SIDA/VIH : Que fait-on en Europe ?

, par Aristoménis Kanellopoulos

SIDA/VIH : Que fait-on en Europe ?

Dans le cadre de la journée mondiale de la lutte contre le SIDA, en partenariat avec le Sidaction, les Jeunes Européens – Bordeaux ont organisé le jeudi 2 décembre un café européen sur le thème du SIDA en Europe, en présence du docteur Denis Lacoste, actuel président de la COREVIH Aquitaine (Coordination Régionale de la lutte contre le VIH) se distingue par son expertise au sujet du SIDA et des problématiques connexes.

La catastrophe du SIDA a ceci de particulier qu’elle a eu non seulement des conséquences sanitaires, mais également un impact social. Ainsi, s’il faut se montrer toujours vigilant quant aux évolutions de l’épidémie, il faut être alerte quant aux divers autres aspects, tels la prise en charge sociale des malades, la lutte contre les discriminations ou la pénalisation de transmission du virus.

Un contexte mondial toujours préoccupant

Le rapport de l’Onusida récemment publié, fait état pour l’année 2009 de 33 millions de personnes vivant avec le virus du SIDA à l’échelle mondiale. Ce nombre reste approximatif étant entendu que l’on estime par exemple en France qu’un tiers des personnes infectées ignorent leur propre séropositivité. La progression de la transmission de la maladie semble se stabiliser sans pour autant nous laisser à penser que l’épidémie s’estompe et qu’un relâchement de la prévention soit permis. Celle-ci demeure d’ailleurs très dynamique dans certaines zones, notamment en Afrique, en Russie et plus généralement en Europe de l’Est. Dans les pays de l’Est, les évolutions sont variables, la Russie connait en effet de gros progrès en termes de prise en charge et de prévention, contrastant ainsi avec certains de ses voisins dans lesquels les problèmes de la toxicomanie et de la prostitution expliquent la difficulté de lutte contre l’épidémie. Ces personnes particulièrement touchées par le SIDA sont victimes d’exclusion sociale et ont difficilement accès aux soins, aux dépistages Le défi pour ces populations est considérable : leur accès difficile rend l’action des pouvoirs publics très délicate, tant en termes d’appréhension que de lutte contre l’épidémie. De gros efforts demeurent à faire en termes de politique sanitaire.

Le mythe du vaccin contre le SIDA

Le docteur Denis Lacoste n’aura pas échappé à l’éternelle et classique question de l’arrivée prochaine d’un vaccin contre le SIDA. En réalité, il nous rappelle qu’il faut distinguer le vaccin curatif, permettant la guérison d’un malade, et le vaccin préventif, permettant à un individu de ne pas contracter le virus. Selon lui, les spécialistes sont sceptiques sur cette question : en 1996, avec l’arrivée de la trithérapie, on supposait que la prise du traitement pendant trois ans éradiquerait le virus. Mais les espoirs de la Science ont été vite déçus. Au niveau du vaccin préventif, les résultats d’une expérience faite en Thaïlande ont démontré une baisse de la contamination par le virus de 30% sur un échantillon de population. Les recherches sur le vaccin préventif ont donc repris, tout en sachant qu’il faut faire face à la multitude de souches virales différentes qui existent. Concevoir un vaccin pour contrer chacune de ces sources parait pour le moment un mythe.

De nouvelles problématiques

En France, le changement de paradigme et d’objectifs avec une lutte axée sur une réduction des nouvelles contaminations de 50% en 5 ans pose la question des moyens nécessaires pour atteindre ces objectifs. Le perfectionnement des méthodes de dépistage semble capital. Jusqu’à aujourd’hui, le dépistage individuel est entièrement volontaire et repose sur la responsabilité de chacun. C’est un héritage direct de l’époque où il n’existait aucun traitement efficace contre le virus, désormais révolue : en 1996, la découverte de la trithérapie, véritable révolution médicale, a laissé entrevoir la possibilité d’endiguement de la maladie. Ce traitement médicamenteux permet une baisse puis une stabilisation de la charge virale ce qui a un double effet : sur le séropositif, puisqu’elle lui permet d’atteindre une espérance de vie quasiment égale à celle d’un individu en bonne santé, et sur la collectivité, car un traitement de la maladie permet de diminuer les risques de transmission. Les spécialistes considèrent que chacun devrait avoir fait au moins une fois dans sa vie un dépistage du VIH. En France, l’idéal serait que les médecins généralistes s’emparent de cet objectif et proposent un dépistage lors de consultations banales, où à l’occasion de divers tests. L’opinion publique, au départ réservée quant à l’idée d’un dépistage systématique, semble de mieux en mieux en comprendre les enjeux. L’administration d’un traitement efficace doit être recherchée pour parvenir aux objectifs fixés. En France, les critères pour déclencher une trithérapie pour un séropositif ont changé. Aujourd’hui il suffit d’une baisse des lymphocytes T4 à 500 pour que le traitement puisse être administré (une personne en bonne santé dispose d’environ 1000 lymphocytes T4). Cependant le coût astronomique des trithérapies proposées les rend inaccessibles sans couverture sociale, donc inaccessibles à certaines catégories de population, notamment les immigrés et les sans-papiers.

