Est-ce vraiment donner du ’’chapeau bas’’ à Angéla Merkel pour sa participation "éclairée" au dernier sommet (et pour avoir contribuer à arracher l’accord "croupion" que l’on sait...) ?!

    Ou plutôt de s’inquiéter de l’épouvantable ’’bouse’’ que nous ont pondu nos chefs d’Etats et de gouvernements ?! (et de la suite des opérations...).

    PS : Il semblerait que le gouvernement polonais ait déjà, au retour à Varsovie de sa délégation ’’européenne’’, dénoncé l’accord survenu le week-end dernier et ait déjà unilatéralement retiré sa signature de celui-ci. Auquel cas, autant dire qu’il est déjà mort, le bel accord dont certains d’entre nous se ’’félicitent’’...

    Suis très étonné que personne n’en parle. Et suis également étonné que - dans un tel contexte - il semblerait apparemment qu’au « Mouvement Européen » l’heure soit davantage à l’autocongratulation et l’autosatisfaction hative qu’à l’inquiétude légitime. Une situation où, pourtant, il me semble que l’inquiétude et l’indignation devraient vraiment prévaloir sur toute autre chose...

  • Le 29 juin 2007 à 11:59, par David Soldini En réponse à : Sylvie Goulard : « Chapeau bas à Angela Merkel »

    surprenante interview. Mme Goulard semble oublier la question, pourtant primordiale pour la société civile, de la méthode. Il me semble que du point de vue du Mouvement européen, ce Conseil doit être considéré comme une grave défaite. La défaite de la démocratie face à la diplomatie, la défaite de l’Europe des citoyens face à une Europe des Chefs d’Etats, la défaite d’une Europe du dialogue et du respect face à une Europe du marchandage, la défaite d’une Europe constitutionalisée face à une Europe zone de libre échange. Pas un mot à ce sujet. Un des principaux responsable de ce désastre est justement Mme Merkel que Mme Goulard couvre d’éloges. La méthode des « sherpas », odieusement anti-communautaire, est bien d’origine allemande. L’usine à gaz qui résulte de ce conseil ne résoudra aucuns des défis que l’Europe doit pourtant rapidement relever. Tous les européens sincères le savent, bien que certains se laissent facilement abuser par une rhétorique censée masquer une réalité bien triste. Que faire aujourd’hui ? dénoncer à sa juste mesure ce mauvais résultat et continuer à revendiquer, à l’instar d’une très large majorité de l’opinion publique française et européenne, que, malgrè ce qu’en pensent nos dirigeants, l’Europe a besoin, aujourd’hui plus qu’hier, d’une Constitution. Et que cette Constitution ne naitera jamais des discussions diplomatiques et secrètes, loins des citoyens.

  • Le 30 juin 2007 à 13:09, par ? En réponse à : Sylvie Goulard : « Chapeau bas à Angela Merkel »

    Bonjour

    Le pire dans cette histoire de traité simplifié, est que le Royaume Uni a une nouvelle fois tiré son épingle du jeu face à l’Europe contrairement à la France, la « bonne poire » de l’Union, en étant dispensé de la charte des droits fondamentaux... les français ont voté non au référendum, et c’est les britanniques qui obtiennent des dérogations ! Le monde à l’envers ! Les votes français et néerlandais auront bénéficié aux britanniques !

    La France n’obtient strictement rien ! Elle est désormais simplement condamnée à courber l’échine sous les coups de boutoir de la commission européenne et de la cour de justice européenne.

    Le fameux traité simplifié reprend tout ce que les français ont rejeté : personnalité juridique de l’union, président pour 30 mois, vote à la majorité qualifiée etc...

    Les Français ont une nouvelle fois été trahis par leurs politiques ! Bravo Sarkozy, chapeau l’artiste !

    Le seul espoir est en Pologne !

