Présidence de l’Union européenne / 2nd semestre 2006 : Bilan d’étape

Quand le Mouvement Européen reçoit S.E Monsieur l’Ambassadeur de Finlande...

à Rouen, ce 2 octobre 2006.

, par Ronan Blaise

Quand le Mouvement Européen reçoit S.E Monsieur l'Ambassadeur de Finlande...

Ce lundi 2 octobre dernier, le « Mouvement Européen / Seine maritime » avait l’honneur de recevoir S.E. M. Charles Murto, Ambassadeur de la République de Finlande en France (depuis octobre 2005), venu dans la capitale haut-normande pour une journée de rencontre auprès des décideurs économiques et à la rencontre du grand public rouennais.

A cette occasion, nous avons eu la chance de pouvoir dialoguer avec cet invité. Dialogue dont nous retranscrivons ici un très bref compte-rendu à l’occasion de la tenue du sommet informel des chefs d’Etats et de gouvernements de l’Union européenne, à Lahti (Finlande), ce 20 octobre. [1].

Depuis le 1er juillet dernier, la Finlande assure la présidence tournante et semestrielle du Conseil de l’Union (i. e : ’’Chef d’Etat’’ collectif de l’Union européenne). Maintenant que nous sommes déjà arrivé à la ’’mi-temps’’ de cette présidence, peut-on déjà en tirer quelques conclusions ?

Pourquoi l’Europe ? ou « Etre dans l’Europe, pourquoi faire ? »

Cela fait désormais seize ans que la Finlande est dans l’Union européenne et c’est la deuxième fois (après le second semestre 1999) que la Finlande préside le Conseil de l’Union. Alors, ’’pourquoi’’ l’Europe et quels sont les avantages qu’en retire aujourd’hui la Finlande ?

A cette question l’Ambassadeur a répondu en soulignant que la grande vertu de l’Europe était de rendre ainsi possibles la paix, la démocratie et le changement dans la stabilité.

Euro-enthousiaste, il a même tenu à préciser que la Finlande désirait participer à toutes les activités de l’Union et à tout dispositif de coopération renforcée (Euro, Schengen, etc).

Mais une coopération reforcée militaire ne remettrait-elle pas en question la neutralité traditionnelle de la Finlande ?

Effectivement, la Finlande mène vis à vis des grandes puissances une politique de neutralité (comme c’est aussi également le cas pour la Suède voisine...) mais l’Ambassadeur a tenu à souligner que - depuis que la Finlande est devenue membre de l’UE - celle-ci ne s’estime plus tout à fait ’’neutre’’ au sens strict du terme...

Alors, bien sûr, la Finlande n’est pas membre de l’OTAN (même si elle est membre observateur de l’UEO depuis 1992) et M. l’Ambassadeur a tenu à souligner que la Finlande n’aspirait pas à adhérer à l’OTAN et qu’un référendum sur l’adhésion à cette organisation serait très vraisemblablement négatif en Finlande (tout comme en Suède, d’ailleurs...).

Mais la Finlande n’en n’est pas moins l’un des 44 ’’partenaires de paix’’ de l’Alliance atlantique, cadre de coopération politique et militaire et accords bilatéraux extrêmement souples : chaque État ’’hors-OTAN’’ ayant souhaité y participer décidant, en collaboration avec les Etats membres de l’organisation, du niveau de collaboration qu’il souhaite entreprendre avec l’OTAN (ce qui a ainsi permis à la Finlande de participer aux opérations de l’OTAN récemment menées en Afghanistan, en Bosnie et au Kosovo...).

Cela dit, l’UE n’étant pas l’OTAN, M. l’Ambassadeur a précisé qu’une coopération poussée avec Bruxelles sur ces questions de sécurité commune était tout à fait envisageable. Et ce : à l’image des efforts que la Finlande avait déjà et récemment consenti en la matière et en seuls termes de participation aux efforts de ’’sécurité collective’’ (ne serait-ce que dans le cadre des Nations unies : au Liban, en Afghanistan, en Bosnie-Herzégovine, au Kosovo, etc) [2].

Ainsi, M. l’Ambassadeur a rappelé que la Finlande avait constituée (avec ses voisins des pays baltes) un groupement tactique de 1500 hommes : une formation militaire ’’multinationale’’ devant pouvoir être déployée sur le terrain (pour des opérations de maintien de la paix et de gestion des crises) dans des délais courts.

De plus, M. l’Ambassadeur a tenu à préciser que les questions de ’’sécurité collective’’ ne devaient pas se limiter à la mise en place de moyens militaires pour une défense militaire commune dite ’’dure’’. Mais aussi rendre effective la constitution de ’’capacités civiles’’ pour, en amont, la gestion des crises (i. e : mise en place de forces de police, de rétablissement de l’ordre et de l’Etat de droit, etc).