Des différences dans la prise en charge du SIDA dans les pays européens

La prise en charge du SIDA en Europe est à la fois disparate et relativement standardisée. Les recommandations européennes (celles émises par la Commission européenne et le Conseil de l’Europe) ne sont pas forcément appliquées uniformément, y compris en France. Il est évident que les pays plus faibles économiquement ont plus de mal à appliquer ces guidelines. Les méthodes de prise en charge peuvent être assez différentes. En France, l’organisation des soins est très hospitalo-centrée et les médecins généralistes ne se sont pas investis d’entrée dans les mécanismes de prévention. Aujourd’hui, on observe une perte de moyens, des équipes fragilisées, un difficile maintien du niveau qui traduisent l’inadaptation de l’hôpital à la prise en charge de la maladie. Des méthodes et modèles de prise en charge innovant sont pris en compte tel que l’accompagnement associatif des patients, le cocooning psychosocial… En Allemagne, les méthodes sont très différentes, orientées vers la ville avec des maisons médicales et des cliniques de quartiers, pour le moment, inconnues en France. Par ailleurs, la prise en charge du virus dans le monde carcéral n’est pas homogène en Europe. Les associations d’ailleurs pointent du doigt le retard français en la matière.

Faut-il pénaliser la transmission du SIDA ?

La question est délicate et les pouvoirs publics des différents pays européens n’y répondent pas uniformément. On remarque une pénalisation forte dans les pays peu touchés par l’épidémie. Ainsi, au Danemark, le fait de prendre le risque de transmettre à autrui le VIH est punissable d’une peine de prison dont la durée maximale est de huit ans. En France, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a élaboré une jurisprudence selon laquelle se rend coupable de l’infraction d’administration de substances nuisibles l’individu qui, connaissant sa contamination au VIH, a entretenu des relations sexuelles non protégées avec son compagnon ou sa compagne en lui dissimulant volontairement son état de santé et qui a pour conséquence de provoquer chez la victime une affectation virale constituant une infirmité permanente (Crim., 5 octobre 2009). En droit français, seule la transmission effective est punissable, contrairement au Danemark qui punit le risque de transmission. . En Allemagne, une personne séropositive qui transmet le virus du sida alors qu’elle s’en savait porteuse tombe sous le coup de l’article du code pénal relatif aux lésions corporelles dangereuses, à moins qu’elle n’ait fait le nécessaire pour éviter la contamination ou qu’elle n’ait prévenu son partenaire de sa séropositivité. Le risque de transmission, ou même la transmission, est alors possible « par amour », sans qu’aucune sanction pénale ne soit encourue.

La pénalisation de la transmission soulève des enjeux moraux et sociaux importants. Certains considèrent en effet la négligence d’un séropositif comme condamnable, d’autres au contraire affirment qu’il appartient à chacun d’être vigilant et que la pose d’un préservatif est une décision qui se prend entre partenaires. Les pouvoirs publics néerlandais ont souligné les défauts d’une pénalisation accrue, qui pourraient selon eux constituer un obstacle au dépistage. Une pénalisation excessive entrainerait également une certaine forme de stigmatisation, et irait ainsi à l’encontre des objectifs poursuivis par les organisations européennes préconisant l’insertion des séropositifs dans la société.

Illustration : Café européen du 2 décembre « Le SIDA en Europe », avec le docteur Denis Lacoste et Aristoménis Kanellopoulos.

Source : Stéphanie Khoury Lattouf

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