    Lisez l’excellent article de Paul Marie Coûteaux sur le lien joint à ce commentaire : « Ce que contient la constitution »

  • Le 1er juillet 2007 à 07:44, par Sylvie Goulard En réponse à : Sylvie Goulard : « Chapeau bas à Angela Merkel »

    En réponse à David Soldini : merci de votre réaction mais je demeure persuadée qu’il y a un temps pour chaque chose.

    Vos inquiétudes, quant à la méthode, sont fondées ; c’est pourquoi j’ai publié une tribune dans Le Monde, le 21 juin, qui critiquait la manière dont les négociations avaient repris. Par rapport à la Convention, la CIG est indubitablement une régression. Et les traités diplomatiques sont éloignés d’un texte fondamental politique dont nous aurions besoin.

    Mais les pro européens doivent aussi tenir compte de la réalité ; jusqu’à nouvel ordre, ce sont les gouvernements qui décident. Aussi, lorsque l’un d’entre eux fait preuve d’esprit communautaire et apporte une solution inespérée à un blocage majeur, il est bon de lui rendre hommage.

    Pour obtenir un retour en force de la société civile, nous devons exprimer des critiques constructives qui reconnaissent aussi les efforts de ceux qui, dans les équipes gouvernementales, étaient aussi déçus que nous de la faillite de la constitution et ont fait de leur mieux pour réparer les conséquence des référendums négatifs. Je crois aux logiques de rassemblement et non à l’enfermement des uns et des autres dans des catégories de « bons » et de « méchants » ; trop longtemps les fédéralistes se sont enfermés dans une intransigeance qui les a quelque peu coupés de la société. Cela me frappe lors de mes déplacements dans les régions. Pour convaincre des bienfaits de l’Europe intégrée, nous devons impérativement être capables de proposer des solutions exigeantes mais viables.

    Dans les moins à venir, pendant la CIG et la ratification, le Mouvement européen France fera le maximum, avec le Parlement national et en étroite liaison avec le PE, pour que la société civile soit impliquée et qu’un débat ait lieu. A nous de travailler avec tous les hommes et femmes de bonne volonté ; à nous de prouver aussi que nous avons quelque chose à apporter... Ce que le Taurillon fait avec talent, je l’admets volontiers. Aussi ferons-nous appel aux JEF pour réussir dans cette vaste tâche. D’où l’intérêt de ce dialogue entre nous.

  • Le 2 juillet 2007 à 16:55, par David Soldini En réponse à : « jusqu’à nouvel ordre, ce sont les gouvernements qui décident. »

    Justement, c’est là le cœur du problème. L’échec niçois avait poussé les Chefs d’Etats et de gouvernements à reconnaître l’impuissance de la méthode intergouvernementale et la nécessité d’engager un processus de réformes plus démocratique, la Convention, qui a finalement accouché d’une Constitution. Ce résultat était le fruit d’une évolution idéologique et politique qui avait fait prendre conscience aux principaux responsables politiques européens de deux réalités : la nécessité d’une Union politique et l’impossibilité de réaliser des réformes ambitieuses grâce à l’intergouvernementalisme.

    Depuis Nice, tous les gouvernants européens admettaient la nécessité d’une Constitution pour l’Europe. Ce n’est manifestement plus le cas et le document Merkel apparaît comme une véritable rupture par rapport à l’état d’esprit antérieur. Il semblerait en effet qu’à Bruxelles, tous le monde soit tombé d’accord pour dire que l’intergouvernementalisme permettait finalement de faire les réformes nécessaires, contrairement à ce qui avait été répété par ces mêmes dirigeants depuis plusieurs années. Ces mêmes dirigeants ont en outre rejeté l’idée de la nécessité d’une Constitution. Ils ont conclu un accord qui va clairement dans un sens opposé à celui souhaité par les européens en rejetant expressément tout ce qui fait de l’Union autre chose qu’une organisation internationale. Même la référence à la primauté des lois européennes disparaît, au profit d’une référence à la jurisprudence de la Cour (qui est naturellement susceptible d’évoluer, indépendamment de tout contrôle politique). Pas un mot sur la nécessité de débloquer la situation dans les domaines qui échappent aujourd’hui à la compétence européenne.