Un Secrétaire-général européen pour l’ONU ? Un MAE pour l’Europe ?

A l’heure où nous lui avons posé la question, il y a avait encore une candidature européenne en course pour le poste de secrétaire général de l’Organisation des Nations unies : celle de Mme Vaira Vike-Freiberga (présidente de la Lettonie voisine, candidature alors également soutenue par l’Estonie et la Lituanie).

D’où l’intérêt de lui demander si la Finlande soutiendrait également une telle candidature (et si elle en ferait une promotion appuyée auprès des Vingt-cinq...). Néanmoins à ce sujet, M. l’Ambassadeur sera resté dubitatif, soulignant alors qu’il faudrait sans doute rester dans le cadre de la traditionnelle rotation continentale... [3]

Cet entretien avec l’Ambassadeur de Finlande ayant également eu lieu moins d’une semaine après la récente demande de création d’un poste de ministre des affaires étrangères pour l’Europe dernièrement faite par le Mouvement Européen International, l’UEF et la JEF-Europe [4], nous lui avons bien entendu demandé son sentiment sur cette question.

A cette question, M. l’Ambassadeur est , comme précédemment, resté relativement évasif. Soulignant qu’il s’agissait là, bien entendu, d’une bonne idée devant progressivement être mise en oeuvre mais regrettant que celle-ci ne puisse l’être, dans l’immédiat, en dehors du TCE.

A ce sujet, M. l’Ambassadeur a souligné qu’il était déjà très bien qu’on ait récemment mis en place un mécanisme de concertation préalable entre le président de la Commission européenne (i. e, aujourd’hui : M. José-Manuel Barroso), le « Mr. PESC » (i. e, aujourd’hui : M. Javier Solana) et le Ministre des affaires étrangères du pays présidant le Conseil européen ad hoc (i. e, aujourd’hui : M. Erkki Tuomioja, ministre des affaires étrangères de Finlande).

Quid de l’avenir de l’UE ?

M. l’Ambassadeur nous a rappelé que la Finlande va ratifier le TCE cet automne, fin octobre ou début novembre. Lors de ces entretiens la date définitivement fixée n’était pas encore connue et dépendait de l’actuel processus parlementaire. M. l’Ambassadeur a néanmoins tenu à souligner que la ratification du TCE par 16 Etats membres sur 25 (ou bientôt 18 sur 27, à la suite de l’adhésion et de la ratification du TCE par la Bulgarie et la Roumanie...) ne devrait pas être négligée...

En revanche (comme nous lui avons posé la question) il a précisé qu’il n’y avait pas eu de la part du gouvernement finalndais de réaction officielle quant au projet (d’ailleurs non officiel) de minitraité présenté par le candidat Nicolas Sarkozy.

Quant au ’’Comité des sages’’ de Prodi chargé de réfléchir sur l’actuel processus constitutionnel et sur l’avenir de l’Europe, M. l’Ambassadeur a tenu à en souligner la participation de Paavo Lipponen : actuel président (social-démocrate) du parlement finlandais (et ancien premier ministre finlandais - en 1995-2003 - lors de la première présidence européenne de la Finlande, au second semestre 1999...).

Vers une politique européenne de l’énergie ?

L’une des priorités affichée en juillet dernier sur l’agenda de la présidence finlandaise (avec les questions relevant de la compétitivité économique et de la meilleure définition d’un ’’modèle social’’ européen...) était celle de l’énergie : un sujet dont il devait très précisément être question à l’occasion du sommet informel des chefs d’Eat et de gouvernement de ce 20 octobre 2006, à Lahti.

Interrogé sur cette question, M. l’Ambassadeur a souligné que le « Livre vert » (publié au printemps dernier) de la Commission européenne sur ces questions énergétiques lui semblait être une ’’très bonne base’’ pour entammer des discussions sérieuses sur ce sujet.

Cependant, il a tenu à rappeler qu’à l’heure actuelle le temps n’était pas encore venu pour une ’’politique européenne intégrée’’ sur ces questions : chaque Etat-membre de l’Union restant libre de son ’’mix’’ énergétique (entre nucléaire, sources d’énergie fossiles et énergies renouvelables, etc). Et ce : dans le respect de la subsidiarité.

Dans l’immédiat, il a ainsi exprimé quelles étaient les priorités de la présidence finlandaise en la matière : rendre possibles de meilleures relations extérieures (ainsi que la conclusion de partenariats énergétiques spécifiques) avec les ’’pays tiers’’ grands fournisseurs en énergie (à savoir, principalement : Russie, Algérie et Norvège).

