Avenir de l’Europe

Carton rouge à messieurs Nallet, Védrine et Malivet

Certains partisans du « Oui » restés très silencieux, finalement pas si déçus après le 29 mai

, par David Soldini

Carton rouge à messieurs Nallet, Védrine et Malivet

Alors que le Congrés socialiste approche les contributions fusent, et évidemment, celles sur l’Europe sont légions. Réaction à la contribution socialiste « La France et l’Europe après le Non ou le devoir d’écouter avant d’agir » [1]

Voici une des principales contributions sur l’Europe pour le Congrès socialiste, et voici encore une déception pour les progressistes européens. Une déception pour ceux qui croyaient que les socialistes allaient réussir à rebondir, à porter haut l’idée européenne que certains militants avaient passionnément défendu pendant une campagne fratricide.

En effet, la contribution signée par Védrine, Nallet et Malivet est le prototype de la pensée étatiste, jacobine française sur l’Europe.

L’observateur averti aura remarqué déjà pendant la campagne référendaire le malaise de certains partisans du oui très silencieux et qui, finalement, ne semblaient pas si déçus le soir du 29 mai. Ce sont ces mêmes partisans opportunistes qui aujourd’hui signent un texte qui voudrait révolutionner l’européisme et tirer les conséquences du Non.

Sous couvert d’européisme de façade, le texte s’en prend aux idées qui ont sous-tendu la construction européenne.

Il est possible de se féliciter du fait que les signataires ont le courage de ne pas mettre la tête sous le sable, de constater que la crise européenne est grave, plus grave que ce qu’ils pensaient. Mais ce constat n’est pas le point de départ d’une réflexion visant à repartir, à relancer un processus qui irait dans la direction souhaitée : celle du renforcement de l’Europe menacée.

Sous couvert d’européisme de façade, le texte s’en prend aux idées qui ont sous-tendu la construction européenne, en s’attaquant à ses fondements : l’idée de paix et de prospérité. Une paix « qui n’est, aujourd’hui, plus menacée » (c’est une blague ?) et une prospérité « qui a cessé d’être assurée ». Sur ce double constat, qui finalement se résume à l’inutilité de la construction européenne, les deux objectifs qu’elle s’est fixée étant l’un réalisé, l’autre manifestement hors de sa portée, les socialistes signataires dénoncent alors la pensée fédéraliste et prennent acte « du décès de l’illusion du fédéralisme d’intégration, cher a quelques cercles européistes, qui restait encore vivace au PS et à l’UDF, chez ceux qui aimaient à s’inscrire dans la lignée de Jean Monnet, ou ceux qui, plus jeunes et revenus des romantismes révolutionnaires des années 60, avaient paré l’idéal européen des magies du dépassement dialectique... » Ces misérables fédéralistes ont lamentablement échoué, « leur défaite est historique ».

Il faut d’abord noter la prise de distance des signataires avec « ces » fédéralistes. Pourtant cette distinction fondamentale entre eux et le reste des socialistes pro-européens ne sautait guère aux yeux durant la campagne référendaire. Les européens progressistes semblaient ne former qu’un bloc. Il a fallut une claque électorale pour que certains se distinguent, s’éloignent de ceux qui hier étaient des amis et qui apparaissent déjà comme des pestiférés... Etonnante façon d’assumer ses engagements politiques d’hier...

Mais passons sur ces tristes stratégies politiciennes pour en venir au fond : à la dénonciation d’une idéologie fédéraliste « d’integration » qui aujourd’hui n’aurait plus de sens et par le remplacement de celle ci par un « fédéralisme de subsidiarité », ce fédéralisme d’Etats nations, si cher aux jacobins français, bien obligés d’admettre malgré eux la nécessité historique de la construction européenne. Et c’est sur ce point qu’apparaît la triste hypocrisie de ce texte qui voudrait opposer à une construction institutionnelle, certes difficile, lente mais fondée sur des compromis, une Europe efficace, politique, capable d’agir, car se fondant sur la seule entité politique légitime, la seule capable de donner de l’impulsion à une politique : la nation.

Il est d’ailleurs difficile de comprendre ce que ces socialistes voudraient voir sous l’appellation Fédération d’Etats-nations, puisque ce qu’ils décrivent est le propre d’un système fédéral tout court : « organiser entre chaque niveau Européen, national, régional une répartition claire et stable des compétences ». Ce qu’il faut y voir en réalité, c’est le refus de construire le niveau européen, de lui donner la légitimité (démocratique) et l’efficacité (en terme de capacité d’action et donc de compétences) qui sont les caractéristiques d’une Fédération et sans lesquelles l’Europe est condamné à rester loin des citoyens, illégitime et impuissante.

Statu quo

Ainsi, derrière une proposition soit disant alternative au fédéralisme, se cache en réalité la volonté du statu quo, la démocratie et la puissance restant l’apanage des Nations, l’Europe n’étant là que pour parfois palier les insuffisances trop criantes de nos structures nationales désuètes. Cela est loin, bien loin, du fédéralisme dont l’Europe a besoin et qui suppose une réelle démocratisation et autonomisation du pouvoir européen.

L’analyse présentée, bien que l’on puisse concevoir qu’elle flatte les adhérents socialistes, légitimement déçus d’avoir vu leur parti exploser en vol durant la campagne, en rejetant sur d’autres, ces prétendus fédéralistes, la faute originelle de l’échec électoral, est une idiotie du point de vue politique. Il n’est pas besoin d’être ancien ministre des affaires étrangères pour savoir que ce qui fonctionne en Europe c’est ce qui a été communautarisé, c’est à dire ce qui est aujourd’hui décidé démocratiquement au niveau européen, avec la règle de la majorité qualifiée, et que ce qui ne marche pas, ce sont les politiques que les gouvernements nationaux ont refusé, obstinément, pour défendre une souveraineté nationale vidée de sens, de communautariser. Il n’est pas nécessaire d’être vice-président du PSE et ancien ministre de l’Agriculture pour savoir que si l’économie européenne stagne c’est parce que justement l’Europe, faute de pouvoir décider de façon majoritaire, ne réussit pas à avoir une politique économique, et que les États en sont aujourd’hui structurellement incapables.

Il n’est pas nécessaire d’être secrétaire fédéral du PS pour comprendre que seule l’intégration peut permettre à l’Europe d’agir et que seule l’Europe peut aujourd’hui assurer le bien être des européens. Certes, cela n’est pas simple, il faut du courage politique, beaucoup de bonne foi et d’honnêteté et une grande crédibilité politique pour espérer faire avancer cette idée. Du courage, de l’honnêteté et de la crédibilité, des qualités qu’étrangement les Français ont de plus en plus de mal à entr’apercevoir dans leur personnel politique... peut être l’origine de l’échec est bien là, peut être que c’est finalement cette absence de qualité qui a fait perdre l’Europe, et qui l’empêche aujourd’hui comme hier d’avancer et pousse les peuples à entretenir le nationalisme, pour le plus grand bonheur de nos éminents socialistes.

Peut être que le péché originel est là, dans ce nationalisme rampant entretenu par la médiocrité politique, bien plus que dans les errements d’une pensée politique qui apparaît rationnellement comme la seule capable d’assurer la paix et la prospérité à un continent qui en a encore manifestement besoin, et lui donner les moyens d’exporter ce bien-être qui caractérise si bien, quand on prend la peine de regarder le monde, notre continent européen.

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[1Lien mis à jour - mars 2007

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