    Pendant la campagne référendaire, un des arguments des fédéralistes en faveur du texte était de considérer que ce dernier permettait finalement de faire naître une tension entre les tenants d’une Europe démocratique, représentés au sein de la Convention, et les tenants d’une Europe diplomatique, réunis au sein de la Conférence intergouvernementale. Il permettait justement que ce ne soit pas les gouvernements seuls qui décident, même si juridiquement ces derniers ont toujours gardé le dernier mot. Ce processus n’était évidemment possible que grâce à l’appui de certains gouvernements et n’avait pu naître que grâce au « miracle » de Laeken.

    Suite à l’échec de la Communauté européenne de défense, Altiero Spinelli écrivit à Jean Monnet que le temps des gouvernements européistes était terminé. Il fallait alors s’orienter vers une action politique différente. L’élan européen qui avait accompagné la reconstruction de l’Europe d’après guerre avait été stoppé net par le vote français. Les dirigeants qui assistaient à l’échec du projet d’union n’avaient plus la même volonté de dépasser la division de l’Europe en Etats nationaux. L’histoire lui a donné raison. Et il a fallut attendre l’élection directe du Parlement européen pour que, progressivement, la prise de conscience de la nécessité de fédérer l’Europe s’affirme de nouveau. Pendant ces longues années, l’action des fédéralistes n’a pas été vaine. Ils ont été les garants du véritable sens de la construction européenne et du message des pères fondateurs. Ils ont activement milité pour la démocratisation du système communautaire, et dés les années soixante ils ont attiré l’attention de l’opinion publique et de la classe politique européenne sur la nécessité de la monnaie unique. Par exemple, dès les années 60, à Bologne, vous pouviez acheter votre pain en euros, une monnaie émise par le Mouvement fédéraliste européen local.

    Dans les années 80, les fédéralistes, derrière Spinelli, ont milité pour que le Parlement européen fasse lui-même des propositions de réforme des traités. L’election directe du Parlement permettait en effet d’espérer dépasser la logique intergouvernementale puisqu’il représentait démocratiquement les peuples de l’Union. Malgré les échecs, la contribution des fédéralistes à l’évolution de l’Union a été considérable. Comme disait Spinelli, la justesse d’une idée ne dépend pas de son immédiate réalisation mais du fait qu’elle permet à des hommes de se relever après chaque défaite pour continuer le combat.

    La grande manifestation de Nice, pendant la CIG, et l’organisation du Forum de la société civile, piloté entre autre par le ME International, ont été la démonstration que l’idée fédéraliste était encore suffisamment forte pour motiver des dizaines de milliers de personnes à manifester en faveur d’une Constitution fédérale européenne. Les Chefs d’Etats ont finalement en partie plié à Laeken et ont décidé la convocation de la Convention qui était la reconnaissance de leur propre incapacité à réformer l’Union.

    Ainsi, contrairement à ce que vous écrivez, les fédéralistes ne se sont pas enfermés loin de la société. Ils ont en effet permis en réalité à ce que l’Union qui se construisait loin, très loin des citoyens, ressemble un peu plus à ce qu’elle devrait être. C’est l’Europe qui s’est construite loin des citoyens, ce sont les Chefs d’Etats et de gouvernements qui ont agi loin des citoyens ; les fédéralistes n’ont fait que dénoncer cette réalité. Et c’est ce que nous faisons encore aujourd’hui en dénonçant ces méthodes anti-démocratiques qui balaient, grâce à quelques pages négociées à la virgule près entre vingt sept représentants de gouvernements, le travail de centaines de représentants du peuple européen, le vote de plusieurs millions d’européens et l’engagement international de ces mêmes vingt sept Etats.