Quid de la politique de bon voisinage avec la Russie ?

Pour ce qui est des relations particulières existant aujourd’hui entre Norvège, Russie et Union européenne, M. l’Ambassadeur a rappelé que celles-ci se déclinent aujourd’hui dans le cadre de ce qu’on appelle la ’’Dimension septentrionale’’ [5] : une politique de bonnes relations et de coopération transfrontalière entre Norvège, Russie et pays de l’UE à 15 (et néo-adhérants ultérieurs) innitiée à la fin des années 1990 à l’instigation du PM finlandais de l’époque (le social-démocrate Paavo Lipponen).

L’Ambassadeur avait alors précisé que le président Vladimir Poutine sera bien présent lors du sommet européen de ce 20 octobreLahti) [6] et - bien entendu - à l’occasion du sommet bilatéral euro-russe de novembre prochain.

A propos de la délicate question des Droits de l’homme en Russie [7], M. l’Ambassadeur a tenu à préciser que, par delà les problèmes actuels effectivement constatés (i. e : entraves portées à la liberté de la presse, entraves mises à l’action des ONG occidentales en Russie, répression militaires et violations répétées des droits de l’homme en Tchétchénie, etc) la population russe exprimait aujourd’hui le besoin d’un gouvernement fort pour redresser l’économie et pour assurer la cohésion nationale du pays.

Par dessus tout, il a tenu à souligner qu’il était important et néanmoins nécessaire d’essayer d’ancrer la Russie dans le système de valeurs occidentales. Et pour cela qu’il faudrait - entre autres choses - diversifier et encourager les échanges d’étudiants entre l’UE et la Russie (les pays membres de l’Union accueillant à ce jour, à sa grande surprise, beaucoup plus d’étudiants chinois que russes...).

D’où l’intérêt [8] d’arriver prochainement à un nouvel « Accord de coopération » entre UE et Russie : accord large qui couvrirait des domaines aussi divers que la culture et les échanges universitaires, la surveillance des frontières communes, les questions environnementales et la santé, la question de la gestion des déchets nucléaires et ces non moins fameuses questions énergétiques...

Reconnaissant néanmoins qu’il faudrait être - en même temps qu’exigeant - réaliste devant ce parcours nécessaire et plus que souhaitable de la Russie ’’poutinienne’’ actuelle vers une démocratie de type occidental. Lequel changement fondamental de régime politique ne pourrant cependant sans doute pas être réalisé du jour au lendemain...

Grande Europe et frontières

Soulignant les aspirations polonaises à voir l’Ukraine entrer prochainement dans l’UE (et exprimant l’idée que la Turquie qui entrerait dans l’UE dans une quinzaine d’année n’aurait très probablement rien à voir avec la Turquie d’aujourd’hui...), M. l’Ambassadeur a estimé qu’il n’était donc sans doute pas opportun de se déchirer entre Européens sur cette question si controversée des improbables et jusque là indéfinies frontières de l’Europe...

Néanmoins, sans donner d’indication particulière quant à la position de son gouvernement sur cette délicate question, M. l’Ambassadeur de Finlande n’a guère caché son embarras quant à la question chypriote qui, aujourd’hui, menace de faire surseoir aux actuelles négociations pour adhésion se déroulant à l’heure actuelle entre l’Union européenne et la Turquie...

Et c’est sur ces derniers propos que se sont cloturés là nos entretiens avec M. Charles Murto, Ambassadeur de Finlande en France...

- Afin d’approfondir sur toutes ces questions, nous ne pouvons que conseiller à nos lecteurs la consultation des sites suivants :

 Le site de la Présidence finlandaise de l’UE.

 Le site francophone d’informations sur la Finlande.

 Le site consacré à la Finlande en France.

.

- Illustration :

Le visuel d’ouverture de cet article est une photograpie de M. Charles Murto, Ambassadeur de Finlande en France :

Document tiré du site de l’Ambassade de Finlande.

Mots-clés
Notes

[1Voir informations complémentaires, ci-dessous :

Blog de Jean Quatremer, correspondant permanent du journal Libération à Bruxelles.

« le Monde ».

« le Figaro ».

« Yahoo Actualités ».

[3Quoi qu’il en soit, depuis lors, les membres du Conseil de sécurité de l’ONU se sont (ce 2 octobre dernier) mis d’accord sur la candidature du sud-coréen Ban Ki-moon pour le poste, part la suite officiellement élu par l’assemblée générale des Nations unies (ce 13 octobre dernier). De ce fait, dans les jours qui ont suivi cet entretien, la candidature européenne restante pour le poste n’était donc plus à l’ordre du jour...

