Carton Rouge aux propos germanophobes de responsables politiques du PS

, par Robin Huguenot-Noël

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Carton Rouge aux propos germanophobes de responsables politiques du PS
Francois Mitterrand et Helmut Kohl Crédit photo : Schaak, Lothar | 20 octobre 1987

« Jetzt auf einmal wird in Europa deutsch gesprochen » (« Désomais, c’est toute l’Europe qui parle allemand ») [1] . Les propos prononcés par Volker Kauder, chef du groupe CDU/CSU le 15 novembre dernier, auront fait couler beaucoup d’encre. Condamnée par l’ancien chancelier allemand, Helmut Schmidt lors des Parteitage de la SPD à Berlin, la « petite phrase » de Volker Krauder aura malheureusement permis de réveiller les « vieux démons » antigermanistes qui sommeillaient du côté français.

À l’heure où l’Union européenne traverse une crise sans précédent et que le couple franco-allemand peine à oeuvrer pour l’en sortir, on aurait pu s’attendre à un regain de solidarité de la part de la classe politique européenne. On aurait pu s’attendre aussi à ce que la gauche, hussarde auto-proclamée de la solidarité, condamne unanimement, les propos injurieux à l’égard de l’Allemagne, tels ceux de Marine Le Pen sur l’« Europe à la Schlag ».

Au lieu de ça, Arnaud Montebourg, ancien candidat aux primaires socialistes, a dénoncé "La politique à la Bismarck de Mme Merkel" tandis que Jean-Marie Le Guen, également député, comparait la rencontre de Nicolas Sarkozy avec Angela Merkel à celle de Daladier à Munich, sous-entendant ainsi que la politique de la chancelière s’apparentait à celle de Hitler.

En réponse aux critiques formulées à leur égard, les socialistes ont ressorti les propos que Nicolas Sarkozy, avaient tenu dans un discours prononcés lors de la campagne présidentielle de 2007. Ces propos rappelaient notamment les exactions commises en Allemagne lors de la Seconde Guerre Mondiale et tentaient d’atténuer, à travers cette comparaison, celles qui avaient pu être commises en France.

Propos honteux quand on sait notamment que L’Allemagne, une fois débarassée du nazisme, s’est reconstruite la tête haute, en réalisant un effort colossal pour redresser une économie dévastée tant par les bombardements que par les pertes importantes de main d’oeuvre. À tel point que Mitterrand, dans l’ouvrage intitulé « De la France, de l’Allemagne » s’indignait que l’on puisse encore parler de « miracle » économique allemand pour désigner l’incroyable courage et la volonté des Allemands à se reconstruire. L’Allemagne est aussi parvenue à sa réunification, seule, en assurant que celle-ci ait lieu dans le cadre de l’Union européenne et non dans celui de toute autre alliance qu’elle aurait pu alors privilégier. L’Allemagne, a, enfin, réalisé un admirable travail de mémoire, que la France devrait lui envier.

Mais voilà : l’étude de l’histoire est ainsi faite qu’on juge davantage un peuple à ses erreurs passées qu’aux efforts faits pour ne plus les réitérer. Et tandis qu’on apprend sur les bancs des écoles de Munich, Bonn ou Berlin, les vertus de la démocratie, qu’on traque les jeunes fascistes à Leipzig, ou qu’on tente d’interdire la nouvelle peste brune à Karlsruhe, voilà que nos dirigeants français montrent du doigt l’Allemagne en lui reprochant tantôt d’arborer le casque de Bismarck, tantôt de porter l’uniforme de la SS.

Qu’ils viennent de gauche ou de droite, les propos germanophobes doivent donc être condamnés. De par leur notériété et leur rôle dans la société, les hommes et femmes politiques se doivent d’agir avec responsabilité – et bien souvent même, exemplarité. Et si les tergiversations d’Angela Merkel peuvent être critiquées, elle se doivent de l’être sous le prisme de l’argumentation.

D’autant plus que, pour tout fédéraliste, et plus particulièrement pour tout homme ou femme de gauche, les arguments ne manquent pas pour se considérer en contradiction avec bon nombre de politiques décidées par l’Allemagne d’Angela Merkel lors des dernières années :

  • On peut reprocher à cette Allemagne d’avoir mené une politique concurrentielle au sein même de l’Union en exerçant une pression salariale exhubérante pour notre modèle social européen et tragique pour la demande interne de l’Union.
  • On peut aussi reprocher à la CDU/CSU de Merkel de ne pas s’être assez distanciée – contrairement à la SPD – d’un trop vieux culte de l’inflation.
  • On peut enfin reprocher à la chancelière de chercher à mener une politique de trop grande austérité, à l’heure où l’Europe aurait besoin d’un véritable plan Marshall.

Allons plus loin et acceptons d’élargir la critique à la politique menée par nos dirigeants nationaux. Rassemblons-les sous la fameuse expression du couple Merkozy. Ici encore, vous verrez qu’on peut, sans obstacle majeur, établir une longue liste de critiques potentielles :

  • Ainsi, de leur « marche forcée » balisée d’un incroyable mépris de toute considération démocratique (dans la nomination de nouveaux gouvernements tel celui de Mario Monti, dans l’annulation du référendum grec, dans la préparation d’une révision du Traité sans association du Parlement européen).
  • Quid de la TTF ? Pourquoi refuser les Eurobonds ? A quand une augmentation subtantielle du budget de l’UE ? Une fois encore, les arguments ne manquent pas pour reprocher à Angela Merkel et à Nicolas Sarkozy leur manque d’ambition et leur incapacité à porter de véritables projets fédéralistes.

Critiquer une politique ou une vision du monde, est légitime. On peut « Yaka »-sser dans son fauteuil, s’indigner ou se révolter. Mais dès lors qu’il apparait une confusion entre la critique de l’action et celle de l’origine de son auteur, la dérive est déjà trop avancée. Mitterrand ne rappelait-il pas que « le nationalisme, c’est la guerre » ? Aujourd’hui, plus que jamais, cette maxime mérite d’être rappelée.

Camarades socialistes, relisez donc Jaurès et Mitterrand. Ou à défaut, tenez-vous en aux arguments. Merkel n’est pas prêteuse, c’est là son moindre défaut. Mais plutôt que de vous attaquer à son germanisme qui n’est que de nature, opposez-vous à sa politique qui est de volonté.

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