    Quand ces mêmes Chefs d’Etats, généralement mis au pied du mur, comme à Laeken, ont permis aux citoyens européens d’exister, les fédéralistes ont évidemment joué le jeu, en s’impliquant dés les premières réunions de la Convention et en essayant de structurer le débat au sein de cette dernière. Ils ont enfin essayé de débattre très tôt avec la société civile en France et en Europe pour soutenir le projet constitutionnel qui était pourtant largement insuffisant.

    Aujourd’hui, alors que l’Europe s’éloigne à nouveau des citoyens, et sans véritable espoir de retour, il faudrait que les fédéralistes applaudissent des deux mains pour faire preuve de réalisme ? Mais de quel réalisme ?

    L’Europe que l’on construit avec cette méthode n’est pas capable de résoudre les problèmes européens et mondiaux. Nous le savons. A force de dénaturer le projet européen en construisant un ersatz d’Europe nous dénaturons l’idée même aux yeux des citoyens. Le référendum français en a été la preuve la plus douloureuse. Ce qui est arrivé en France au terme « libéralisme » arrivera peut être un jour au mot « Europe », et nous pourrons n’en vouloir qu’à nous-mêmes. Car, et c’est peut être cela qu’il faudrait réaffirmer : pourquoi construisons nous l’Europe ?

    Pour les fédéralistes, la raison est claire : il s’agit du seul moyen pour éviter l’autodestruction de l’humanité et la disparition de la culture. Le fédéralisme n’est rien d’autre qu’un moyen pour faire revivre les valeurs humanistes qui ont permis l’essor de notre civilisation. Or, ces valeurs ne peuvent vivre sans démocratie. Aujourd’hui, le plus grand obstacle à l’affirmation d’une démocratie transnationale est constitué par les Etats nationaux. En ce sens, le sommet de Bruxelles est un calamiteux échec pour les démocrates car les Etats ont décidé de nouveau de reprendre la main. Cela est dans la logique des choses, sans doute. Néanmoins, vous n’en voudrait pas aux fédéralistes de ne pas s’enthousiasmer de cette défaite. Vous n’en voudrait pas aux fédéralistes de se démarquer encore des européistes qui se réjouissent de cette victoire à la Pyrrhus et de réaffirmer, encore, leur message : le monde a besoin d’Europe et l’Europe a besoin d’une Constitution.

    Cela ne veut naturellement pas dire que nous ne suivrons pas avec attention la CIG ou que les fédéralistes se retireront dans une belle et noble tour d’ivoire. Ce n’est pas la conception que nous nous faisons de la politique. Nous serons au côté des européens sincères pour essayer d’aboutir au moins mauvais résultat possible. Et nous continuerons à militer ardemment pour une véritable Constitution. Comme vous le savez sans doute, l’isolement doré ne fait pas partie des techniques politiques les plus efficaces et je doute que les fédéralistes soient dans cette logique. Mais se réjouir hypocritement d’une défaite ne fait pas non plus partie de notre héritage politique.

    Très amicalement, David Soldini Vice Président de l’UEF – France.

  • Le 3 juillet 2007 à 12:05, par Ronan En réponse à : « jusqu’à nouvel ordre, ce sont les gouvernements qui décident. »

    Et bien justement, c’est précisément cela qui ne va pas. Et c’est précisément cela qu’il faut changer d’urgence, sous peine de voir cette Union européenne - otage des égoïsmes nationaux - ne remplir aucune des ambitions qu’elle aura proclamé, ne remplir aucune des espérances qu’elle aura fait naître et - à terme - s’effondrer.

    Pardon, Mme Goulard, mais votre constat ’’froid’’ - « jusqu’à nouvel ordre, ce sont les gouvernements qui décident. » - ressemble par trop à de la résignation. Je pense que vous pouvez parfaitement comprendre que certains militants de l’Europe unie attendent un tout autre discours que l’on souhaiterait percutant, volontaire et incisif (revendicatif ?!).

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