[5Voir également, sur la ’’Dimension septentrionale’’ : « Dimension Nordique, Fulgurance ou flop ? » .

[6Sommet informel des Chefs d’Etat et de gouvernement.

[7NB : Nous tenons à préciser que ces entretiens - en date du 2 octobre dernier - ont eu lieu bien avant l’assassinat de la journaliste et dissidente politique russe Anna Politovskaïa, le 7 octobre dernier, à Moscou : un meurtre resté, jusqu’à ce jour, sans explication claire ni revendication affichée...

[8A l’heure où, depuis juillet 2006, les Vingt-Cinq proposent à la Russie un accord de libre-échange pour remplacer l’actuel « Accord de partenariat et de coopération » (APC) eurorusse conclu à la suite des adhésions de mai 2004 mais bientôt caduc : en 2007.

Vos commentaires
  • Le 21 octobre 2006 à 18:39, par Fabien Cazenave En réponse à : Quand le Mouvement Européen reçoit S.E Monsieur l’Ambassadeur de Finlande...

    Sur le sommet de ces dernières heures, en Finlande (à Lahti, ce 20 octobre 2006), il y a au moins deux versions officielles divergentes :

    => la version française (selon laquelle tout se serait fort bien passé...).

    => et la version allemande (selon laquelle l’UE n’aurait pas obtenu les garanties nécessaires demandées à la Russie, notamment sur le dossier énergétique).

    Et enfin, Il y a les rumeurs qui circulent depuis hier soir (depuis lors relayées par le journaliste Jean Quatremer, voir ci-dessous...) et selon lesquelles ce dîner aurait donné lieu à une violente altercation entre certains chefs d’Etat et de gouvernements européens (entre autres : polonais, baltes et scandinaves, renforcés du président du parlement européen...) et le président russe.

    Et ce, principalement sur l’actuelle fragilité de l’Etat de droit et sur la difficile question des droits de l’homme en Russie...

  • Le 21 octobre 2006 à 19:13, par Ronan Blaise En réponse à : Quand le Mouvement Européen reçoit S.E Monsieur l’Ambassadeur de Finlande...

    Il est vrai que la question de l’Etat de droit et des droits de l’Homme en Russie est aujourd’hui très préoccupante. De même que l’actuel ’’durcissement’’ du régime poutinien ; à l’heure où le ’’président’’ organise sa succession aux affaires (et son seul avenir financier personnel) dans la plus grande discrétion, mais de manière fort efficace...

    Et ce ne sont malheureusement pas les exemples - à propos des violations des droits de l’homme en Russie - qui manquent : répression militaire ’’sauvage’’ en Tchétchénie, atteintes à l’activité des ONG non-russes, remise en question ’’policière’’ des libertés fondamentales (dont le droit de libre expression), menaces sur la presse, ’’mystérieux’’ assassinats de journalistes (comme, ce 7 octobre dernier, celui de la journaliste ’’dissidente’’ Anna Politovskaïa...).

    Et c’est donc là en toute logique que certains Etats membres de l’UE, soucieux du bon respect des normes démocratiques (comme le sont effectivement, traditionnellement, les pays scandinaves...) ou ayant déjà - historiquement - dû subir l’impéralisme russe et/ou soviétique (comme le sont effectivement les pays baltes et la Pologne...) ont ainsi demandé vertement des ’’explications’’ au président russe.

    Il n’en reste pas moins qu’une telle attaque ’’frontale’’ face à un partenaire énergétique potentiel aurait cependant sans doute dû être davantage murie en amont : dans le cadre d’une politique extérieure européenne ’’globale’’ véritablement coordonnée et mieux réfléchie.

    En effet, à l’heure actuelle, si Poutine et l’UE n’ont publiquement rien subi de vraiment facheux en cette affaire, en revanche force est de constater que la mise en place d’une politique extérieure de l’Union en général (et à l’égard de la Russie en tout particulier...) (et à l’égard de ce gros fournisseur énergétique qu’est la Russie...) pose plus que jamais quelques gros problèmes...

    Toute la difficulté de l’affaire étant précisément d’essayer d’établir des relations de bon voisinage avec la Russie (notamment sur le plan énergétique...) sans néanmoins transiger avec nos principes démocratiques, mais sans non plus perturber la marche erratique et incertaine (mais nécessaire) de la Russie vers la démocratie et l’Etat de droit...

    A charge pour l’Europe de définir, à l’égard de la Russie, une politique extérieure tout à la fois intelligente et morale (lisible et cohérente...) et une position d’équilibre entre tous ces (apparents) points de déséquilibre...

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